En avril, je me suis rendue aux archives de la Vienne, où j’ai consulté quelques boites concernant le recensement de la classe 1892. Malheureusement – ou plutôt heureusement, car à moyen terme c’est une bonne nouvelle – les listes de recrutement – cotes 9 R 6 – sont actuellement indisponibles pour cause de numérisation.
Dans quelques mois, je reviendrai donc sur mes dépouillements pour découvrir qui se cache derrière les numéros manquants dans les listes de tirages.
En attendant, étudions de plus près la classe 1892 du canton de Vouillé.
Le fichier comprenant les 154 noms de jeunes gens nés en 1872 est en ligne sur le site ici.
La liste de tirage au sort du canton compte 161 numéros selon le registre matricule. Il manque donc 7 noms dans mon analyse, un pourcentage nettement inférieur à celui que j’ai constaté sur les trois années précédentes.
Le nombre de recrues en 1892 est particulièrement élevé par rapport aux années précédentes. Cela représente presque un tiers de noms supplémentaires dans la liste par rapport à 1891. Une comparaison avec l’évolution des naissances déclarées sur le canton pour les quatre années analysées confirme cette augmentation importante des naissances en 1872.
Ce sont en effet presque 100 naissances de plus qu’on enregistre dans le canton en 1872 par rapport à 1871, soit un taux de natalité d’environ 33,6 pour mille – juste énorme par rapport au taux que nous connaissons actuellement en France de l’ordre de 12,7 pour mille.
Il y a dans ma liste de 154 noms six soldats morts pendant la guerre. Quatre d’entre eux ont eu la classification Mort pour la France, dont un seul est repris sur un monument aux morts ou un livre d’or du canton, dans la commune de Lavausseau. Les trois autres, que j’ai donc retrouvés à partir de cette analyse de la classe 1892, ne résidaient plus dans le canton au moment de la mobilisation, et la transcription de leurs décès a eu lieu en dehors du canton. J’ai également trouvé deux soldats, qui sont repris dans la base des Non morts pour la France, morts tous deux de maladie, dans des hôpitaux militaires, pendant qu’ils sont officiellement sous les drapeaux. Pour quelle raison n’ont ils pas eu droit à la dénomination Mort pour la France, et donc aux aides dont leur famille aurait pu bénéficier ? Pourquoi les maires des communes dont ils sont originaires n’ont ils pas repris les noms de ces deux hommes sur leurs monuments aux morts ?
Lors de ma visite aux archives, j’ai pu consulter le dossier général du recrutement de 1892, et donc trouver les dates exactes, affiches et convocations pour 1893, ainsi que les comptes rendus numériques des opérations.
L’examen des tableaux de recensement est prévu pour le mercredi 25 janvier 1893, à 14h30 à la mairie de Vouillé. Les jeunes gens doivent se présenter pour tirer leur numéro et donner les justificatifs qui pourront le cas échéant leur permettre d’avoir une dispense et de ne passer qu’un an loin de chez eux.
Le 10 mai 1893, à 14h30, les conscrits sont à nouveau invités par voie d’affiche à se rendre à la mairie de Vouillé, pour y passer le conseil de révision.
Ils sont 186 à devoir se présenter devant monsieur Lhéritier de Chézelle, médecin major au 3ème régiment de cuirassiers à Tours, chargé de superviser les opérations du conseil de recrutement : les 161 noms correspondant à la classe 1892, plus 26 appelés de 1890 et 1891 ajournés les années précédentes.
- D’où sont originaires les 154 jeunes gens recensés à Vouillé en janvier 1892 ?
Nos jeunes appelés sont recensés, comme la loi le précise, dans la commune de résidence de leurs parents. Seuls deux d’entre eux ne répondent pas à ce critère. Pour l’un d’eux, toute la famille est partie en Argentine, et le jeune homme va être considéré comme insoumis sur sa fiche militaire. Celui dont le lieu de résidence n’est pas renseigné est un enfant trouvé, né à Poitiers, qui a probablement été placé jeune dans le canton et y réside.
Ils sont 16 jeunes gens de tout juste 20 ans à résider en dehors du canton en janvier 1893, ce qui représente un pourcentage migratoire légèrement inférieur à celui constaté sur les classes précédentes. Parmi eux, deux clercs de notaire, un instituteur et un étudiant aux Beaux Arts, dont les occupations par principe vont les entrainer loin du domicile de leurs parents.
- Quelles sont les professions des jeunes recensés ?
Dans le tableau ci dessous, j’ai rassemblé les professions, classées plus ou moins par nature d’activité, et le niveau scolaire déterminé au moment du conseil de révision.
Aucune surprise à la lecture de ce tableau, la population est une nouvelle fois très majoritairement dépendante de l’agriculture. Quand au niveau scolaire, nos jeunes appelés sont très peu à ne pas savoir écrire, lire, compter, 5 seulement, tous travaillant la terre. Notons deux clercs de notaire, et deux étudiants, l’un aux Beaux Arts à Paris, l’autre étudiant en dentisterie, mais domicilié chez ses parents à Vouillé.
- Quelle est la condition physique des jeunes appelés ?
La taille moyenne des 138 recrues effectivement mesurées lors du conseil de révision est de 1,6534 m, équivalente à la moyenne constatée de 1,6544 m pour la classe 1891.
En mai 1893, à l’issu du conseil de révision à Vouillé, sur les 154 recrues que j’ai retraouvées, 15 sont exemptés ou réformés, et 15 autres sont affectés au service auxiliaire et n’ont donc pas d’instruction militaire. Cela représente un peu moins de 20 % des recrues. Si on tient compte des recrues ajournées, au nombre de 12 pour la classe 1892 de Vouillé, le pourcentage des jeunes hommes de 20 ans non aptes à intégrer le service armé est de 27%, soit 1 sur 4 …
Quoiqu’il en soit, sur les 30 jeunes gens sans instruction militaire, 17 partiront sous les drapeaux, rappelés en 1915 ou 1916 à l’issue d’un conseil de réforme. Ils n’étaient peut être pas bons à partir faire trois ans de service militaire quand ils avaient 20 ans, mais l’armée les a jugés aptes à servir dans l’armée territoriale à 43 ou 44 ans bien tassés …
La suite de cet article, qui parlera du service militaire et de la guerre , sera mise en ligne la semaine prochaine.
Laisser un commentaire