Aucun thème précis pour cette nouvelle participation du blog au Challenge AZ initié par Sophie Boudarel, de la Gazette des ancêtres, juste une promenade à la rencontre de personnes ou d’anecdotes rencontrées au cours de mes recherches
C’est une nouvelle fois un document que j’ai trouvé grâce à l’indexation de l’équipe Projet Familles Parisiennes qui va être le sujet de mon article.
Le 12 décembre 1684, Severin Rousseau, gendre de Mathurin Delafontaine, Sosa 11066 de mes enfants, et beau-frère de Geneviève Delafontaine, Sosa 5533, réunit un conseil de famille au Chatelet de Paris pour obtenir l’autorisation d’emprunter 1500 livres – une somme particulièrement importante – pour le compte de son fils Charles, qui s’est mis dans une situation compliquée.
Voici la transcription de cet acte.
(1)
du 12 decembre 1684
advis rousseau
L annee mil six cent quatre vingt quatre le douzieme
jour de decembre devant nous Jean Cl Camus sont
comparus les parens et amis de charles Rousseau estudiant
en droit fils mineur de severin Rousseau marchand maitre
appoticquaire bourgeois de paris et de deffuncte damoiselle
anne de la fontaine ses pere et mere scavoir maitre estienne thomas
conseiller du roy notaire au chatelet, nicolas Chuppin marchand bourgeois de paris maitre pierre Chuppin conseiller du roy notaire au chatelet, maitre charles sainfray aussy conseiller du roy notaire au chatelet, Claude Goret ingénieur du roy et professeur de mathematiques à paris, simon
langlois marchand drappier bourgeois de paris, et charles heber
bourgeois de paris, tous parens _ Devienne present
en cette cour fondé de leur procuration passée devant de beaufort
et lenormand notaire en cette cour le jour d hyer, laquelle
il nous a fait _ et a luy rendue, lequel audit notaire nous
a dit que ledit Rousseau pere et tuteur dudit mineur auroit
représenté auxdits parens et amis que ledit mineur son fils
eut le dimanche cinquiesme jour de novembre dernier querelle
avec pierre francois estienne, joallier _ particulier lesquels dits
mineur et estienne ont esté griefvement blessés au sujet de quoy
ils auraient fait leur plainte, scavoir ledit Rousseau pardevant
ce commissaire et ledit estienne pardevant le commissair gallevaut
et intenté procès criminel audit chatelet dans lequel il
a convenu faire de grands frais et qu’il convient encore de faire
a la poursuite dudit procès ce qui ne se peut faire sans
emprunter des deniers par ces offres x
x qu au prealable il n’ay
sur ce l advis de ses parens, ce que ledit devienne _
_ de faire _ eux suivant le _ procuration, pourquoy
(2)
il nous requiert de prendre a cet effet son serment
et recevoir sur ce l advis de ses parens se constituant
considere lequel _ avons audit devienne _
fait faire serment de nous donner _ _ advis
sur ledit emprunt et apres ledit serment fait nous a dit
qu ils sont d advis que ledit severin Rousseau pere
et tuteur dudit mineur empruncte d’une ou plusieurs personnes
soit a constitution de rente ou par obligation jusqu a la
somme de quinze cent livres tant pour payer
les frais qui ont esté faits que ceux qu’il conviendra
faire a la poursuite dudit procès, mesme pour
transiger _ luy sy ledit rousseau pere et tuteur
le trouve a propos avec ledit estienne ou avec celuy
qui aura ses droicts et a la garentye payement
et continuation de la rente laquelle sera constituée ou de la
somme laquelle sera emprunctée par obligation, y obliger
ledit mineur sur ses biens tant _ avant que le cas
ne guerera et en passer tous contract, obligation
et action pardevant nous ou autrement quy seront
necessaires
Sur quoy nous disons qu’il est promis et promettons
audit Rousseau en ladite qualité de pere et tuteur dudit mineur
d empruncter d’une ou plusieurs personnes soit a constitution
de rente ou par obligtion jusques a la somme de quinze
cent livres tant pour payer les frais qui ont esté faits
que ceux qu’il conviendra faire a la poursuitte
(3)
numérisation illisible
Signé LeCamus
Après Simon Langlois, le père qui fait enfermer sa fille de mauvaise vie dans l’article O comme Oubliée, voici Séverin Rousseau, le père qui doit emprunter 1500 livres pour faire soigner son fils et assurer sa défense dans un procès criminel, après que le fils a eu querelle avec un joaillier.
Les protagonistes de cette nouvelle affaire font partie de la descendance de la famille de Moucheny. J’ai intégré ces nouvelles données dans mon graphique, les bulles des personnes mentionnées dans l’acte sont colorées en jaune sur le graphique.
Séverin Rousseau est marchand, maitre apothicaire. Il est le gendre de Mathurin Delafontaine, ayant épousé Anne Delafontaine, morte avant cet acte. Le couple a un fils, Charles Rousseau, étudiant en droit au moment de cette affaire, encore mineur, et sous la tutelle de son père.
Sont représentés pour donner leur avis sur l’emprunt qui va devoir être fait
- Claude Goret, ingénieur du roi, mathématicien, oncle par alliance de Charles
- Simon Langlois, marchand drappier, cousin germain d’Anne Delafontaine, mère de Charles
- Nicolas Chuppin, marchand, cousin germain d’Anne Delafontaine, mère de Charles
- Pierre Chuppin, notaire au Chatelet, cousin germain d’Anne Delafontaine, mère de Charles
- Charles Sainfray, notaire au Chatelet, cousin germain par alliance d’Anne Delafontaine, mère de Charles
- Etienne Thomas, conseiller du roi, notaire au Chatelet, a priori appartenant à la famille de Charles Rousseau, non rattaché pour l’instant à l’arbre
- Charles Heber, bourgeois de Paris, a priori appartenant à la famille de Charles Rousseau, non rattaché pour l’instant à l’arbre
Malheureusement, l’acte ne dit rien de la raison de la violente querelle entre le jeune Charles Rousseau et Pierre François Estienne, joaillier, sur lequel je n’ai pu trouver aucune information pour l’instant. Se sont ils battus pour une dette d’argent, pour une femme, pour une question d’honneur ? S’agit il d’un duel ? D’un combat à mains nues – tudieu, pas dans ce milieu bourgeois … – d’un combat à l’épée, au pistolet ?
L’acte ne le dit pas, mais les deux protagonistes sont sérieusement blessés, et portent tous les deux plainte contre leur opposant. Il y a peut-être dans les archives judiciaires des traces de ce procès ….
Mais pour l’instant, il faut couvrir les frais, et donc avancer de l’argent, pour soigner Charles, d’abord, et ensuite pour payer l’avocat, le procureur, tous les auxiliaires de justice qui participeront au procès. Si Séverin Rousseau a probablement un patrimoine correct – après tout, il est apothicaire, a sa boutique, sa clientèle, son fils dispose de l’héritage de sa mère – il n’a probablement que peu d’argent disponible, comme c’est le cas à cette époque. Le capital est investi, dans des terres, dans des rentes, on ne dort pas avec sa cassette emplie d’or sous le matelas, sauf peut-être Harpagon. Et le budget nécessaire pour gérer cette déplaisante aventure est conséquent, 1500 livres.
Pour savoir à quelle somme en euros de 2020 ces 1500 livres de l’année 1684 correspondent, j’ai utilisé le convertisseur créé par Thomas Fressin, docteur en histoire.
33 000 euros d’argent disponible immédiatement pour faire face à un coup dur, j’imagine que comme moi peu de mes lecteurs disposent de cette somme. De nos jours, nous allons à la banque demander un prêt éventuel. Mais en 1684, il n’y a pas de banque. On emprunte de gré à gré – auprès d’une ou plusieurs personnes, en passant un contrat devant un notaire, à constitution de rente ou en obligation.
La famille de Séverin Rousseau l’autorise à emprunter cet argent.
Pour l’instant, l’histoire s’arrête là pour moi, jusqu’à ce qu’au hasard de mes recherches, ou quand on pourra retourner aux archives, je puisse en découvrir plus sur cette rocambolesque affaire.
Sources et liens
- Archives Nationales – Caran – AN Y 4002 – en ligne sur Geneanet
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