Les grands gourous de la généalogie nous le disent à longueur de conférence. Nos arbres ne doivent pas être une longue succession de noms, de dates et de lieux. Nous devons les habiller, mettre un peu de chair sur ces squelettes de papier ou de 0 et 1 que nous créons au rythme de nos recherches.
Il est évident que je partage ce point de vue, sinon bien sûr ce blog n’existerait pas. La publication de mon arbre sur Geneanet serait bien suffisante pour communiquer sur la liste de mes ancêtres.
Donc j’habille, et je vous en parle ici. Je cherche à en savoir plus sur chacun d’eux et fichtre, parfois c’est vraiment difficile et … déprimant !
Vous avez peut être lu la chronique que j’essaie de tenir concernant François Reau. Quand je l’ai commencée, j’avais tout sur lui, du moins je le croyais : ses parents, les dates et lieux le concernant, ses enfants, et même presque toute sa descendance jusqu’au niveau de ma génération. Je me croyais prête et je me suis lancée. Mais pour rendre le récit plus vivant, j’ai voulu l’habiller, en savoir plus sur la région, l’histoire, les coutumes, que sais je encore ….. et je suis en train de me perdre dans une liste bibliographique presque sans fin.
Honnêtement, j’y prends plaisir, aller à la BNF et lire pendant des heures des mémoires parfois intéressants, parfois ennuyeux comme la pluie – que je survole vite fait avant de passer au suivant – ça m’amuse. Mais parfois je referme le livre avec un sentiment de tristesse et de mal-être qui va bien à l’encontre de mes motivations généalogiques.
Je viens par exemple de lire parallèlement le second tome de L’Histoire de la France Rurale, par Emmanuel Le Roy Ladurie, emprunté à la bibliothèque municipale, et Les Paysans de Gâtine Poitevine au 18ème siècle, par Jacques Peret, lu à la BNF. Malgré mes efforts pour que mes lectures restent aussi « abstraites » que possibles, disons même scientifiques, je suis devenue trop « proche » de mes ancêtres pour ne pas être parfois déprimée par ce que je lis. Cette misère constante, les famines, les enfants qui meurent en bas âge, les veuvages, la mort omniprésente, maintenant je mets des noms dessus.
C’est Jacques Guignard, orphelin à 10 ans, marié à 26, mort à 38, et sa femme Anne Texier, veuve à 32 ans avec quatre enfants, remariée à 35 ans avec un homme sept ans plus jeune, qu’elle enterrera quand même, après avoir enterré tous les enfants de son premier lit. C’est mon arrière arrière grand mère Edvige Colnay, enfant trouvée, mariée à 20 ans, veuve à 44 ans avec sept enfants survivants à charge sur les 10 qu’elle avait mis au monde. C’est Jeanne Pineau, qui épouse à 21 ans René Pagot, et finira sa vie « mendiante » au domicile de sa fille Jeanne, morte elle même à 43 ans …. Les exemples sont tellement nombreux et chacun mérite qu’on s’arrête sur sa vie au delà de simples dates.
Mais en même temps, dans le confort de mon bureau avec un café près de moi, ou dans la grande salle de recherches de la BNF sans même un petit carré de chocolat pour me remonter le moral, je me demande si je n’ai pas perdu de vue mon but premier : retrouver mes ancêtres pour me situer dans une continuité, pour savoir que malgré les vicissitudes quotidiennes, la vie continue et continuera. Ce recul salutaire sur mon quotidien qui la plupart du temps accompagne mes recherches, certains jours à trop en savoir, je le perds.
Alors ce matin, je vais ouvrir un registre, bien compliqué et bien mal écrit, et chercher tout simplement des noms, des dates et des lieux, des informations que j’ajouterai juste comme ça à mon arbre pour reprendre un peu de distance et souffler un instant.
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