Pour moi, comme pour la majorité des généalogistes, la généalogie est un loisir, juste un loisir, au même titre que le jardinage, le cinéma, la pratique d’un sport ou le tricot. Pour d’autres, c’est une profession, choisie par passion, mais dont la pratique doit aussi leur permettre de nourrir leur famille.
Sur mon fil d’actualité Twitter, consacré en très grande majorité à la généalogie et à l’histoire sous tous leurs aspects, je vois arriver de plus en plus souvent de nouveaux généalogistes familiaux professionnels. Sont ils plus nombreux qu’avant, quand on trouvait presque uniquement quelques annonces dans les pages Petites annonces des magazines spécialisés, ou juste plus visibles pour moi parce qu’ils utilisent plus fréquemment des reseaux sociaux sur lesquels je suis présente ? Je l’ignore.
Mais leur présence plus fréquente m’interpelle. Sur son blog, Christine Lescène depuis quelques semaines explique ce qu’est un généalogiste professionnel, comment on le devient, comment on se forme, comment on s’installe …. Et plus je lis ses billets, plus je m’interroge ….
Revenons tout d’abord sur mon expérience de généalogiste amateur.
J’ai eu recours pour l’instant deux fois à un professionnel pour m’aider dans mes recherches.
La première fois, j’ai demandé à Stéphane Cosson de me retrouver des informations sur mon arrière grand père en Midi Pyrénées, parce que je n’avais pas la possibilité de me rendre aux archives sur place, et que ma curiosité était trop forte. J’ai payé l’équivalent d’une journée de recherches pour quelques découvertes sympathiques sur des fonds auxquels je n’aurais pas pensé. Je n’ai pas eu l’information que je cherchais au départ, peut être n’était elle pas disponible, mais ce que j’ai eu m’a fait rebondir et m’a permis d’aller plus loin et de mieux connaitre le parcours de vie de mon arrière grand père. L’expérience a été positive, et peu coûteuse, mais même si j’ai eu le plaisir de faire des découvertes, je n’ai pas eu cette excitation que nous connaissons quand nous tombons sur un élément nouveau dans nos recherches. Le travail d’investigation, la possibilité en trouvant un élément de rebondir vers un autre, et la démarche intellectuelle de la recherche m’ont clairement manqué.
La seconde fois, cet été, j’ai fait appel à une paléographe, Laurence Hervieu, pour transcrire un acte de partage de succession de plusieurs pages, de la 1ère moitié du XVIIe siècle, que j’avais trouvé dans le Minutier Central des Archives Nationales, mais dont je ne lisais que quelques mots par ci par là. Elle a fait un travail remarquable et précis, pour un prix très raisonnable.
Quelles sont mes conclusions personnelles sur ces deux expériences ? Au niveau paléographie, il est clair que si je me retrouve à nouveau en face d’un acte dont je pense qu’il peut débloquer des éléments de ma recherche, mais que je peine à vraiment le déchiffrer, je n’hésiterai pas à refaire appel à Laurence. Il est clair que sa compétence, si je l’utilise sur un point précis, sur un acte que j’ai déjà trouvé par mes propres recherches, est quelque chose que je ne peux pas remplacer et pour lequel je n’ai pas d’hésitation à sortir mon carnet de chèques.
Mais qu’en est-il des généalogistes familiaux qui travaillent en France métropolitaine sur des archives auxquelles je peux – plus ou moins facilement – accéder ? Je vous avoue que je suis à titre personnel plus hésitante. Soyons clair, ce qui me plait vraiment, c’est le travail d’investigation, les idées nouvelles qui viennent à la lecture d’un acte, ou d’un inventaire de recherches, l’excitation en ouvrant une nouvelle boite d’archives, ou en arrivant sur un nouveau site d’archives internet, la prise de tête pour déchiffrer les pattes de mouche du curé ou du notaire …. Bien sûr, en savoir plus sur mes ancêtres, toujours plus, en découvrir de nouveaux, c’est le but ultime, mais je dois constater que le chemin a ici au moins autant d’importance que le résultat. Et pour toutes les recherches en France, je n’ai pas vraiment envie de me priver du plaisir de parcourir ce chemin.
Alors quelle serait la place dans ma pratique de la généalogie d’un généalogiste familial professionnel en France ?
Prenons une analogie avec le sport. Si vous voulez apprendre à faire du tennis, ou du ski, vous pouvez bien sûr vous débrouiller seul. Vous allez louer ou acheter votre matériel, lire un ou deux manuels, regarder une video sur YouTube, et vous lancer en suivant un copain qui a un peu plus d’expérience. A titre personnel, ma première descente de ski – sur ce modèle précis – a été une telle débâcle qu’une fois arrivée en bas je me suis rendue à l’ESF pour prendre quelques cours. Oui, même pour un loisir, une formation par des professionnels reconnus et compétents – et diplômés ? – est la plupart du temps indispensable. La formation aux différentes étapes de la généalogie est à mon sens incontournable. Elle peut être pratiquée au sein des associations, au sein de structures commerciales, dans des médiathèques, ou en archives, mais elle devrait toujours à mon avis être prodiguée par un généalogiste professionnel. Imaginez une association de ski qui enseignerait le ski sans passer par un moniteur diplômé ? Bien sûr l’accident en généalogie est rare, mais la généalogie est un loisir, tout comme le sport, alors pourquoi ne pas nous obliger à la même discipline ? Si on enseigne, si on forme, on passe par un professionnel reconnu …… Et dans ce cas précis, si la formation est faite par un professionnel, et pas par un amateur comme moi, je n’ai que peu d’hésitation à m’inscrire à une formation sur un sujet précis et qui m’intéresse, c’est juste un problème de budget et de planning, mais je suis quasi sûre que je vais en retirer quelque chose, en avoir pour mon argent ….
Restons toujours dans l’analogie avec le sport, et parlons de coaching. Si vous fréquentez des salles de sport, que vous faites partie d’un club, vous savez à quel point le moniteur, le coach sportif ou l’entraineur sont importants. C’est eux qui vous aident à améliorer votre technique, à préciser vos buts, à organiser votre planning pour être en forme le jour du marathon. Alors pourquoi les généalogistes professionnels ne sont ils pas plus présents sur le créneau du coaching « collectif » ? Pourrait-on imaginer un généalogiste qui organise dans un service d’archives des séances collectives de coaching ? Il y a à Salt Lake City des séjours organisés autour de ce type de rencontres : des généalogistes professionnels viennent encadrer des amateurs sur une période de quelques jours, avec quelques conférences ciblées, et beaucoup de présence en salle pour aider les participants. Imaginez un rendez vous de quelques jours, un petit groupe d’une dizaine de personnes qui ont des recherches à faire dans un service d’archives donné, avec un professionnel connaissant parfaitement ce service, et qui les encadre dans leurs démarches et leur recherche. La convivialité, le partage et l’émulation de ce genre de « voyage généalogique » en feraient à mon avis un moment particulier dans l’année du généalogiste amateur. Alors qui se lance ? J’ai des recherches à faire dans le Périgord, en Alsace et en Languedoc …..
Et si on parlait des spécificités géographiques ? J’ai dans l’arbre sur lequel je travaille, celui de mes enfants, des branches un peu partout en Europe. Pour beaucoup d’entre elles, cela représente un blocage – parfois tout simplement à la génération 4, une vraie frustration. Pour toutes ces branches à l’étranger, je suis prête à payer un professionnel sur place pour avancer dans mes recherches, mais avant de m’engager j’ai besoin de savoir qui il est, s’il est compétent, s’il a vraiment les accès qu’il prétend avoir et si je ne vais pas gaspiller inutilement mon argent. Et je me heurte alors à un mur, qui est l’absence d’informations à ce niveau. Par qui passer ? Dans une profession qui n’est pas réglementée, à qui faire confiance, comment savoir ?
La question se pose de la même façon pour les généalogistes professionnels travaillant sur le territoire français. Les recherches potentielles de clients étrangers ne doivent pas être négligées, mais bien sûr il va falloir parler la langue du client qui vous contacte, s’être fait connaître dans son environnement généalogique personnel, avoir « montré patte blanche » ….
Quant aux clients français potentiels des généalogistes professionnels, n’ont ils pas les mêmes interrogations ? si leur but – qui n’est pas le mien – est d’avoir un résultat, un arbre tout fait sur 5 générations par exemple, comment vont ils savoir à qui s’adresser ? Peuvent ils s’en tenir au site internet, vitrine du professionnel ? Comment s’y retrouver dans une profession qui n’est pas soumise à un accès via un diplôme d’état, qui ne bénéficie pas d’une chambre professionnelle commune – ça aide tellement à avoir confiance dans le métier de découvrir qu’il y a au moins trois instances dites représentatives … – , et où toutes les offres semblent identiques ? Doit on juste s’en tenir au bouche à oreille ?
Recourir à un généalogiste professionnel, je l’ai déjà fait, et oui je le referai, à titre personnel probablement, et en collectif au travers de formation très certainement. Ce n’est pas parce que la généalogie est un loisir qu’elle doit être une activité totalement gratuite, en fait à part la marche à pied y a t’il vraiment des loisirs totalement gratuits ? Mais au milieu de l’offre actuelle peu claire des généalogistes professionnels, je suis perdue, nous le sommes probablement tous. Quand on nous parle obligation de moyens, est on sûr que le client en face, qui va débourser 500 euros ou plus, a bien compris qu’on va chercher sans aucune certitude de trouver ? Et comment savoir si la recherche infructueuse faite par Untel n’aurait pas été couronnée de succès en passant par un autre ? Le fait que tel professionnel mette en avant le joli diplôme universitaire tout neuf – qui je le rappelle n’a aucune valeur autre que symbolique, puisque non sanctionné au niveau national – le rend il compétent à écouter les vrais besoins du client, à orienter les recherches, à le conseiller sur telle ou telle approche ou à enseigner la généalogie ? Que de questions ….. auxquelles la profession devrait tenter de répondre si elle veut avancer et aider ses membres à vivre de leur métier.
Laisser un commentaire