La toile bruisse de rumeurs de logiciels ou d’applications déjà en place – Family search – ou à venir – dont l’objectif serait de permettre aux généanautes de constituer de façon collaborative un arbre généalogique mondial en ligne.
Au lieu de travailler chacun dans son coin, sur son petit arbre à soi, chaque généalogiste apporterait sa petite pierre à un arbre commun, où presque par magie on finirait par refaire les connections entre l’humanité depuis que la trace des individus est restée sur le papier.
Belle idée, que j’aime beaucoup intellectuellement. J’ai un peu « joué » déjà avec certains rameaux de mon arbre que j’ai resaisis dans Family Search, mais pour l’instant personne n’est venu s’y raccrocher …
Le grand principe fondateur de ces différents logiciels, c’est le lien absolu entre une personne indiquée et la source qui permet de la situer là à cet instant donné, avec les relations familiales correspondantes. Tout ce que vous indiquez dans l’arbre global en ligne doit reposer sur un document – acte civil ou notarié, listes de recensement, article de journal, dossier militaire … document que vous devez indiquer de façon très précise dans les sources pour permettre à d’autres généanautes de vérifier ce que vous avez saisi et de se raccrocher au même individu.
Sur le papier, c’est clair et ca me plait.
Mais …. parce qu’il y a toujours un mais quelque part …. je suis dubitative sur l’application pratique de cette idée séduisante. Dès qu’on remonte dans le temps – et par forcément très loin, dès le 19ème siècle – il peut être complexe de déterminer avec précision qui est qui dans un acte.
A titre d’exemple, je travaille en ce moment – par petites périodes – sur un grand projet un peu fou de reconstitution des familles sur mon petit triangle Chalandray-Latillé-Ayron. J’ai donc entrepris de saisir la totalité des individus que je rencontre dans les actes mis en ligne sur le site des archives départementales de la Vienne. En passant par la Saisie des actes d’Heredis, je peux vraiment lier tous les éléments d’un acte à une source, non seulement les données de base comme la date de l’événement, mais aussi le domicile de toutes les personnes présentes à un moment donné, celui de l’acte. Je suis seule à travailler sur mon logiciel, et j’ai en gros toujours la même façon de raisonner. Et pourtant, je commence au bout de 30 ans de registres et de deux recensement sur la même commune à avoir des problèmes d’identification de certaines personnes. Si le lien de parenté ou l’âge d’un témoin n’est pas indiqué – ce qui arrive même dans certains actes de la fin du 19ème siècle – comment savoir si le Pierre Robin que l’acte m’indique comme témoin – laboureur à Cramard, commune de Chalandray – est le père ou le fils ? Si à cette date ils sont tous deux vivants, à part tirer au sort ou créer un troisième Pierre Robin témoin de l’acte, je n’ai aucun moyen d’être sûre de mon choix.
Reculons dans le temps, et passons maintenant à une période où il n’y a pas de recensement. Je n’ai maintenant plus de moyen de savoir si mes Pierre Robin sont tous les deux vivants, de savoir si par hasard il y a un troisième ou un quatrième Pierre Robin dans le coin – parce que je vous assure que pour certains couples nom-prénom, j’en ai parfois jusqu’à quatre ou cinq sur la même commune ….
Alors dans le cadre du méga arbre mondial, je fais quoi ? Vous allez me dire que je vais me contenter de saisir les actes principaux, et pas les actes où l’individu est témoin. Seulement si vous avez déjà essayé de faire des lignes de vie pour retrouver un ancêtre qui vous échappe, vous savez que les actes où il est témoin ou parrain lors de l’événement concernant une tierce personne vont vous donner des éléments importants : il est vivant, il habite à tel endroit …. petites pierres que vous ajoutez à votre ligne de vie. A mon niveau, c’est à travers certains témoins que j’ai reconstitué certaines alliances dont je n’avais pas eu conscience.
Vous comprenez pourquoi je suis un peu dubitative …
J’ai d’autres doutes sur une des conséquences probables de la mise en place de ce genre d’arbre mondial.
Imaginons que je décide de me lancer et de jouer totaltement le jeu. Je ne vais pas pouvoir maintenir en parallèle deux arbres, l’un sur mon disque dur, et le second sur internet où je viendrais en parallèle saisir tout nouvel acte pris en compte dans Heredis – ou tout autre logiciel que vous utilisez. Pratiquement, c’est totalement impossible. Si je veux me lancer, il faut donc que j’accepte de ne plus avoir ma généalogie sur mon disque dur. Mais alors, comment est ce ma généalogie ? Comment puis montrer à mes enfants, mes neveux ou mes cousins d’où ils viennent, et qui est telle personne dont je leur montre la photo. Sur un arbre mondial, je ne vais commencer à indiquer les données que des personnes décédées, et si une de mes cousines veut faire le lien avec sa petite fille nouvelle née, sur internet comment vais je lui montrer ?
Allez, encore une petite question : toutes ces données que nous allons mettre sur le cloud, comment savoir si elles seront pérennes ? Que se passerait il si le serveur crashait et que tout ce qu’il contient était perdu ? Je reconnais qu’il y a peu de chances qu’une société un peu sérieuse ne mette pas en place des outils de sauvegarde redondants, mais la question peut quand même être posée.
Autre problème à consonance plus économique – et qui explique pourquoi je ne sauterai pas le pas comme certains de ne plus avoir d’arbre qu’en ligne sur des systèmes comme Geneanet ou MyHeritage. Si pour des raisons économiques la société qui gère ses applications doit disparaître, et que l’utilisateur que je suis a tout mis en ligne chez eux, vais je voir tout mon travail disparaître en même temps ? Si l’arbre mondial en ligne sur lequel j’ai passé des jours disparaît, aurai je le courage de recommencer si je n’ai rien gardé sur mon disque dur ?
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Entendons nous bien, je ne suis pas négative, je me demande seulement comment les différents projets dont on entend parler vont essayer de répondre à ces questions. Pour l’instant, nous n’avons fait qu’en entendre parler, lire des articles – très tentants je l’avoue – qui en parlent, et je n’ai pour l’instant pu tester que l’arbre de Family Search – qui me laisse un peu sur ma faim, peut être parce que peu d’Européens s’y sont intéressés …. Ce genre de projet ne peut fonctionner à mon sens que s’il est vraiment participatif et rencontre un public large et fortement impliqué.
Alors en attendant – avec impatience, parce que je suis vraiment curieuse de voir en pratique comment ca peut marcher et que j’aime vraiment l’idée … – de voir à quoi les différentes beta versions des projets français vont ressembler, je vais continuer à travailler à mon projet d’arbre multi communal ….
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