Papa était sous officier de gendarmerie. Nous avons passé notre enfance de brigade en brigade en Seine et Marne, au rythme des mutations et de l’avancement de papa. Pour moi, il était le premier gendarme de la famille, et je pense que c’est aussi ce qu’il croyait. En tout cas, il n’a jamais mentionné qu’un de ses ancêtres avait été gendarme ….
Quand l’Aude a mis en ligne les registres matricules, je me suis précipitée pour y chercher des informations sur mon arrière grand père, Jean Joseph Billard, et son frère ainé, Paul Billard.
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Avant de mettre la main sur la fiche matricule de Jean Joseph, voilà ce que je savais de lui.
Il était né à Tourouzelle, dans l’Aude, le 2 octobre 1873. Vers 1895-1896, il résidait à Alger, où il avait fait deux enfants morts très rapidement à Philomène Blanco, qu’il avait fini par épouser le 12 décembre 1896. Il était revenu avec elle à Béziers, où vivaient ses parents au début du 20ème siècle. C’est à Béziers le 23 juillet 1905 qu’était né mon grand père Gaston Billard, du légitime mariage de ses parents, lesquels parents avaient divorcé à Béziers le 22 décembre 1919. Jean Joseph vivait maritalement avec Catherine Caroline Paulin à Béziers, et avait eu avec elle à Béziers un second fils né le 19 juin 1906.
Voici la fiche matricule, qui va m’apporter son lot de surprises.
Dans un premier temps, je n’ai pas de photo de cette branche de ma famille, donc la description physique est bienvenue : chatain, sans signe distinctif, plutôt grand.
Passons aux états de services …
Engagé volontaire à tout juste 18 ans …. La légende familiale parlait d’un départ en Algérie suite à un conflit avec le père de famille, voilà la preuve du départ. Quant à l’Algérie, c’est le régiment qui nous en donne l’éxplication : Jean Joseph est affecté au 5ème chasseurs d’Afrique ….. Surprise surprise … Le 5ème chasseurs d’Afrique est le régiment avec lequel mon grand père Achille Reau, père de maman, a débarqué en Provence et participé à la libération de la France …. Mon grand père maternel et mon arrière grand père paternel ont donc tous deux servis dans le même régiment. Imaginez mon étonnement, et ma joie. Ce 5ème CA est cher au coeur de maman, et maintenant il est aussi lié à la généalogie de papa ….
Continuons notre lecture, je ne suis pas au bout de mes surprises.
Les différentes résidences indiquées sur la fiche montrent que mon arrière grand père une fois libéré du service militaire a choisi de rester à Alger. A sa libération, il connaissait déjà mon arrière grand mère, Philomène Blanco, puisqu’elle avait mis au monde le 23 mai 1895 un enfant né avant terme, mort né et déclaré de père inconnu. Le 26 juillet 1896, Philomène met au monde un enfant que Jean Joseph reconnait. La conception date donc de l’automne 1895, date de la libération de Jean Joseph. On ne m’otera pas de l’esprit que le premier né de Philomène était déjà le fils de Jean Joseph.
Donc, grâce à la fiche matricule, je sais que Jean Joseph reste jusqu’à début 1897 à Alger. En décembre 1896, il a épousé Philomène puis il rentre avec elle à Béziers, où vivent ses parents et ses frère et soeurs.
Continuons la lecture de la fiche matricule, je vous ai promis un gendarme, il est temps que je le tire de mon chapeau …. de gendarme, bien sûr …
Enorme surprise pour moi : mon arrière grand père, le grand père de papa, avait été gendarme. Comme j’ai regretté de ne pas pouvoir sortir mon portable et appeler papa pour partager cette découverte avec lui …..
Bien sûr, une fois la surprise passée, j’ai continué à me poser des questions, et particulièrement concernant le lieu – le Tarn – et les dates … Pourquoi une démission en juin 1905 ? Cela expliquait que mon grand père soit né à Béziers, et non dans le Tarn … Mais Caroline Paulin, la future compagne de mon arrière grand père, n’était elle pas originaire du Tarn … Il fallait creuser, bien sûr …
Au SHD, avec l’aide des archivistes, j’ai découvert que la fiche matricule 493 de la 16ème légion bis de gendarmerie était remplacée par un fantôme dans les archives. Le fantôme mentionnait bien le nom de Jean Joseph Billard, mais point de fiche matricule. Et donc rien à récupérer de ce côté.
J’ai fait appel à Stéphane Cosson, généalogiste professionnel à Albi, pour m’aider à récupérer des informations. Lisez donc le billet qu’il a consacré à cette histoire. Les noms, les dates et les lieux sont modifiés, mais l’histoire est bien celle de Jean Joseph, Philomène et Caroline …. Un vrai roman.
Jean Joseph, accompagné de son épouse Philomène, était donc gendarme à cheval à Realmont, dans le Tarn. Il y fait la connaissance de Caroline Paulin, née en 1883, mariée à Albert Léon Vincens, et maman d’une petite Andrée, née en 1901. Pendant que son épouse légitime se retrouve enceinte de ses oeuvres – ouf, sinon je ne serais pas là – Jean Joseph fait la cour – et un peu plus- à la jeune couturière, qui elle aussi se retrouve enceinte. L’histoire aurait pu être enterrée, un enfant légitime dont le père officiel n’est pas le père génétique, nos arbres en sont truffés, et nous ne le saurons jamais. Mais cette fois ci, le scandale éclate, pourquoi, comment, l’histoire ne le dit pas. Jean Joseph démissionne, quitte la gendarmerie et retourne à Béziers avec son épouse enceinte. Caroline, au lieu de faire profil bas et de mettre l’enfant sur le dos de son mari, le suit également à Béziers, où elle met au monde son fils en le déclarant de père inconnu. Le 10 mai 1910, l’enfant est reconnu par Caroline et par Jean Joseph Billard. Le 23 juin 1910, celui qui est encore le mari officiel de Caroline, Albert Vincens, désavoue la paternité de Georges Paulin. Pourtant en avril 1911, il demande qu’un conseil de famille soit réuni pour nommer un tuteur à l’enfant – qui est élevé de façon officielle par Jean Joseph et Caroline, qu’on retrouve indiqués comme mari et femme dans le recencement de Béziers en 1911.
Dans un premier temps, Caroline et son mari divorcent – aux torts exclusifs de l’épouse, bien sûr – le 16 mars 1911, mais ce divorce n’est pas transcrit dans les délais légaux et n’est donc pas homologué. Par ce divorce, Caroline perd tout droit sur sa fille première née, dont j’ignore si elle a ensuite pu la revoir. Renoncer à un de ses enfants par amour pour un homme, j’en déduis que l’amour entre Jean Joseph et Caroline était vraiment passionné …. En 1919, Jean Joseph divorce de Philomène. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Jean Joseph a t’il attendu que son père, Michel Firmin Billard, soit mort ? En 1921, le divorce est à nouveau prononcé entre Caroline et son mari, et cette fois dûment transcrit. Pourtant Caroline et Jean Joseph ne vont se marier que le 7 avril 1928. Pourquoi donc avoir attendu à nouveau aussi longtemps ? Caroline meurt en 1934, elle n’a même pas 50 ans.
Je n’ai toujours pas retrouvé la date de décès de mon arrière grand père Jean Joseph, qui servit quelques années dans la gendarmerie et se fit ensuite une confortable position dans les engrais, à Béziers. Quel parcours …..
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