Retrouver un ancêtre avec un test ADN, c’est l’objectif d’une partie des personnes qui font un test généalogique génétique. Ils cherchent à identifier un individu manquant dans leur arbre : un parent inconnu, un grand-père, voire même un arrière-grand-père. Parfois, il est simplement question de vérifier si l’homme qui a épousé l’arrière-grand-mère quelques années après la naissance du grand-père, ou qui a reconnu le père – ou l’oncle – puis a disparu de la vie des enfants est ou non son père biologique. Souvent les gens qui m’approchent dans le cadre de mon activité d’accompagnement ADN n’ont qu’une vague connaissance de la façon dont fonctionnent les tests génétiques à visée généalogique. Ils ont lu quelques jolies histoires de réunion familiale dans les médias, et se disent “Pourquoi pas moi?”
Pourtant la réalité de la recherche généalogique à partir d’un test ADN est différente. C’est bien dans la plupart des cas une recherche, et pas juste une loterie où on gagne à tous les coups. Regardons ensemble qui vous pouvez – peut-être – retrouver, et quelles sont vos chances de le faire.
Comment retrouve-t’on une personne en utilisant un test ADN ?
Le principe de la généalogie génétique et de la recherche d’un individu spécifique repose sur la comparaison entre les résultats de l’analyse de la personne testée et les résultats de toutes les personnes qui ont été jusqu’à ce jour testées dans le même laboratoire, ou qui le seront dans le futur.
Quand vous envoyez un échantillon de salive à un laboratoire de généalogie génétique, le laboratoire extrait votre ADN, le duplique – beaucoup – pour pouvoir le soumettre à un test de génotypage. Une partie de votre ADN est testée, pas la totalité, mais uniquement un certain nombre de sections dont on sait qu’elles peuvent varier entre les individus. Cela représente environ 700 000 sections chez MyHeritage, soit 700 000 SNPs – pour Single Nucleotide Polymorphism.
Regardez dans cette video à titre d’exemple comment sont réalisés les tests ADN chez MyHeritage.
Votre ADN est transformé en une suite de quatre lettres – A,T,G,C , un fichier qui vous est propre et qui va être analysé et comparé à tous les autres fichiers, c’est à dire tous les autres tests présents dans la base. L’algorithme recherche des séquences similaires entre les fichiers, qui indiquent qu’un segment donné, partagé entre plusieurs individus, leur vient probablement du même ancêtre ou couple d’ancêtres. La liste de toutes les personnes testées qui partagent avec vous un montant significatif de segments testés vous est alors proposée. C’est la liste de vos correspondances, c’est à dire des personnes qui partagent probablement des ancêtres communs avec vous. Plus le nombre de segments que vous partagez – de cM ou centiMorgan – avec une personne est important, et plus votre relation est proche.
Tirons une première conclusion de cette explication simplifiée : plus l’algorithme vous trouve de correspondances, et plus vous avez de chances d’obtenir un résultat. Si vous avez – comme c’est fréquent aux Etats-Unis – plus de 10 000 « cousins » génétiques, vous aurez plus de chance d’avoir des correspondances significatives que si vous en avez 1 000 ou 2 000, ce qui est actuellement l’ordre de grandeur médian pour des français.
La seconde conclusion est un peu moins évidente, mais tout aussi importante à comprendre. Plus il y a de personnes dans votre arbre génétique – c’est à dire dans les personnes qui appartiennent à votre famille biologique, que vous les connaissiez ou non -, et plus il y a de possibilités qu’au moins une personne se soit fait tester, et donc soit en correspondance avec vous. Si comme le père de mes enfants, vous êtes fils unique d’enfants uniques sur deux voire trois générations, vos cousins génétiques proches sont peu nombreux, et le facteur chance va prendre plus de place.
Quelque soit le nombre global de vos correspondances, un autre paramètre est à prendre en compte : celui de la « qualité », ou plutôt du degré de parenté génétique, de vos correspondances. Si aucun de vos cousins génétiques proches ne se fait tester, vous aurez peu d’indices facilement utilisables.
Comme vous le comprenez, nous ne sommes pas égaux en face des résultats des tests ADN. Ce qui s’applique à votre voisin, qui a retrouvé son père en lecture quasi directe, ne va probablement pas être votre cas. Peut-être allez vous avoir besoin de temps pour répondre à votre question de départ. Peut-être aussi ne pourrez-vous pas y répondre.
Vos chances de retrouver un ancêtre avec un test ADN ou d’identifier une personne encore inconnue dans votre arbre dépend également de la génération à laquelle elle appartient par rapport à la personne testée.
Sur le schema ci-dessus, j’ai représenté en pourcentage le montant théorique de correspondance d’ADN entre deux personnes d’une même famille et en dessous les valeurs minimales et maximales constatées lors de la dernière mise à jour par Blaine Bettinger du Shared cM Project. Les valeurs constatées sont légèrement différentes des valeurs théoriques. Cette grille de lecture va permettre de positionner approximativement dans un arbre généalogique les personnes qu’on trouve dans ses correspondances.
Par exemple, une personne qui partage avec vous 980 cM peut se trouver à toutes les cases encadrées en rouge dans le schéma ci dessous.
La plupart des laboratoires d’analyse vous indiquent l’âge approximatif des personnes testées, ce qui vous permet de placer de façon plus cohérente la personne dans votre arbre hypothétique. Votre cousin génétique a environ 40 ans de plus que vous, il est probablement dans la génération de votre grand oncle, ou du cousin germain de votre père ou votre mère. S’il a 40 ans de moins que vous, il est plus probablement votre demi-neveu ou le fils de votre cousin germain.
Comment retrouver une personne de la génération 2 ?
Intuitivement, vous pensez qu’il sera plus facile de retrouver un parent qu’un arrière-grand-parent.
Mais ce n’est pas forcément le cas.
Prenons quelques exemples.
Je cherche mon père biologique, et je connais ma mère
Si vous faites un test ADN pour identifier votre père biologique – et que vous connaissez votre mère et avez pu la faire tester, ou faire tester votre frère utérin, c’est à dire le frère avec lequel vous partagez une mère, vous allez dans un premier temps organiser vos correspondances. Seules vont vous intéresser les correspondances qui ne sont pas communes avec votre mère ou votre demi-frère.
Tout dépend ensuite de votre âge. Si vous avez une vingtaine d’années, votre père biologique est probablement encore vivant. Si vous avez 70 ans, il est probablement mort.
Imaginez la famille possible de votre père biologique : il peut avoir eu des frères et soeurs, et des enfants. Votre père, vos demis-frères et soeurs, vos neveux et nièces, vos oncles et tantes, leurs enfants et petits enfants – que vous ne connaissez pas encore, mais qui existent peut-être – sont autant de personnes qui pourront potentiellement être des correspondances rapides à identifier.
Etudions le schéma simplifié ci-dessus. Mon hypothèse de départ est que j’ai environ 40 ans, je connais ma mère et j’ai pu éliminer toutes les correspondances qui me viennent du côté maternel. En théorie – sauf erreurs dans l’algorithme qui peuvent arriver sur de petites correspondances, jamais sur des grosses de plus de 50 cM – toutes les correspondances qui ne me viennent pas de ma mère me viennent de mon père.
On peut estimer que mon père a entre 60 ans et disons 100 ans. S’il a des frères et sœurs, l’intervalle va augmenter, disons qu’ils peuvent avoir entre 40 ans et 120 ans. S’il a eu d’autres enfants que moi, leur âge peut aller entre 20 ans et 60 ans. Si mon père a 60 ans, il est encore possible que mes grands parents soient vivants. S’il en a 100, il est évident que mes grands parents sont morts. Appliquons le même raisonnement aux frères et soeurs de mes grands parents, et vous comprenez que les âges possibles de mes différents correspondants proches est tout aussi dispersé que le montant de l’ADN qu’on partage.
Les couleurs jaunes les plus foncées correspondent aux correspondances proches les plus susceptibles d’avoir été en mesure de faire un test. En jaune plus clair la génération de vos parents, qui est potentiellement décédée, donc non testée. En jaune très clair la génération de vos grands parents, très probablement non testés.
Disons que vous avez une correspondance de 450 cM qui a à peu près votre âge. Il peut être
- votre demi neveu si son père ou sa mère – votre demi frère ou soeur – est plus âgé que vous
- votre cousin germain
- votre cousin issu de germain
- l’enfant de votre cousin germain
- votre grand oncle, si votre grand-père/votre grand-mère était le premier d’une fratrie nombreuse et que ce grand-oncle était le petit dernier.
Si cette correspondance est commune à une autre personne – même avec un montant d’ADN partagé moindre – et que vous retrouvez leur couple d’ancêtres communs, vous allez assez rapidement identifier soit votre père, soit un ensemble d’hommes possibles.
Si – comme cela arrive plutôt souvent dans les cas qu’on me soumet – cette correspondance recherche aussi un père ou un grand-père, ou si elle n’a mis aucun arbre en ligne, ne répond pas aux messages et que vos autres correspondances communes sont très très lointaines, la situation devient bien plus complexe, et vous n’allez pas répondre à vos questions en quelques heures de recherche.
Envisageons maintenant que votre père biologique n’a pas eu d’autre enfant que vous, et que vos grands-parents n’aient pas eu d’autre enfant que votre père.
Voici à quoi ressemble maintenant votre vivier potentiel de correspondances du côté paternel.
Vos correspondances potentielles les plus proches sont maintenant les descendants éventuels des frères et soeurs de vos grands-parents. Leur correspondance est plus lointaine, mais s’ils ont mis en ligne des données généalogiques, vous tenez encore une piste. Certes, elle est moins facile à suivre et elle va vous demander beaucoup plus de temps.
Et vous n’avez pas la moindre idée du nombre potentiel des cousins de ce niveau.
Je cherche mes deux parents biologiques
Tout ce que je vous ai expliqué ci-dessus concernant vos correspondances potentielles s’applique quelque soit la personne que vous cherchez. Mais si vous ne connaissez aucun de vos deux parents biologiques, il vous est impossible de savoir si un groupe de correspondances vient du côté paternel ou maternel.
Vous allez donc commencer par grouper vos correspondances – en mettant dans un même groupe les personnes qui sont en correspondance entre elles – pour former des clusters.
Si votre père et votre mère ont des origines généalogiques vraiment différentes – régions d’origines différentes – vous pourrez assez facilement séparer les différents groupes.
Si vos parents sont en revanche du même village, s’ils sont apparentés entre eux – même à la 3ème ou 4ème génération – les choses deviennent plus complexes.
L’autre gros problème que vous pouvez trouver, c’est que la grande majorité de vos correspondances pointe vers un côté de votre arbre, et pas du tout vers l’autre. La famille de votre père – ou de votre mère – peut être assez réduite quand on arrive au niveau de votre génération, et vous aurez peu de correspondances proches.
C’est par exemple le cas de mon mari – dont je connais les parents, donc uniquement à titre d’exemple. Il est fils unique de parents enfants uniques. Les frères et sœurs de ses deux grands pères n’ont pas eu de descendance. L’arbre des cousinages proches possibles est extrêmement réduit, d’ailleurs la plus grosse de ses correspondances est de 60 cM sur un total de correspondances de plus de 2 000 personnes.
Si vous vous trouvez dans ce genre de cas de figure – pas de correspondance de plus de 100 cM, ou très peu – ayez bien conscience que retrouver un parent biologique va être difficile et très long, peut-être même irréaliste. Parfois, il est plus judicieux de patienter, en espérant que d’autres personnes potentiellement plus intéressantes pour votre recherche se fassent tester.
Comment retrouver une personne de la génération 3 ?
Vous cherchez à identifier un des parents biologiques de votre père ou de votre mère. Si le parent concerné est vivant, c’est lui qu’il va falloir faire tester, pour obtenir des résultats plus pertinents.
Prenons un exemple.
Vous souhaitez savoir qui est le père inconnu de votre père. Votre grand-mère paternelle s’est ensuite mariée et a eu d’autres enfants, des frères et soeurs utérins de votre père. Dans ce cas, pour mettre le plus de chances de votre côté, faites tester votre père, et ses frères et soeurs, tous si c’est possible, ou au moins un.
Les correspondances proches qui ne seront pas communes entre votre père et ses frères et soeurs pointeront vers son père biologique, différent du père du reste de sa fratrie.
Les schémas proposés pour retrouver une personne de la génération 2 s’appliquent à votre recherche, la personne testée est en l’occurrence le parent dont vous cherchez le père, en adaptant bien sûr les âges.
Si le parent dont vous recherchez le père ne peut plus être testé, bien sûr vous allez être testé. Mais faites aussi tester vos oncles et tantes paternels si vous le pouvez, ainsi que vos frères et sœurs. Comme je vous l’ai déjà expliqué dans un article et une vidéo, pour toute recherche sérieuse, faites tester vos frères et sœurs pour augmenter le nombre et la qualité de vos correspondances.
Si vous cherchez un grand-père biologique, il est bien sûr très improbable que vous le trouviez en lecture directe. Le pauvre homme est probablement mort depuis un moment.
Mais vous pourriez retrouver des demi cousins germains – c’est à dire des petits enfants que ce grand-père inconnu a pu avoir avec une ou des femmes différentes de votre grand-mère. Vous pouvez également trouver des demi-frères et soeurs de votre père.
Pour identifier votre grand-père – en vert clair sur le schéma ci-dessous -, sauf si vous trouvez un ou plusieurs demi-frères et sœurs de votre père en lecture directe, vous aurez besoin de remonter au niveau de vos arrières grands parents, les grands parents paternels – inconnus de vous – de votre père. C’est grâce au « réseau » de leurs descendants – qui seront en correspondance avec vous – que vous allez pouvoir les identifier, puis parmi leurs fils identifier celui qui est le père biologique de votre père.
La facilité et la rapidité avec laquelle vous résoudrez le mystère va dépendre du nombre de ces cousins potentiels qui se sont déjà fait tester – ou le feront un jour -, de leur implication – ont-ils fait un test pour voir et sans souhaiter aller plus loin, et dans ce cas il est peu probable qu’ils répondent ensuite à vos questions, et enfin de leur connaissance de leur arbre généalogique.
Comment retrouver une personne de la génération 4 et au-delà ?
Vous avez compris que retrouver une personne précise dans votre arbre dépend beaucoup de la quantité et de la qualité des correspondances que vous avez. Et vous n’avez aucun levier sur ces critères. Vous ne pouvez pas modifier le nombre d’enfants de vos ancêtres à chaque génération, ni obtenir d’un coup de baguette magique que tous les descendants de votre génération issus de vos arrières arrières grands parents aient envie de se faire tester, dans le même laboratoire que vous.
Si vous n’avez pas de correspondances suffisantes et assez proches – au moins 100 cMs – vos chances de résoudre rapidement un mystère familial sont faibles.
Et plus vous allez remonter dans le temps pour identifier un ancêtre plus éloigné de vous, plus les correspondances possibles que vous aurez seront faibles en ADN partagé.
En théorie vous pouvez retrouver votre arrière grand-père – génération 4 – peut-être même les parents de votre arrière-grand-mère, génération 5, ou ses grands-parents. Mais à chaque génération, la recherche devient plus compliquée.
Pour retrouver un arrière-grand-père – génération 4 – il va falloir à partir de vos correspondances que vous identifiez un groupe de cousins qui descendent des frères et soeurs de votre arrière-grand-parent. Il va falloir que vous identifiez le couple de vos arrières arrières grands parents inconnus et leurs enfants, dont l’un d’eux est votre arrière grand parent.
Pour augmenter vos chances, il va falloir retrouver tous vos cousins issus de germain, les descendants de vos grand-oncles et tantes, et leur demander de se faire tester. C’est par leurs correspondances, communes aux votres et à celles de vos cousins germains, que vous allez pouvoir avancer. Mais un autre écueil vous attend : les descendants issus de vos arrières grands oncles, ces frères et sœurs de votre arrière grand père qui vont vous permettre de l’identifier, ces descendants peuvent ne plus du tout partager d’ADN avec vous – ou avec vos cousins germains. Statistiquement, ils vont partager entre 0 et 234 cMs avec vous. Vous risquez donc ne pas être en correspondance avec eux.
Au delà de la génération 4, le travail qui va être nécessaire pour identifier un ancêtre peut être considérable …. et l’identification peut ne jamais aboutir.
Quand vous vous lancez sur la piste d’un ancêtre inconnu en utilisant l’ADN, restez prudent dans vos attentes et vos espoirs. Si les miracles existent, ils ne concernent que la génération 2, la recherche de parents biologiques.
Pour la génération 3, la facilité et la rapidité du résultat va dépendre d’éléments que vous ne contrôlez pas. Alors soyez patients, et prenez du recul. Vous ne résoudrez pas forcément toutes les énigmes de votre arbre généalogique.
Mais ne vous découragez pas. Votre test n’a pas de durée de validité. Tous les jours, de nouveaux tests sont réalisés par des personnes partout dans le monde. Une nouvelle correspondance qui peut changer les données du problème peut arriver tous les jours dans vos résultats. De nouvelles façons d’analyser les résultats, de les interpréter, d’aller plus loin, sont proposées régulièrement par les laboratoires d’analyse. Restez à l’écoute de l’évolution de ce nouveau domaine. Ce qui est vrai aujourd’hui peut être remis en cause par une évolution majeure des algorithmes dans les prochains mois.
Profitez en pour vous former, pour mieux comprendre les outils proposés par les plateformes et les applications. Tout comme en généalogie traditionnelle, où votre pratique au bout de plusieurs années a évolué par rapport à votre pratique de débutant, en généalogie génétique le temps que vous allez passer à maitriser les principes et les outils va peu à peu vous permettre de nouvelles découvertes.
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