L’avantage des généalogies alsaciennes et allemandes, c’est que vous n’êtes pas à court d’idées quand le K débarque dans le challenge du mois.
J’aurais pu choisir de vous parler de la famille Karcher, mais c’est à Adele Kuehner, la grand mère de mon mari, que j’ai décidé de consacrer ce billet.
Adele est née le 8 février 1886 à Odessa, dans l’empire russe, d’un père allemand venu de Stuttgart, Eduard Kuehner, et d’une mère italienne Teresa Porro, qui avait fui Venise après une des nombreuses épidémies de choléra qui avait décimé sa famille. Eduard et Teresa se sont mariés le 1er septembre 1868 à Odessa. Grace aux microfilms des Mormons, qui ont photographiés une partie des registres luthériens de Crimée, j’ai pu retrouver les dates de naissance et baptême des enfants nés du mariage, mais je n’ai pu avoir accès à l’acte de mariage et donc aux renseignements filiatifs qu’il contient sûrement.
Eduard et Teresa ont eu 6 fils et 4 filles, la dernière née étant Adele, dont la naissance a causé le décès de sa mère.
J’ai la chance, à défaut de renseignements d’état civil, d’avoir des photos, qui ont dû faire le tour du monde à bord du Vladimir à partir de 1919. Bien sûr, les photos ne sont pas datées, les noms des personnes qui y figurent ne sont pas indiquées, mais j’ai pu en tirer quelques éléments et surtout beaucoup de questions, qui vont être bien compliquées à résoudre. Il faudrait peut être que je me décide à apprendre le russe.
La jeune fille en manteau sombre, avec le grand chapeau, c’est Adèle. Je lui donne entre 16 et 18 ans sur cette photo, on doit être au tout début du 20ème siècle. Adèle est vraisemblablement avec sa soeur Emilie, née en 1871, son mari dont j’ignore le nom et probablement leurs quatre enfants. J’imagine que l’homme en uniforme à la droite de la photo doit être un des frères d’Adèle, peut être Eduard ou Carl August. Mon problème dès qu’on parle de la branche Snejkovsky, c’est que je n’ai pas accès à grand chose en tant que documents officiels, et que la révolution russe, puis les deux guerres mondiales sont passées par là. Certains des Allemands de Crimée sont retournés en Allemagne entre les deux guerres, d’autres sont morts en 14-18 ou plus tard, et l’histoire familiale n’a pas été préservée. Alors je bricole un peu, je le reconnais.
Continuons avec une seconde photo de famille des Kuehner d’avant mariage. Adèle pose à nouveau avec sa soeur , la même grande soeur qui a maintenant deux enfants de plus. La photo est prise à mon avis peu de temps avant le mariage d’Adèle, je dirais vers 1908. Remarquez le sourire éclatant d’Adèle, sa marque de fabrique dans ces années heureuses de sa jeunesse, avant que le monde devienne fou, quand l’avenir lui souriait.
Adèle et Michel, la photo classique au moment du mariage. On est en 1909. Elle a 23 ans, il en a 33, c’est un mariage d’amour, et de l’amour il leur en a fallu pour affronter la vie qui les attendaient, que j’ai à peine évoquée dans mon article sur Ellis Island et le Vladimir, et que je vous conterai un jour.
Boris, le grand père de mes enfants, est né le 10 juillet 1910 à Odessa. Sur cette ph0to, il n’a que quelques semaines. L’avenir est radieux, Michel assure le commandement d’un navire marchand russe, le jeune couple jouit d’une certaine aisance, et la vie à Odessa ressemble à celle des capitales européennes.
Cette photo, je l’ai interprétée à partir de l’âge que je donne au petit bonhomme assis sur sa chaise haute. Il s’agit de Boris qui doit avoir quatre ans au plus. J’en conclus que la photo est prise juste avant le début de la guerre, à l’été 1914. Bien sûr, je ne peux rien certifier, mais ça me semble logique. Sur la photo, prise probablement dans la maison d’Eduard Kuehner, on voit Eduard, le père d’Adele. J’avoue avoir tourné la photo – j’en ai deux ou trois autres avec les mêmes personnages – dans tous les sens, n’arrivant pas à me figurer qui étaient les jeunes filles présentes. Et puis il a fallu que je me fasse une raison, il est probable qu’après la mort en couches de son épouse bien aimée Teresa, Eduard a dû se remarier. Il pose donc avec la belle mère d’Adele et ses demies soeurs.
Je ne suis pas sûre que la photo soit prise à bord du Vladimir, je ne sais pas à partir de quand Michel en a assuré le commandement. Mais une chose est claire, cette photo a été prise à bord d’un bateau, et Michel au bout de la table, à la place d’honneur, avec son fils Boris sur les genoux, et son épouse Adèle à sa gauche, en est le commandant. Je n’ai aucune idée de qui sont les gens attablés avec eux. Des amis? De la famille ? Je ne reconnais pas la soeur ou les nièces d’Adèle. Michel, lui, n’aurait pas eu de frère ni de soeur, d’après les dires de ma belle mère. Je ne sais pas non plus quand la photo est prise, je dirais que Boris a 6 ou 7 ans, on serait donc en pleine guerre, mais alors que fêtent ces gens ? Pourtant, l’air grave d’Adèle, la disparition de son sourire, tout me fait penser que les belles années sont finies.
Cette photo de Michel, Adele et Boris Snejkovsky, sur le Vladimir, à un moment de leur périple qui les mena au Japon, à New York et à Constantinople, montre des visages graves, fermés. Le sourire si joyeux et insouciant d’Adèle a disparu depuis longtemps. J’aime à penser que la photo a été prise à leur arrivée à Ellis Island, c’est ce genre d’expression, grave et inquiète, que devaient avoir les émigrants qui venaient refaire leur vie aux Etats Unis.
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