Retrouvez les articles précédents :
- Comprendre l’interface MyHeritage
- Retrouver un cousinage à partir d’un patronyme
- Mon ADN n’est pas celui de mon frère
- Toutes mes recherches ne seront pas couronnées de succès … tout de suite 1
- Toutes mes recherches ne seront pas couronnées de succès … tout de suite – 2
Une partie des clients des sociétés qui proposent des tests de généalogie génétique sont des personnes à la recherche de leurs parents – ou grands parents – biologiques. Certaines sociétés, comme MyHeritage, ont même une branche spécifique qui dans certains cas fait les analyses gratuitement. Et régulièrement, des familles dispersées qui se sont retrouvées après avoir fait ces tests sont mises à l’honneur dans les médias, ce qui augmente encore l’envie et l’espoir de ceux qui n’ont pas encore tenté l’expérience.
Cette possibilité, non légale en France et qui n’ouvre donc aucune suite juridique possible, est une des raisons que les opposants à l’ouverture du marché de l’ADN généalogique en France mettent souvent en avant. Vous qui avez eu une vie agitée lorsque vous étiez jeune, vous pourriez vous retrouver avec une flopée d’héritiers venant frapper à votre porte … Grosse angoisse …
Disons que c’est une plaisanterie malvenue, et passons …
En tant que généalogistes, nous sommes à la recherche d’indices pour savoir qui était l’arrière arrière grand père à la génération n, et pourtant certains d’entre nous refusent à d’autres personnes la possibilité de savoir qui étaient leurs parents biologiques. Pendant que nous farfouillons de registres en registres, à la recherche de notre lointaine histoire familiale, près de nous, des enfants, qui n’avaient rien demandé, n’ont pas le droit d’avoir accès à leur histoire familiale la plus proche. Où est la logique ?
Plusieurs lecteurs de ce blog m’ont déjà interrogée sur la façon dont on peut retrouver quelqu’un grâce à ces kits d’analyse. Je commence toujours par leur dire que ça n’est pas forcément simple, et surtout que quelque soit le résultat de leur recherche, ils ne pourront en aucun cas l’utiliser pour une quelconque action légale. Mieux encore, si la personne retrouvée et contactée décide de porter plainte, au nom de la protection de sa vie privée, il est vraisemblable que les tribunaux en France lui donnent raison.
La loi changera peut-être un jour.
En attendant, si vous habitez hors de France, ou si la curiosité est la plus forte, et qu’un simple nom, un enchainement de circonstances, vous suffiront, je vous propose une méthodologie pour essayer de retrouver vos parents biologiques.
Rechercher son père biologique
Vous avez fait un test ADN, disons chez MyHeritage, qui va une fois de plus me servir pour mes exemples. C’est bien, mais ce serait mieux si vous pouvez obtenir de votre mère, si elle est toujours vivante, de faire elle aussi un test. Ceci étant, si votre mère est vivante, mais que vous ne connaissez pas votre père biologique, ca laisse supposer qu’elle a refusé de vous donner son nom, et qu’elle ne sera pas partante pour faire ce test. Si votre mère est décédée, ou si elle refuse de faire le test, essayez de le faire faire à ses frères ou soeurs.
Comparez vos correspondances à celles de votre mère. Si votre correspondance apparait également dans les correspondances de votre mère, il s’agit de votre branche maternelle, qui n’est pas l’objet de votre recherche. En revanche, si votre correspondance n’est pas dans la liste de votre mère, il s’agit de votre branche paternelle, votre sujet d’études.
Si vous n’avez que l’ADN de vos oncles et tantes, éliminez du cadre de vos recherches toutes les correspondances communes entre eux et vous. Il s’agit de votre branche maternelle de façon certaine. En revanche, si la correspondance n’est pas commune avec eux, il ne s’agit pas forcément d’une correspondance paternelle, puisque votre mère, vos oncles et tantes n’ont pas hérité exactement du même ADN de leurs parents communs.
Vous avez maintenant une liste de correspondances, c’est à dire de personnes qui quelque part dans leur arbre ont un ancêtre commun avec vous.
Le principe de base est de retrouver cet ancêtre commun – donc de faire une généalogie ascendante classique de votre correspondance, puisque vous ne pouvez pas faire votre généalogie paternelle – puis de suivre la généalogie descendante du couple probable jusqu’à retrouver un ensemble de leurs descendants males ayant vécu à une période et dans des lieux cohérents avec la période et les lieux de vie de votre mère si vous êtes né de père inconnu, ou ayant pu être donneur de gamète si vous êtes né par insémination artificielle avec donneur de sperme.
Comme vous le voyez, ce n’est ni simple, ni rapide, ni vraiment évident.
Bien sûr, le hasard peut faire que dans vos correspondances se trouve en lecture directe un demi-frère inconnu ou un demi-cousin. Réjouissez vous, vous avez votre réponse. Mais ne comptez pas en faisant le test que la solution sera aussi simple.
Dans la plupart des cas, la réponse ne sera pas en lecture directe, et vos possibilités de résultat vont dépendre à la fois de la proximité de vos correspondances ADN – c’est à dire de la taille des centiMorgan que vous partagez avec chacune d’elle – mais aussi des triangulations entre chaque correspondance.
Reprenons le tableau synthétique que propose Ancestry sur les liens probables de parenté et la taille correspondante des centimorgans partagés.
Si dans vos correspondances, en lecture immédiate, vous trouvez une autre personne testée, jusqu’alors inconnue de vous, qui partage avec vous environ 3475 cM – soit votre père probable – , entre 1450 et 2050 centimorgans, soit un demi-frère né du même père, un cousin germain ou un cousin issu de germain, qu’il ait ou non mis en ligne un arbre généalogique, contactez le. S’il a fait ce test, il est possible qu’il soit lui aussi à la recherche d’une famille proche. Soyez prudent et diplomate dans ce que vous écrivez, veillez à ne pas l’effrayer, ne soyez ni agressif, ni exigeant, et surtout quand vous aurez envoyé votre message, soyez patient, ne relancez pas une personne que vous avez contactée avant plusieurs semaines, ou avant d’avoir une information supplémentaire à lui communiquer.
Mais ce cas de figure est très rare. Il est plus probable que l’ADN partagé avec vos différentes correspondances se situe entre 20 centimorgan et 620 cm, et que peu de vos correspondances aient mis en ligne un arbre généalogique sur cinq ou six générations.
Si vous partagez moins de 20 cM sur un segment avec vos correspondances, laissez en l’étude de côté, votre relation avec elles est au niveau probablement de vos arrières arrières arrières grands parents. Imaginez le temps et la chance qu’il vous faudra pour remonter un arbre jusqu’à eux et descendre ensuite la totalité de leur postérité pour retrouver les hommes susceptibles de vous avoir engendré. C’est un travail de titan qui a peu de chances d’aboutir.
Vou s allez donc vous attacher à étudier vos correspondances qui partagent entre 620 et 20 cM, de préférence avec des segments au moins égaux à 20 cM. Mais une correspondance simple ne suffit pas forcément, surtout si votre correspondance n’a pas donné beaucoup d’informations sur lui.
La clef de la réussite va reposer dans les triangulations éventuelles entre vos correspondances.
Je vous ai déjà parlé de la triangulation dans mon article précédent.
La notion de triangulation n’est pour l’instant pas indiquée quand vous passez par Ancestry, et elle nécessite un abonnement payant quand vous passez par MyHeritage, mais vous pourrez malheureusement difficilement faire l’économie de cet abonnement si votre recherche vous tient à cœur.
Une correspondance triangulée entre plusieurs de vos correspondances ADN signifie que vous partagez un couple d’ancêtres communs avec chacune des personnes qui appartient à cette triangulation. Les relations qu’ont chacune des personnes entre elle peuvent être plus proches que celle que vous avez avec chacun d’eux.
Vous allez donc chercher à trouver quelle est leur relation, quel est leur couple d’ancêtres communs, qui sera très probablement aussi le couple que vous partagez avec eux, et à partir duquel vous pourrez faire une généalogie descendante exhaustive.
En résumé, voici les différentes étapes que vous allez devoir suivre.
Vous l’avez compris, c’est une quête au long cours, qui ne vous apportera probablement pas de réponse immédiate, et sera probablement source de frustration. Soyez patient, et vérifiez régulièrement vos nouvelles correspondances, beaucoup de personnes se laissent tenter actuellement par les kits de généalogie récréatifs et une nouvelle piste prometteuse peut se présenter un jour prochain.
Rechercher ses deux parents biologiques
Si vous êtes adopté, ce sont vos deux parents biologiques que vous cherchez à retrouver éventuellement.
La démarche va être identique dans ses grandes lignes à la démarche précédente, à ceci près que vous n’avez aucun moyen de déterminer si vos correspondances appartiennent à votre branche maternelle ou paternelle.
A moins de trouver une correspondance équivalente à au moins celle d’un cousin issu de germain, c’est à dire une correspondance d’au moins 200 cM, je ne vous conseille pas de tenter l’aventure. Vérifiez régulièrement si de nouvelles correspondances plus prometteuses arrivent dans votre compte, et profitez en pour vous renseigner sur comment fonctionnent les analyses génétiques, les méthodes de recherche, les différentes applications. Le jour où une correspondance utilisable sera disponible, vous serez ainsi plus à même de faire l’enquête.
Rechercher un de ses grands parents biologiques
Vous avez remonté tout votre arbre jusqu’à la dixième génération … Tout votre arbre, sauf ce grand père inconnu sur l’acte de naissance de votre père ou de votre mère. L’analyse d’ADN à visée généalogique peut elle quelque chose pour vous ?
En théorie, oui.
Tout va encore une fois dépendre des circonstances, des personnes qui se font tester et de la taille de la famille à qui ce grand père inconnu appartenait. S’il a eu d’autres enfants, qui ont eu des enfants, qui font de la généalogie et se laissent tenter par un test ADN, cela pourrait ne pas être trop difficile. Si en revanche il n’a pas eu de postérité, à part votre père ou votre mère qu’il n’a pas connu, s’il n’a eu ni frère ni sœur, ou s’il est lui aussi de parents inconnus, votre quête sera plus compliquée.
A partir de vos correspondances significatives, c’est à dire d’au moins 20 cM, vous allez devoir retrouver à laquelle de vos quatre branches de grands parents appartient chaque groupe de correspondances. Le groupe de correspondances qui ne sera ensuite attribué à aucune des trois branches connues sera probablement de la même famille que votre grand père inconnu.
Ca c’est la théorie, vous imaginez bien que la pratique risque d’être compliquée et de vous prendre du temps, mais elle s’apparente aux recherches que j’ai partagées avec vous dans les articles précédents. La différence majeure, c’est que jusqu’à présent, vous vous êtes laissé porter par les correspondances que vous avez, vous avez appris comment retrouver un couple d’ancêtres quelque part dans votre arbre, sans avoir un objectif précis.
Si vous partez à la recherche d’un ancêtre particulier, vous allez devoir d’abord comprendre quelles sont les correspondances qui vous aideront à l’identifier, en éliminant de votre liste toutes les correspondances que vous avez déjà pu affecter à une autre branche de votre arbre.
Pour l’instant, je me suis contenté dans mes recherches d’essayer d’identifier les ancêtres communs de mes correspondances les plus importantes, et au bout de quatre ans d’expérience, je compte mes identifications réelles sur une main. Si je n’avais fait que chercher une seule personne au milieu de mon arbre, ma frustration serait probablement encore plus importante.
Ne vous fixez pas de but difficile à atteindre.
Même si votre objectif est de retrouver ce père ou ce grand père inconnu, travaillez par étape, apprenez à remonter une piste, reconstituez ce que vous pouvez de votre généalogie, et restez patient. Un test de généalogie génétique n’est qu’un outil, et en aucune façon une baguette magique qui va vous livrer des réponses prêtes à l’emploi.
Se faire aider dans ses recherches
Si vous êtes un généalogiste aguerri, vous avez déjà compris que votre quête va être longue et difficile. Si vous n’êtes pas généalogiste, il est probable que je vous ai déjà perdu dès les premiers paragraphes de cet article. Alors, pouvez vous demander de l’aide à un professionnel ?
Ayez conscience aussi qu’à l’occasion de vos recherches descendantes, quand vous allez tenter de retrouver des personnes actuellement en vie, vous allez vous heurter à l’incommunicabilité des actes d’état civil au delà de certaines limites. Comme dans le cas d’une recherche d’héritiers, seul un généalogiste professionnel dûment autorisé aura accès aux éléments permettant de finaliser une recherche.
Je ne suis pas juriste, mais je vois pour le généalogiste professionnel sérieux plusieurs raisons légales l’empêchant actuellement de se faire rémunérer pour faire ce type de recherches :
- L’usage des kits de généalogie génétique est illégal en France. Même si je n’ai pas connaissance de sanctions contre les utilisateurs, qu’un généalogiste professionnel utilise un matériel et des données obtenues illégalement pour faire, puis facturer une recherche à un client me semble juridiquement risqué.
- La recherche d’un parent biologique s’apparente à celle d’héritiers vivants, et les lois pour la protection de la vie privée pourraient également s’appliquer.
Si vous ne pouvez pas utiliser les services d’un généalogiste professionnel, qu’en est il de passer par un détective privé ? On dit toujours qu’une recherche généalogique s’apparente à une enquête …. Je mentionne cette possibilité parce que j’ai vu passer une offre d’aide – de service ? – d’un enquêteur privé sur un groupe Facebook consacré à la généalogie génétique. J’ignore quelle serait la légalité de ce genre de recherches, je vous recommande de vous renseigner avant toute démarche de ce genre.
Aux Etats Unis, des généalogistes expérimentés aident bénévolement des personnes adoptées à faire leurs recherches, on les trouve sous la dénomination de Search Angels. Si vous connaissez un généalogiste amateur que le sujet passionne, vous pouvez peut-être vous rapprocher de lui. Mais n’oubliez pas qu’il n’a pas accès à l’état civil récent, pas plus que vous, et que les renseignements qu’on peut trouver sur les réseaux sociaux en France sont limités – et heureusement.
Alors, que faire si vous n’y connaissez rien mais que votre curiosité est trop forte ?
Vous êtes probablement la solution de votre problème.
Prenez le temps de comprendre comment fonctionne la généalogie. Si vous connaissez votre mère, faites son arbre généalogique – si possible sur 7 générations, ce qui est environ l’amplitude maximale des correspondances génétiques potentielles . Passez du temps à étudier tout ce qui se publie actuellement sur internet au sujet de l’ADN : les webinaires, les articles de blog, les forums. Devenez la personne qui vous aidera dans votre recherche. A défaut de trouver rapidement la réponse, vous vous lancerez dans un voyage passionnant, et le jour où vous trouverez la solution, elle vous semblera encore plus précieuse.
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