Le 17 juillet 1794 – 29 messidor an 2 – , Jean Jung (1) (2) est guillotiné à Paris.
La condamnation à mort d’un individu n’entraine pas uniquement sa disparition physique, mais condamne également sa famille, puisque les biens du condamné lui sont retirés.
Quand le cordonnier révolutionnaire est exécuté, son épouse Marie Madeleine Fuchs (3) est mère de 3 enfants, Jean – 6 ans – Chrétien Daniel – 4 ans – et Charles Simoneau – nouveau né de 6 semaines. La mère de Jean Jung , Marie Salomé Joesler, est aussi à la charge de sa belle fille. Les parents de Marie Madeleine Fuchs, petits artisans tisserands à Strasbourg, sont morts avant la Révolution, et son frère Jean Jacques Fuchs est lui aussi artisan. Sans la petite maison familiale et les maigres économies de Jean, la situation économique de la famille est catastrophique.
Pourtant, dès la chute de Robespierre, le 9 thermidor an 2 , on commence à demander des comptes au Comité Révolutionnaire, puis à Fouquier Tinville, déjà mentionné sur le blog (4). L’exécution de Jung et des deux frères Edelmann, musiciens reconnus, est considérée comme une erreur tragique et la municipalité de Strasbourg demande la révision des procès et le sursis immédiat de la vente des biens des condamnés.
Au dossier envoyé à Paris par la municipalité de Strasbourg (5) est jointe une lettre manuscrite de Marie Madeleine Fuchs, en date du 6 frimaire an III, qui demande la réhabilitation de son mari. Je ne vous cacherai pas mon émotion lorsque j’ai tenu cette mince feuille en pensant à cette ancêtre directe de mes enfants, Strasbourgeoise d’origine depuis au moins le début du 18ème siècle, paroissienne de l’église réformée de St Guillaume, issue d’une modeste famille de tisserands de lin et veuve à 33 ans.
Le style est empoulé, typique de cette grandiloquence des siècles passés, que l’on entend encore parfois aujourd’hui dans les prétoires ….Il est évident que Marie Madeleine a recopié un brouillon fait par l’un des défenseurs de son défunt mari.
Mais l’écriture est claire, précise, la lettre se lit facilement et on retrouve les faits que l’on connait de la vie de Jean Jung : un homme honnête, passionné jusqu’à la mort, croyant fermement à la Révolution et à ses principes, et prêt à affronter ceux qu’il considère comme des ennemis de cette Révolution. Savoir qu’il a osé à plusieurs reprises tenir tête à St Just et Lebas, et qu’il en est mort, quelques jours avant que ses deux « ennemis » soient à leur tour rattrapés par la guillotine, prouve s’il en est besoin le caractère fort et intransigeant de cet homme. En apprenant à mieux connaitre Jean Jung, je regrette de ma belle mère, sa descendante, n’ait rien su de lui. Cet homme lui aurait plu, elle aurait été fière de lui.
Après cette demande de réhabilitation, les maigres biens de Jean Jung sont rendus à sa veuve. Malgré tout, la situation n’est probablement pas brillante pour la famille, puisqu’en 1806, les deux frères survivants, Jean et Chrétien Daniel, s’engagent dans les armées de Napoléon (6). Je ne suis pas sûre que devenir un hussard de l’armée de l’empereur soit « digne des bienfaits » de la Convention Nationale …. Jean et Chrétien Daniel vont rester dans l’armée napoléonienne et traverser l’Europe avec elle jusqu’à ce qu’une blessure grave mette fin à leur carrière militaire.
[Marie Madeleine Fuchs – Sosa 169]
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