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Guillaume Chaix, du blog Le Grenier de nos ancêtres, nous propose chaque mois un défi d’écriture généalogique original. Il s’agit de raconter notre rencontre avec l’un de nos ancêtres . Ce mois-ci, j’ai profité de ma contribution pour lancer mon nouveau projet généalogique, dans le cadre du Geneathème proposé par Sophie Boudarel pour le mois d’août.
Tranquillement assise sur un des fauteuils du séjour, j’ai posé sur la table basse devant moi le vieil album de photos de Marie Karcher. Je tourne une à une les pages de carton épais, dans lesquelles sont insérés de vieux portraits de gens que je n’arrive la plupart du temps pas à identifier. Tiens, voici la page avec le portrait de Jules Karcher, et à côté celui de Marie Jung, son épouse, les grands parents de ma belle mère. Ceux là je les connais, Christiane leur petite fille qui nous a transmis cet album avait pensé à écrire au crayon à papier les noms à côté des visages.
Mais les autres, tous les autres …
A haute voix, je commence à râler.
« Zut alors, ce n’était pas bien difficile de mettre des noms quelque part, non, ça sert à quoi ce fichu album avec tous ces gens inconnus , tu me gonfles Marie … »
« Quel langage grossier, Brigitte, comment osez vous vous adresser ainsi à moi? »
Je sursaute, je suis pourtant seule dans la maison, non ? D’ailleurs Léia, mon bouvier bernois, n’a pas réagi, non il n’y a personne. A qui appartient donc que cette voix, ce léger accent alsacien, cette façon un brin précieuse de prononcer les mots ? Le chien dort toujours calmement. Clairement, je suis la seule à avoir entendu parler.
Mi effrayée, mi surprise, je reprends une gorgée du thé posé sur la table, je me frotte les yeux. Non je ne dors pas. Mais j’ai bien entendu parler pourtant, j’ai besoin d’en avoir le coeur net, alors à voix haute, j’interroge.
« Qui êtes vous, et où êtes vous cachée? Vous me faites peur là, montrez vous et dites moi ce que vous voulez. »
« Qui voulez vous que je sois Brigitte ? Vous vous adressez, plutôt grossièrement, à moi, vous feuilletez mon album photos, vous êtes assise sur un des fauteuils que j’avais dans mon salon à Bâle, et il faudrait en plus que je m’excuse de vous avoir fait peur? Dites moi plutôt pourquoi vous en avez après mon album de photos, qui n’a pas l’air dans un très bon état d’ailleurs. »
Sur la table devant moi, les pages tournent doucement, et parfois s’arrêtent.
« Pourquoi mon album est il aussi abimé ? Regardez la couverture, le cuir en est tout sec, on dirait qu’il va s’effriter. Et ces pages un peu déchirées …. Mais qu’avez vous fait de ces souvenirs qui m’étaient précieux. Si vous abimez cet album, qu’allez vous laisser comme souvenir de moi à vos enfants, mes seuls descendants ? »
« Oh, vous savez, Marie, mes enfants, vos arrières arrières petits enfants, n’ont pour l’instant pas grand chose à faire de ces photos. Et d’ailleurs, pourquoi s’y intéresseraient ils, puisqu’on n’y reconnait personne. »
Elle m’a énervée, Marie, elle a beau être morte cinquante ans avant ma naissance, et avant celle de son arrière petit fils, elle ne va pas me prendre de haut, moi qui essaie comme je peux de faire revivre l’histoire de sa famille.
Il n’est pas très facile de s’adresser à une voix, sans pouvoir regarder en face la personne qui vous parle, mais peut-être ai-je l’occasion de poser quelques questions. Je n’ai pas beaucoup dormi les nuits précédentes, il est probable que je sois en train de rêver cette conversation, mais mon inconscient va peut-être en profiter pour me suggérer quelques réponses, des intuitions que je n’aurais pas eu sinon. Alors jouons le jeu, personne ne me voit me couvrir de ridicule.
« Vous savez Marie, si nous ne connaissons presque personne dans cet album, c’est que Christiane, votre petite fille, celle qui est devenue dépositaire de l’histoire de votre famille, n’a pour ainsi dire pas connu son père. Elle avait tout juste 2 ans quand il est mort, elle n’a jamais eu aucun souvenir de lui. Et sa maman, Jeanne Dabzat, l’épouse de votre fils Daniel, ne vous a jamais connue. Elle a rencontré Daniel quelques années après votre décès. Elle n’a pu dire que ce que son mari lui avait raconté : le portrait de son père et de sa mère dans l’album photo, la famille de Chambure, le cousin sous l’Arc de Triomphe, le grand père à Colmar qui avait quitté l’Alsace pour Bâle pour ne pas devenir allemand. Des bribes d’histoire, vous voyez, dont patiemment je démêle et rattache les fils pour tisser l’histoire de votre famille. Alors ne soyez pas trop dure avec moi, s’il vous plait. Racontez moi votre famille … »
Personne ne me répond, la voix dans la pièce, ou plutôt dans ma tête, s’est éteinte. Je n’aurai aucune réponse à mes questions.
Je regarde à nouveau l’album, je sais qu’il veut me raconter une histoire. Je le connais depuis plus de 20 ans qu’il est à la maison, je l’ai souvent feuilleté, mais je n’ai jamais su comment retrouver mon chemin au milieu de tous ces visages énigmatiques.
Cela fait maintenant quelques années que je fais de la généalogie de façon régulière, j’ai petit à petit acquis une expérience, une méthodologie, que je n’avais pas aux débuts.
Et si en mémoire de Marie, et pour le plaisir de l’enquête et de la recherche, je me lançais dans un nouveau projet généalogique ?
L’album de Marie
Il y a des projets auxquels vous fixez un délai, des conditions. Ce ne sera pas le cas cette fois-ci. Je vais aller à l’aventure, à la découverte des vies que j’imagine dans cet album, sans me fixer de contrainte de délai. Une sorte de fil rouge, un de plus dans mes projets généalogiques.
Mais pour que le projet avance, il faut que je mette en place en méthodologie.
Tout d’abord, il faut restaurer ce très bel album, grâce aux conseils éclairés glânés sur Twitter, c’est en court.
Ensuite, j’ai photographié chacune des pages de l’album avec les photos telles qu’elles y étaient rangées. J’avais retiré quelques photos, les portraits de Marie et de ses enfants, je pense les avoir remis à peu près à leur place. J’espère qu’il y a une logique dans le classement des photos, ou du moins que les membres d’une même famille plus ou moins proche sont classés dans les mêmes pages.
A partir de ces photos de situation, avant de commencer la numérisation de chacune des photos, j’ai mis en place un tableau rudimentaire qui va me servir d’inventaire et de trame de recherche.
L’étape suivante, c’est la numérisation des 125 photos de l’album, en format .tiff résolution 1200 dpi – j’ai de la place sur mon Cloud, ne lésinons pas sur la qualité pour la sauvegarde de cet album. Je scane aussi le verso de la photo, mais cette fois ci en format .jpg résolution 100 dpi.
J’indique dans mon tableau le nom du fichier de la photo – je donne le meme nom au verso, avec l’ajout du suffixe _verso, et je complète les informations que je trouve.
Je n’ai scanné pour l’instant qu’une vingtaine de photos, mais j’ai pourtant déjà fait de jolies découvertes, pas forcément sur mon arbre généalogique, mais sur l’histoire de la photographie dans la seconde moitié du 19è siècle. Certaines dates de photos – 1861 – m’ont fait comprendre qu’il est possible qu’il y ait dans l’album une photo du père de Marie , Chrétien Daniel Jung, mort en 1866, peut-être même de sa grand-mère Sophie Frederique Biermann, morte en 1860 ….
Je pense ensuite de façon plus ou moins régulière consacrer sur ce blog un article à une photo, ou à une série de photos, pour faire le point sur ce que j’en sais : quel est le photographe qui l’a prise, que peut on en conclure sur une date approximative, comment est habillée la personne, à partir du lieu de la photo, puis je la positionner dans une des branches de l’arbre ? J’espère me servir de ce blog un peu comme d’une bouteille à la mer. Il est évident que parmi les 125 portraits que j’ai dans ce bel album, il y a les photos des ancêtres d’autres personnes, des photos qu’ils n’ont peut-être jamais vues.
Voici par exemple la photographie – identifiée très facilement hier, puisque le jeune homme du portrait l’avait dédicacée à Marie, avec l’année et son âge – de Georges Henry Hitschler, né à Bâle – Suisse – le 30 avril 1879, d’Henry Hitschler et de Marie Adèle Hirth.
Peut-être connaissez-vous ce jeune homme ?
Pour aller plus loin
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