Mon grand père maternel, Achille Reau, est issu d’une très longue lignée de paysans. Aussi loin que je remonte ses racines, elles plongent toujours directement dans la terre. Fils de paysan, frère de paysan, tout le destinait à devenir agriculteur, selon le terme désormais utilisé.
Né le 21 mai 1904, il a 10 ans quand la guerre éclate. Son père, François, est mobilisé le 17 août, mais très vite, le 26 septembre, il est réformé par la commission spéciale de Poitiers et revient à Ayron, sur la ferme de la Brissonnerie où vit la famille.
Comment Achille a t’il vécu de loin cette guerre, qui décimait les hommes du village, du canton, à commencer par son oncle Ernest Blanchard, le mari de sa tante Eugénie ? Jeune garçon solide, il est évident qu’il a fait sa part du travail de la ferme, et probablement une part plus importante que si la guerre n’était pas passée par là. Quand la guerre prend fin, et que la vie reprend son cours, il est clair pour tout le monde qu’Achille sera agriculteur comme son père et les pères de son père. Il y a du travail pour tous les bras dans les fermes du Poitou.
Mais le 23 novembre 1923, Achille se rend à Poitiers et s’engage, devançant l’appel pour faire une carrière militaire. Je vous ai déjà un peu parlé du brillant parcours militaire de ce petit paysan, qui n’avait que son certificat d’études, mais un courage, une droiture et une grande capacité de travail qui l’ont conduit à devenir un officier respecté et apprécié.
Après quelques années à Saumur, à l’école d’application de cavalerie, Achille est affecté à Paris où il installe sa femme et ses trois filles.
Et régulièrement, à chaque période de vacances, il ramène les siens dans le Poitou, à Latillé et Ayron, dans sa famille. Et à chaque séjour, il prend des photos, de très nombreuses photos dont je conserve une partie dans ma collection familiale.
C’est ainsi qu’en juillet – août 1935, j’ai trois jolies photos de ce monde paysan du Poitou d’entre les deux guerres, de cette époque où il fallait des bras, beaucoup de bras et quelques boeufs puissants, pour exploiter une ferme.
La légende indique « Arsène, Clodomir et Gaby dans l’allée ». Arsène est le frère cadet de mon grand père, il est assis sur la moissonneuse – et dirige l’attelage. Gaby est son fils, le petit garçon qui marche dans l’allée. Devant se tient Clodomir, né en 1917, qui a environ 18 ans sur cette photo.
Achille est le seul des quatre enfants de François Reau et Clémentine Pelletier à avoir quitté la ferme et le monde paysan. Aujourd’hui encore, comme depuis de très nombreuses générations avant nous, un certain nombre d’exploitations agricoles autour d’Ayron et de Chalandray sont habitées et gérées par mes cousins, les descendants de mes ancêtres paysans, et des frères et soeur de mon grand père Achille.
Mais je ne vous ai montré que deux photos, me direz vous … Oui car la troisième est la photographie prise ce même été de six petits cousins germains, les filles d’Achille et les enfants d’Arsène : Françoise, Monique, Michelle, Gaby, Odile et François.
Trois petites filles qui vont grandir loin de la ferme, loin du Poitou, et trois enfants qui vivent encore à quelques kilomètres de l’endroit où cette photographie a été prise, il y a 82 ans, et qui ont passé leur vie d’adulte à exercer le noble mais dur métier de paysan. Une photographie comme tant d’autres, qui porte en elle un changement profond de notre société.
[Achille_Reau_Sosa_14]
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