Une fois n’est pas coutume, je vais vous parler aujourd’hui du dernier opus de Jean-Louis Beaucarnot, que je viens de finir.
Soyons honnête, je ne pensais pas le lire, mais l’avis de Celine, généanaute émérite, m’a fait revenir sur mon idée première.
Tout d’abord, précisons que ce livre n’est pas un livre d’histoire, celle avec un grand H, ou deux grands G comme Grande Guerre. Non, comme dans ses livres précédents, Jean-Louis Beaucarnot trace par petites touches, à partir de témoignages et de photos qui lui ont été confiés, la façon dont ce conflit a été ressenti par la population, et quelles en ont été les conséquences sur leur vie pendant la guerre – très peu – et sur leur devenir – beaucoup. Ici, ce ne sont pas directement les poilus qui sont à l’honneur, ou du moins pas leur vie au front. Ce sont leurs épouses, leurs parents, leurs descendants qui ont la parole.
Le livre se lit facilement, il est intéressant, parfois émouvant, et j’y ai appris au fil des pages certains éléments dont je n’avais pas encore pris conscience. Par exemple, moi qui suis originaire d’une région qui a envoyé ses hommes se battre, mais sans connaître l’occupation ou le déplacement des populations, je n’avais pas encore associé ces notions à la Première Guerre Mondiale. Cette lacune, parmi beaucoup d’autres toujours en souffrance, est enfin réparée.
Au milieu des témoignages, et de façon assez naturelle, Beaucarnot nous propose des encadrés plus pratiques ou plus techniques sur différents aspects de la Guerre. On passe ainsi facilement du souvenir, de la narration subjective, à un « dossier » plus factuel. C’est bien fait et instructif, même si on reste dans le domaine de la vulgarisation.
Ceci étant, je suis perplexe sur un certain nombre de témoignages qui nous sont rapportés. Quand Madeleine Rouvier – page 116 – raconte ses souvenirs, elle nous dit qu’à la déclaration de la guerre, elle avait quatre ans et se souvient qu’elle voyait sa maman pleurer. Cette dame a donc maintenant pas loin de 104 ans, et elle a écrit à JL Beaucarnot pour lui raconter ses souvenirs ? Ou encore Odette Comtal – page 41 – qui raconte que chez leurs voisins, le chien hurla à la mort en regardant la photo du fils, bien avant l’annonce officielle du décès. S’agit il de ses souvenirs à elle et si c’est le cas, quand les a t’elle racontés? Il y a quelques mois pendant la préparation du livre, ou il y a plus ou moins longtemps ?
Comprenez moi bien, je suis en train de lire un livre qui repose sur des souvenirs, transmis par des gens comme vous et moi. J’aurais aimé que la date à laquelle le souvenir avait été recueilli soit indiquée, que l’âge de la personne au moment où elle a raconté ce souvenir soit évoqué. La jeune Odette a t’elle elle même entendu ce chien, ou plutôt ses parents lui ont ils tellement de fois raconté l’anecdote, peut être embellie avec le temps, qu’elle se l’est appropriée ?
Nous savons tous que nos souvenirs passent par le prisme de nos sentiments et qu’ils ne reflètent que notre vérité à un moment donné, et pas une vérité historique. Je fais la fine bouche, me direz vous. Certes.
J’ai apprécié la lecture, j’ai compatis aux nombreux récits, j’ai pensé à mon arrière grand mère traversant la France pour aller au chevet de son mari malade, et arrivant trop tard, et à chaque page je me suis demandée comment je réagirais si j’étais confrontée à de tels drames, moi qui angoisse si je reste une semaine sans nouvelle de mon fils qui travaille dans un pays lointain.
Le livre est un ouvrage grand public, il en a toutes les qualités : facilité de lecture, abord facile, je ne doute pas qu’il sera un succès de librairie et c’est une bonne chose. Pour une majorité de la population française, le Centenaire de l’entrée en guerre n’a aucune résonnance, et si certains peuvent par le biais de cette lecture facile se souvenir et s’interroger sur les conséquences de cette guerre sur le monde dans lequel nous vivons, je m’en réjouis.
Pour ceux qui veulent aller plus loin, la Grande Guerre a été source d’inspiration dans la littérature française ou étrangère depuis la fin de la guerre, vous n’aurez que l’embarras du choix.
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