Durant tout le mois de juin 2017, dans le cadre du Challenge AZ, je vous raconte la vie des ancêtres de mon arrière-grand-père Jean Joseph Billard.
L’histoire commence un 24 novembre 1654, dans un paysage de moyenne montagne, pas très loin d’Olargues. Nous sommes à Mons-la-Trivalle, probablement à la chapelle Saint-Roch … Peut-être, parce que le décor rend l’anecdote tellement plus romantique.

Le cadre est superbe, dans ce qui est actuellement le parc régional du Haut Languedoc.

Ce 24 novembre, donc, Pierre Cot épouse Jeanne Calas. C’est Pierre Saliniac qui leur donne la bénédiction nuptiale. Un mariage a priori banal, me direz vous.
Et bien non.
Tout d’abord, le mariage est célébré par le chanoine de la cathédrale Saint Nazaire, à Béziers. On est bien loin de Béziers, dans ce Haut Languedoc. Ensuite, les deux futurs mariés sont paroissiens de Roquebrun, et non de Mons, qui d’ailleurs se trouve dans un évéché différent de celui de leur paroisse, l’évêché de Saint-Pons-de-Thommières.
Pourquoi ce mariage si loin de chez eux ? Je n’ai que des suppositions à faire.
Le 24 novembre, on est au début de la période de l’avent, période dite « close » pour la célébration des mariages. Pour se marier pendant cette période close, il faut demander une dispense, contre monnaie sonnante et trébuchante, bien sûr. Est ce la raison pour laquelle Pierre Cot et Jeanne Calas, mes ancêtres à la 12e génération, se marient dans cette petite chapelle ? Ou bien pour une raison plus « noble », veulent ils vouer leur union à Saint Roch ?
Quoiqu’il en soit, ce mariage déplait à monsieur le curé et monsieur le prieur de Roquebrun, qui décident de porter plainte auprès de l’evêque. Il est en effet interdit, depuis la 24e session du concile de Trente, en 1563, de se marier sans témoins et sans la présence du curé d’un des deux conjoints ou d’un prêtre autorisé. Le but de cette formalité, c’est d’éviter les mariages clandestins, et donc de faire disparaître la polygamie. Ce décret, en latin bien sûr, commence par le mot « Tametsi » – qui veut dire « Même si » et il est entré dans la postérité sous cette appellation.
L’évêque, Clément de Bonsi, répond dès le 3 décembre 1654 à la plainte du curé de Roquebrun, qui choisit de recopier en totalité l’acte dans son registre. Qu’il en soit remercié. (1)
2 a este administre le sacremant de mariage
3 a pierre Cot d’une part et a Jeanne Calasse d’autre
4 tous deux nos paroissiens par pierre saliniac pretre et
5 chanoine de st nasere de Beziers et ce sans permission de
6 Monseigneur de Beziers ni de monsieur le prieur ni la
7 mienne de quoy auroit este porte plainte a sa Grandeur
8 qui auroit ordonne _ _ ce qui s ensuit par lettre
9 missive qui ma esté envoiée et que j’ai voulu
10 enregistrer pour servir en tamps et lieu
11 Monsieur le Curé de Roquebrun suivant la plainte qui
12 ma esté ce jourdhui portée par mr le prieur sur le mariage
13 qui a esté faict entre pierre Cot, et Jeanne Calasse vos
14 paroissiens par un pretre qui n avoit point pouvoir de ce
15 faire, ledict Mariage se trouvant nul selon le concille de
16 trante _ 24 cap de _. Je vous fais ses
17 lignes pour vous enjoindre de parler sans fere du bruict audits
18 Cot et Calasse, et les advertir doucement et paternellement
19 de la nullitté de leur Mariage pour avoir esté faict sans
20 sans la présence du propre curé, sans sa permission ou la mienne
21 Et partant _ _ laditte nullitté, Jordonne qu’ils se separent
22 de lict apres lintimation de la presente laquelle leur sera
23 faitte _ _, jusques a ce quils aient espousé derechef
24 et pour ce ils se presenteront a sieur Prieur a qui je donne
25 plain pouvoir de les espouser en face de leglise pourtant
26 sens _ _ le temps de ladvant. Je les y exorte en
27 qualitté de leur pasteur, qui _ _ en _ que lhonneur
28 de dieu la _ de leur consiance et lhonneur de leur posteritte
29 selon le don de ma dignité episcopalle je suis
30 Monsieur le Curé
31 Votre affectionné
32 _ Clemans evesque
33 de Beziers et tout se fera
34 sens bruit et on men donnera
35 advis
a beziers le 3 xbre 1654
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La sentence est tombée, un mariage sans autorisation est nul. Il n’a pas eu lieu. Quelque soit la raison pour laquelle Pierre et Jeanne ont choisi de se marier sans respecter les formes et obligations de l’église catholique, apostolique et romaine, cela se retourne contre eux. Leur mariage est supposé ne pas avoir eu lieu.
Et trois jours plus tard, le 6 décembre 1654, Jeanne et Pierre reviennent devant l’autel, ils sont mariés par l’aumonier de l’evêque de Béziers, devant leurs parents et amis – malheureusement non cités dans l’acte – et devant Louis de Michelet, le curé de Roquebrun, celui qui avait « porté plainte ».
Qu’est il advenu de Pierre Saliniac, le chanoine qui avait célébré sans permission la première union? Je n’ai pas réussi à le savoir.
Je resterai sur les dernières paroles de Monseigneur de Bonzi, parce que ce n’est pas tous les jours qu’un évêque se soucie de mon honneur. Monseigneur, la postérité de Pierre et Jeanne, à travers ma voix, vous remercie de nous avoir laissé cette anecdote croustillante.

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Sources et liens
- Wikipedia – Mons (Herault)
- Univers de Didou – De Mons-la-Trivalle à la chapelle Saint-Roch
- Gallica – Carte du diocese de Béziers / dressée sur les lieux par le S. Gautier ; rectifiée par Delisle
- Geneanet – Arbre en ligne de Claude FABRE
- Wikipedia – Tametsi
- Geneawiki – Clement de Bonzi
- Geneanet – Arbre en ligne de Lysiane Sabatier, qui m’a mis sur la piste de cet acte inhabituel
- AD81 – BMS Roquebrun Saint-André – 1651-1678 – vue 31/150
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