Après les articles que j’ai consacrés dernièrement à l’analyse d’ADN à but généalogique que j’ai fait faire, vous êtes nombreux à m’avoir posé des questions. De plus, quand j’ai reçu les différents résultats, je me suis moi aussi interrogée sur la pertinence de certains de mes choix.
Le choix de faire ou non une analyse ADN à but généalogique n’est pas en question ici, j’ai déjà eu l’occasion d’en parler. Les questions que je voudrais aborder concernent les aspects pratiques : quelles analyses faire, par quelle société, dans quel but, que faire des réponses … Rappelez vous que je ne suis pas une spécialiste, mes arguments et mes choix me sont personnels et ne s’appliquent pas forcément dans votre cas.
Quelle analyse pour quel résultat ?
On peut faire faire trois types d’analyse à partir d’un échantillon d’ADN prélevé sur un homme :
- Une analyse d’ADN mitochondrial
- Une analyse de l’ADN du chromosome Y – analyse possible uniquement dans le cas d’un prélèvement sur un individu masculin, puisque seuls les hommes sont porteurs du chromosome Y qui est testé dans cette analyse
- Une analyse d’ADN autosomal
L’analyse de l’ADN mitochondrial teste l’ADN contenu dans chaque cellule à l’extérieur du noyau. Cet ADN mitochondrial provient de notre mère, et de sa mère avant elle. Par lui on peut remonter la piste de notre plus lointaine ancêtre féminine – toujours par les mères. On ne remonte donc qu’un tout petit rameau qui nous mène vers l’origine de notre lignée matrilinéaire.
Voici à titre d’exemple en rose clair la partie de mon ascendance que je remonte avec cette analyse.
Dans mon cas, il y a un implexe au niveau de mes grands parents maternels, et donc l’analyse ADN que j’ai fait faire me permet de remonter deux minuscules rameaux de mon arbre. Mais sur la masse de mes ancêtres à la 10ème génération, c’est très peu. Est ce vraiment significatif en terme généalogique ?
L’analyse de l’ADN du chromosome Y n’est disponible que pour les hommes, puisque le chromosome Y n’est présent que chez l’homme, jamais chez la femme. Ce chromosome est transmis de père en fils depuis la nuit des temps. A partir du moment où les patronymes ont été fixés, on peut en théorie considérer que ce chromosome Y suit cette lignée patronymique. Néanmoins, il peut toujours y avoir eu quelque part dans la lignée un enfant dont le père biologique ( chromosome Y ) n’est pas le père officiel ( patronyme). C’est ainsi par exemple qu’on a déterminé qu’il y avait eu rupture d’ADN entre la lignée de Richard III et les héritiers de la branche d’York dont il est un des représentants au 15ème siècle.
Voici en bleu la partie de mon ascendance que je remonte avec cette analyse.
Cette fois ci pas d’implexe retrouvé sur cette lignée, donc pas de duplication du résultat.
Pour résumer, les tests ADN qui reposent sur une analyse d’un élément d’ADN transmis sans changement de père en fils et de mère en fille depuis l’aube des temps, à quelques mutations près qui permettent de tracer les migrations des populations d’origine à l’époque de la fin de la dernière glaciation, il y a en gros 10 000 à 15 000 ans, ca donne ca pour moi.
Soyons clair, au niveau généalogique, c’est totalement non significatif et cela ne va pas me permettre de résoudre mes épines généalogiques.
Dans mon cas, l’intérêt est plus de savoir à quels endroits de la carte des migrations humaines et du peuplement de l’Europe on retrouve mes lignées maternelle et paternelle. Mais c’est de la curiosité intellectuelle, en aucun cas de la généalogie.
La troisième analyse, celle de l’ADN autosomal, est différente dans son principe. Elle étudie sur la totalité des 22 paires de chromosomes non sexués les mutations connues que l’on attribue à telle ou telle population. A partir de ces mutations relevées, elle va vous indiquer votre origine génétique dans ses très grandes lignes. Voici par exemple le résultat du test de mon frère – puisque c’est lui qui m’a servi de cobaye.
Cette analyse d’ADN autosomale est une nouvelle étape dans les analyses. De ce que je comprends, si je la fais moi aussi, je ne vais peut être pas totalement trouver la même répartition. En effet, lors de chaque fécondation, le patrimoine génétique du nouvel être humain créé est composé de la moitié du patrimoine génétique de son père et de la moitié de celui de sa mère. Chaque enfant des deux mêmes parents va donc recevoir de façon aléatoire un patrimoine génétique différent, et donc les infimes mutations génétiques présentes sur nos chromosomes qui servent à établir les résultats de ce test d’ADN autosomal ne seront pas forcément les mêmes pour deux enfants d’une même fratrie.
Pourtant, c’est sur cette analyse que les généalogistes aux Etats Unis mettent l’accent, car les résultats sont plus parlants – ou peut être juste plus vendeurs. Sont ils fiables ? Ils reposent sur des bases de données et des statitisques. Il est probable que des progrès seront faits dans les années à venir, mais pour l’instant à mon sens, il s’agit plus d’un gadget que d’un résultat vraiment exploitable. Peut on retrouver des membres de sa famille lointaine ? Peut être, puisque si vous présentez la même mutation au même endroit qu’une autre personne, il est probable que vous avez un ancêtre commun. J’ai ainsi obtenu une liste d’une quarantaine de personnes ayant des mutations communes avec l’ADN testé par moi, peut être des cousins vers le 14ème ou 15ème siècle, qui presque tous se trouvent actuellement aux Etats Unis et n’ont pas remonté leurs arbres jusqu’au bout du bout de leurs racines européennes. Quant à moi, mes racines italiennes et espagnoles sont encore parcellaires … Retrouver une relation familiale dans ces conditions tiendrait du miracle. Encore une fois, ce n’est pas de la généalogie au sens strict.
Si j’en avais le budget, peut être ferais je cette analyse autosomale sur moi même et sur ma soeur, pour voir comment les trois résultats de notre fratrie se recoupent. Mais une fois encore ce n’est que de la curiosité intellectuelle, et cela ne m’apporterait pas grand chose pour la résolution de mes épines généalogiques.
Par quelle société passer pour faire le test
Les tests ne sont pas autorisés en France – même si j’en comprends de moins en moins la raison plus je comprends leur fonctionnement. Il faut donc passer par une société à l’étranger, principalement aux Etats Unis. Les tests semblent comparables sans vraiment l’être totalement. Je ne vous en propose qu’un petit aperçu.
- The Genographic Project – Il s’agit d’un projet mené par National Geographic, avec à sa tête Spencer Wells, dont vous pourrez trouver les conférences sur le sujet en ligne sur Youtube.
Le projet a un objectif de cartographie des migrations humaines, et travaille régulièrement avec des universités ou des laboratoires scientifiques. C’est celui qui me parle le plus, celui dans lequel j’ai instinctiviment le plus de confiance. Pour environ 200 USD vous testez semble t’il les trois différentes analyses possibles – enfin, deux seulement si vous êtes une femme. L’objectif n’est clairement pas de retrouver des cousins, je ne suis pas sûre qu’on vous le propose même. Le but est d’en savoir plus sur vos origines lointaines, très lointaines. Si je choisis de refaire un test pour moi, c’est par eux que je passerai, parce que leur cheminement scientifique me convient. Si je ne suis pas passée par eux pour cette première analyse, c’est que j’espérais trouver un cheminement alternatif pour mes recherches en Italie ou en Espagne, par exemple un cousin à la troisième génération habitant en Andalousie. J’ai maintenant compris que c’est illusoire.
- FamilyTreeDNA – Société commerciale, sans lien direct que j’ai trouvé avec des recherches scientifiques, c’est par eux que je suis passée pour mon analyse. Jusqu’à récemment, cette société faisait les tests pour The Genographic Project – a priori ce n’est plus le cas – et elle réalise également les tests pour IGenea, une société basée en Suisse. Leur base de données en ligne, accessible uniquement si vous avez un compte chez eux, et que vous avez accepté vous même de partager vos données, est actuellement la plus importante en volume , et maximise vos chances de trouver un cousin suffisamment proche pour que vous puissiez chercher votre parenté. Vous pouvez acheter chacun des tests séparément. Leur tarif est nettement plus élevé que celui du Genographic Project, il vous en coutera environ 470 USD pour faire l’ensemble du test – MtDNA, YDna, autosomal appelé Family Finder. Le tarif de la société suisse est du même ordre, environ 450 euros. Les réponses sont envoyées par mail, de façon assez rapide, mais j’ai trouvé les résultats assez peu explicites. J’ai dû faire beaucoup de recherches personnelles pour mieux comprendre ce que les résultats bruts voulaient dire. Néanmoins, leur non affiliation à une quelconque organisation gouvernementale m’avait convenu, et surtout leur base de données est actuellement la plus importante. Si vous devez retrouver un cousin, à l’heure actuelle c’est chez eux que vous le trouverez probablement. Société la plus ancienne sur ce creneau, leur tarif est néanmoins très supérieur à celui des autres sociétés actuellement sur le marché. Sauf circonstances spécifiques, je doute de repasser par eux, à ce prix, pour un autre test.
- AncestryDNA – Cette société, filiale de la société de généalogie, ne fait plus que des analyses autosomales. Elle est orientée vers des recherches généalogiques et va davantage essayer de vous trouver des cousins potentiels. Le souci, c’est que comme peu de Français sont testés, vous aurez peu de chances de trouver un cousin. Si votre ascendance est très diverse en Europe, vos chances de trouver un cousin augmentent. Leur test n’est pas très cher, environ 100 USD, mais il ne teste ni votre lignée Y ni votre ADN mitochondrial. Il faut également noter qu’il y a quelques mois, AncestryDNA a décidé de changer sa façon d’aborder les recherches ADN et que du jour au lendemain, ils ont purement et simplement mis fin aux contrats précédents avec leurs clients, qui leur avaient confié de l’ADN pour tester des lignes Y ou maternelles. Les échantillons ADN ont été détruits sans donner aux clients la possibilité de les récupérer. Leur attitude lors cette modification de politique commerciale a été sévèrement critiquée par certains bloggueurs américains, et ce que j’ai lu m’a rendu un peu méfiante.
- 23andme – La niche que voulait occuper 23andme, c’était l’analyse génétique à but médical. Montrez moi votre ADN, je vous dirai quelles maladies risquent de vous tomber dessus …. La FDA – Federal Drug Administration – a mis ces tests hors la loi. 23andme ne peut donc vous proposer que des tests vous permettant de retrouver vos origines. Mais n’oubliez pas que ce n’est pas au départ leur but premier. Or votre ADN est le même, quelque soit la société à qui vous le confiez, mais la façon de le tester va dépendre que ce qu’on cherche. Le nombre de marqueurs est bien trop important pour qu’une analyse à moins de 500 USD les étudie tous. Donc l’objecitf de la société par laquelle vous allez passer déterminera le genre de résultats que vous recevrez. Le test vendu par 23andme a priori le moins cher du marché, un peu moins de 100 USD pour l’ensemble des trois tests si vous êtes un homme. Leur base de données serait importante, mais bien sûr pas en France. Mon gros bémol avec 23andme, c’est qu’il s’agit d’une filiale de Google. J’ai déjà confié bien trop de ma vie à Googgle, je n’ai pas envie de leur donner en plus mon ADN pour en faire le dernier produit qui va leur rapporter gros ou recevoir de la publicité ciblée correspondant à mes risques médicaux. Mais bien sûr c’est une réaction totalement personnelle. Cela reste les tests ADN actuellement les moins chers sur le marché. Après, sont ils scientifiquement valables ? Qu’en sais je ….
Et après ? Que faire des réponses ?
Une amie dernièrement a remis sur le tapis une question qui la taraude depuis qu’elle est petite fille. Elle partage le patronyme de la mère d’un de nos très grands écrivains français du 19ème siècle. La légende racontait dans sa famille qu’on était cousin avec le grand homme ….. Son père, et un de ses cousins, ont fait leur arbre généalogique, et grâce à internet ont pu remonter leur branche, autour de Meung sur Loire, au début du 17ème siècle. Quant à la généalogie du grand homme, elle a été abondamment étudiée, et le patronyme de la maman peut être remonté dans les environs de Nantes vers 1690. Donc déjà au 17ème siècle les branches, bien que portant le même patronyme, sont différentes et éloignées de plus de deux cent kilomètres. Mais pourrait il quand même y avoir cousinage, pourrait il y avoir un ancêtre commun ? Avant 1690 ? Ma première réponse, une fois de plus, a été l’impuissance dans laquelle je suis de trouver quelque chose. Il s’agit de familles non nobles, avant les registres paroissiaux; même avec les actes notariés la tâche est monstrueuse. Et puis en bavardant, j’ai pensé que c’était là précisément qu’une analyse génétique pourrait s’avérer utile : il « suffirait » qu’un des descendants masculins actuels des deux branches fasse tester son chromosome Y. Si les résultats étaient concordants, le cousinage serait prouvé. Bien sûr, il faudrait que le frère ou l’un des neveux de mon amie accepte de se soumettre au test, et qu’elle retrouve, par généalogie descendante, un descendant mâle du grand père maternel de l’écrivain qui accepte lui aussi de jouer le jeu. C’est hautement improbable, je vous l’accorde, mais c’est un des cas où l’analyse génétique à fins généalogiques a vraiment une utilisation généalogique.
En ce qui me concerne, je suis en train d’indiquer dans ma base de données sous Heredis l’haplogroupe trouvé concernant ma branche patronymique et la branche agnatique de maman dans chacune des fiches individuelles que j’ai identifiées.
Tout doucement, je redescends les lignées descendantes des porteurs de ces haplogroupes. Les descendants par les femmes de ma plus vieille ancêtre retrouvée de cette lignée, Jeanne Chaignon, habitante de Beaulieu sous Parthenay au milieu du 17ème siècle, sauront en visitant mon arbre sur Geneanet que leur ancêtre était de l’haplogroupe H5a2 et que s’ils en desdendent par leur mère, c’est aussi l’haplogroupe de leur ADN mitochondrial. Même chose pour les hommes, sous réserve bien sûr de l’ »effet facteur », de la possibilité quelque part dans la lignée qu’un père officiel ne soit pas le père génétique …
Si un jour la France autorise les analyses ADN à fin généalogique, si elles se répandent, peut être grâce aux résultats d’autres personnes pourrai je ajouter d’autres couleurs à mon éventail. Et ce jour là, peut être vais je enfin comprendre d’où me viennent mes 25% de gênes vikings …..
Sources et liens
- Wikipedia – La cellule
- National Human Genome Research Institute
- Eupedia – Understanding the Human Genome
- Igenea – L’ADN Mitocondrial
- Le Monde – Richard III, un cold cade résolu par l’ADN
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