Cette semaine, je vous emmène à la rencontre de David Siegrist, lointain cousin de mon mari, qui exerçait en 1808 le métier de gourmet dans le village de Riquewihr.

J’ai fait sa connaissance – et la découverte de ce métier original – au détour d’un acte de décès. C’est en effet lui qui en mai 1808 déclare avec son beau frère Jean Henri Sattler le décès de leur grand mère Marie Suzanne Schulz, épouse Flach, sosa 167 de mes enfants.

par devant nous [] karcher, maire, officier de l’état civil de la
commune de riquewihr, département du haut rhin, canton de kaysersberg
sont comparus les sieurs david Siegrist, gourmet et jean henry sotter
propriétaire, tous les deux petits fils de la defunte et demeurant à
riquewihr, lesquels nous ont déclaré que schulz suzanne agée de
soixante et quatorze ans, demeurante à riquewihr veuve de feu
[] jean jacques flach, en son vivant propriétaire, fille de feux
jean schulz et de barbe greiner, conjoints, demeurant de
meme audit riquewihr, est décédée le quatorze may présent mois
à [] heures de midi, en sa maison n° 203 rue dit in der grossen
gaassi, et les declarants ont signé avec nous le present acte
après que lecture leur en a été faite
Jean David, selon son acte de mariage du 29 décembre 1815 avec Madeleine Barbe Greiner, est né le 5 décembre 1779 à Riquewihr. La plaine d’Alsace est depuis toujours – ou presque – une région de vignobles réputés. Quant au village de Riquewihr, un des plus beaux villages de France, il doit sa richesse au 17ème siècle à ses vignobles dont certains appartiennent à la famille Greiner, dont Jean David descend.
Son père, Chrétien Siegrist, est lui aussi gourmet et propriétaire.
Dans un petit fascicule publié par Strasbourg, j’ai retrouvé quelques explications sur ce qui est bien une profession, et pas juste un trait de caractère ou un art de vivre.
La corporation des vignerons, nous explique t’on, est aussi appelée la « corporation des gourmets », d’après l’ancien mot français « gourmet » – XIVème siècle – qui signifiait « courtier en vins ».
Le nombre des « correttiers de vin », selon l’ouvrage « Notice historique sur les courtiers-gourmets piqueurs de vin » consulté sur Gallica, était limité à 60 à Paris en 1415. Au cours des siècles, plusieurs édits royaux décident de l’organisation de la profession. N’est pas « courretier » qui veut. Son rôle, tel que le détermine une ordonnance de Louis XIV, est de s’assurer de la qualité du vin vendu dans les villes. C’est un officier public, qui vérifie l’état de la marchandise échangée entre le vendeur ou importateur de vin, et l’acheteur. Il doit tenir des registres précis, et rend compte sur ses deniers s’il a validé une transaction frauduleuse.
La Révolution voulut faire table rase de ces intermédiaires de commerce. Mais rapidement des abus virent le jour, et la Convention Nationale fit marche arrière et rétablit certaines des fonctions des Courtiers en marchandises.
En Alsace, les fonctions du « gourmet » en font a priori un homme d’importance dans le village. Au 17ème siècle à Obernai, sa fonction est de prélever la dîme sur les vins. Dans « L’Alsace au 17ème siècle », un article – à partir de la page 705 du livre – est consacré au commerce des vins et eaux de vie. On y apprend que » Les prix maxima étaient fixés aux environs de la Saint-Martin, par les autorités locales, d’après les estimations des gourmets assermentés (Weinsticher), nommés par le bailli ou le Magistrat, quand ils ne l’étaient pas, comme à Riquewihr, par la communauté tout entière. Ces fonctionnaires étaient les intermédiaires obligés entre le producteur et le marchand de vin. Ils s’engageaient sur le « salut de leur âme » de ne pas trafiquer eux-mêmes, et pour bien les mettre en garde contre toute tentation de ce genre, il leur était même défendu, dans certaines localités, de servir de leurs propres crûs, à leur table, quand il s’y trouvait un étranger. … » [ Gallica – L’Alsace au 17ème sicèle – page 707 ]

Cette fonction au nom évocateur, maintenant ce sont les inspecteurs de la concurrence et des fraudes, les inspecteurs des douanes et ceux des impôts qui s’en chargent. Je trouve ça tout de suite moins poétique. Allez, à la vôtre, et toujours avec modération.
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