Salt Lake City, c’est un des « hubs », un des aéroports de correspondance de la compagnie aérienne américaine Delta airlines. Quand vous arrivez à Salt Lake City venant de France, vous pouvez vous envoler pour à peu près n’importe où aux Etats Unis. Vous pouvez aussi choisir la voiture et partir faire un grand périple dans l’Ouest américain, visiter les plus beaux des parcs nationaux, et pousser jusqu’à Las Vegas, la ville du péché, pas si loin de Salt Lake City la vertueuse.
Ou alors vous pouvez prendre le TRAX, le tramway local, et descendre à Temple Station. En moins d’une demie heure après votre sortie de l’aéroport, vous commencerez un voyage à la recherche de vos racines, à peu près n’importe où dans le monde, pour lequel vous ne serez limité que par la résistance de vos yeux, et quelques nécessités physiologiques.
Je suis arrivée un lundi matin, vers 8h15. Dès la porte franchie, j’ai tout de suite été repérée : le manque d’assurance, bien sûr. Un charmant monsieur d’un certain âge, un bénévole, m’a prise en charge. Pas d’inscription, pas de carte, pas de présentation d’une pièce d’identité, juste un autocollant portant mon prénom, collé sur mon pull, indiquant que c’était ma première fois …. Oui, j’ai encore l’âge des premières fois, quel soulagement … Du hall d’entrée, on accède à une petite salle où est diffusée pour les petits nouveaux une video rapide donnant les grandes lignes de ce qu’on peut trouver ici. Tous les jours, des cours – au moins 4 par jour – sont dispensés aux généalogistes, gratuitement, sans inscription, sans réservation. Même si un cours ne compte que deux participants, il est donné. J’ai vu dans la liste de la semaine certaines sessions qui m’auraient intéressée, concernant les fonds, les techniques spécifiques de recherche, mais je n’avais que deux jours et demi à passer ici et je ne voulais rien perdre de mon temps disponible.
Le bâtiment comporte 5 étages : un rez de chaussée, deux étages en hauteur, deux étages en sous sol. Le niveau -1 est consacré au « reste du monde », c’est donc là que je me suis rendue. Sachez juste que le niveau -2 concerne les Iles Britanniques, y compris l’Australie et la Nouvelle Zélande, le +1 est réservé aux microfilms américains et aux recensements, le +2 à la bibliothèque spécialisée USA et le rez de chaussée au Canada et aux Etats Unis. Cinq étages dont chacun accueille une bonne centaine de visiteurs tous les jours …. Voilà qui ferait rêver certains de nos archivistes français.
Direction donc le premier sous sol, avec toujours mon manteau et mon sac à dos. Pas de consigne, de fouille, de sac plastique transparent. Pas d’interdiction de téléphone, on vous demande juste de le mettre sur vibreur et de ne pas parler trop fort si on vous appelle. En sortant de l’ascenceur, on arrive sur un centre de renseignements, occupé par des volontaires spécialistes – et vraiment spécialistes, j’ai testé – de la région, qui sont à votre service pour vous aider sur les points délicats de vos recherches : lecture d’un acte en vieil allemand par exemple.
Une soixantaine d’ordinateurs, tous connectés à internet, avec la possibilité d’interroger toutes les bases de données de Family Search bien sûr, mais également d’Ancestry.com ou d’un grand nombre de bases de données anglophones, utilisables sans aucune réservation ou affectation de place. Un ordinateur est libre, vous vous installez. Si vous souhaitez passer à une autre « activité », prenez vos affaires, déconnectez vous de votre compte, et libérez la place. En cas d’affluence, les bénévoles peuvent libérer un ordinateur qui n’est plus occupé depuis 15 minutes. Vous retrouverez alors vos affaires dans un des bureaux vitrés près de l’entrée. Une partie de l’étage est occupée par une bibliothèque spécialisée, je n’ai pas eu le temps de fouiller, mais j’ai eu la surprise dans le département français de trouver un nombre de collections impressionnant : périodiques d’associations, relevés, monographies de villes, inventaires d’archives départementales, méthodes de recherches en France …. Et la France n’est qu’un des nombreux pays du reste du monde ….. J’étais à la recherche de renseignements sur Odessa, je n’ai pas trouvé de piste directe, mais il y a là un nombre de monographies impressionnantes sur les colonies de peuplement allemandes en Ukraine. En fait, la bibliothèque, qui s’étoffe toujours, est bien sûr orientée pour répondre en premier lieu au besoin des membres de l’église, et les populations qui ont le plus contribué au peuplement des Etats Unis sont bien sûr très largement représentées.
Près de la bibliothèque se trouvent de grandes tables de travail, occupées par des chercheurs seuls ou en groupe – on peut en effet travailler en groupe ici, et parler de façon totalement normale. Nul besoin de chuchoter pour échanger information et explications. Branchez votre ordinateur, connectez le au haut débit internet, et vogue le navire. Près des tables de travail se trouvent des meubles à cartes, beaucoup beaucoup de cartes … Je n’y ai jeté qu’un coup d’oeil rapide, je cherchais juste à m’orienter, mais la diversité de ce qu’on trouve sur place est époustouflante ….. Et comme pour les livres, si vous voulez une carte, vous vous servez et la reposez ensuite sur le dessus du meuble, un bénévole viendra la ranger. Pas de demande informatique ou papier à remplir, pas d’attente de document, pas de limitation du nombre de documents ….
Enfin, presque le tiers de la surface de l’étage est occupé de meubles de rangement pour les microfilms, sur des rangées et des rangées …. Une quarantaine de lecteurs de microfilms, tous en parfait état de marche, certains avec une optique de grossissement, d’autres réservés pour les gauchers, sont à votre entière disposition. Vous voulez un microfilm, allez le chercher, prenez en jusqu’à 5 à la fois , installez vous et commencez à explorer …..
Il n’y a dans la bibliothèque qu’une partie des documents. Les microfilms originaux sont tous conservés dans un immense coffre fort caché dans la montagne, bien à l’abri de toute catastrophe, protégés pour les siècles à venir. Il y a également une unité de stockage de haute densité, qui ne reçoit pas de visiteurs, et où sont conservés de très nombreux microfilms un peu moins demandés que ceux qu’on trouve à la bibliothèque. Si le microfilm que vous cherchez se trouve dans l’unité de stockage, bien sûr vous devrez le commander, et il n’arrivera que l’après midi ou le lendemain. Je travaillais sur l’Allemagne, j’ai dû visionner plus d’une vingtaine de microfilms et pas une fois le numéro de bande que je cherchais a été indisponible. Et tout ça sans aucune réservation.
Le chercheur n’a bien sûr accès qu’à cette phénoménale bibliothèque. Ici, l’espace est plus restreint qu’aux Archives Nationales, les salles ont une hauteur de plafond semblable à celle que vous avez chez vous, contrairement aux bibliothèques nationales et services d’archives français que j’ai pour l’instant visités, et qui sont toujours des bâtiments un peu impressionnants. Le bâtiment en lui même n’a que peu d’intérêt, rien de grandiose, tout est dans le pratique. C’est la généalogie, le travail du chercheur sur ses ancêtres, qui est à l’honneur, rien d’autre.
J’avais deux buts en venant ici : en savoir plus sur Odessa et la branche ukrainienne – malheureusement cela n’a rien donné – et essayer d’en savoir plus sur Eduard Kühner, le père d’Adèle, l’arrière grand mère de mes enfants. Sur lui je n’ai rien trouvé, en revanche j’ai découvert beaucoup de choses sur ses grands parents, et les deux générations précédentes, dans la région de Stuttgart.
Il m’a été difficile de repartir de cette bibliothèque, en sachant tous les trésors pour ma généalogie internationale qui sont ici à ma disposition, et attendent que je les trouve. J’aimerais pouvoir visiter le coffre fort qui recèle ce trésor de millions de bobines de microfilms, encore actuellement prises en photos partout dans le monde, et mises à l’abri dans le granit de la montagne.
Si vous avez l’occasion de vous rendre au Yosemite Park, ou de visiter le Bryce Canyon, passez donc par Salt Lake City et arrêtez vous à la bibliothèque. Oubliez les raisons qui ont poussé l’Eglise des Saints des Derniers Jours à rassembler tous ces documents, ne vous occupez pas de tous ces membres de l’église qui n’ont pas tout à fait les mêmes raisons que vous de faire leur généalogie; inutile de refaire le monde, profitez juste de cette impression qu’ici tout est possible. Si votre ancêtre a un jour laissé une trace écrite dans un document officiel, ici vous le trouverez …
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