Ce 20 septembre, France 3 lançait une nouvelle série policière, tournée dans notre belle campagne française, à la mode des Barnaby et autres policiers anglais qui résolvent à longueur de semaine des crimes odieux dans de charmants petits villages anglais.
Evidemment, j’ai fait l’impasse sur les autres programmes qui me faisaient de l’oeil, et sacrifié à ma curiosité.
Le pitch est simple et sympathique : une généalogiste professionnelle aide la police à résoudre des enquêtes criminelles. Après Richard Castle l’écrivain, Patrick Jane le mentaliste et l’équipe de scientifiques un peu tordus de Bones, pourquoi pas un généalogiste, ce Sherlock Holmes en puissance qui collectionne les indices ténus, souvent ignorés par les profanes, pour finir par les faire parler et obtenir LA preuve des hypothèses qu’il avance. A la fois Temperance Brennan par sa quête absolue de la preuve scientifique, ultime et absolue, Richard Castle par ses capacités à réfléchir en dehors des sentiers habituels, et Patrick Jane par l’intuition qui souvent va l’aider à appréhender la vérité, oui le généalogiste est un superbe personnage pour une série télévisée.
France 3 diffusait les deux premiers épisodes d’une saison qui en compte 6.
Le premier épisode, comme toujours, posait les bases de la série : présentation des personnages, mise en contexte, cadre … et rythme.
L’épisode commence par un flashback, 50 ans plus tôt. Déjà, là le bât blesse un peu, parce qu’on est pour moi aux limites de la généalogie. Il y a 50 ans, c’est de l’histoire familiale, sur laquelle une certaine pudeur et une grande réserve doivent être absolument maintenues. Pas question de faire surgir des secrets enfouis qui pourraient briser un fragile équilibre … surtout qu’en France, contrairement à certains autres pays, la prescription en matière de crimes est de 10 ans. Si dans Cold Case, les enquêteurs peuvent réouvrir un crime datant des années 1940, en France c’est à peu près impossible. ….. sauf circonstances totalement exceptionnelles et largement médiatisées. Aussi les scénarios fonctionnent à partir soit de crimes récents, dont l’origine va être dans un secret de famille bien enfoui, soit juste complétement en dehors de toute réalité légale, jusqu’à ce que la généalogiste ait fichu un tel bazar en ouvrant la boite de Pandore, que hop, ni vu ni connu, on se retrouve avec un possible nouveau crime ….
Je reconnais qu’en dehors de ce cadre, difficile d’intégrer de la généalogie à une enquête policière, parce que parler d’un enfant abandonné ou d’un crime mystérieux en 1850 ne permettrait pas de jouer avec les gyrophares des voitures de police …
Passons à la généalogiste …. soyons clairs, je ne remets pas en cause le jeu des acteurs, plutôt convaincants. Ce sont les archétypes et les maladresses qui m’horripilent. La généalogiste qui connait le pedigree et les ratés militaires – sous Napoléon ? – de l’ancêtre du flic, qu’elle vient à peine de rencontrer ? Rions un peu … La généalogiste professionnelle, successorale ou pas, parce que ce n’est pas bien clair, qui ne se fait pas payer, ou à peine …. Bon, disons qu’elle a besoin de peu pour vivre, d’ailleurs elle se déplace en vélo … ah non, en vélo et en taxi, et là il va lui falloir des sous …. La généalogiste qui fait du vélo en talons hauts – oups – , qui n’a pas d’ordinateur avec logiciel dédié, qui travaille sur un arbre imprimé avec le logo de Genealogie.com bien visible, placement de produit oblige …. Bonjour l’image super moderne de la généalogie.
Ceci étant, je sais que toute série prend des raccourcis, que les enquêtes scientifiques dans la vraie vie criminelle n’ont rien à voir avec Les Experts, que les services de police n’ont pas de super geek qui positionne en 30 secondes chrono le smartphone du dernier serial killer et qu’une analyse d’ADN, ca ne prend pas 2h30 ….. je sais, je sais …. J’imagine que les techniciens de police criminelle sont morts de rire quand ils regardent Les Experts, donc je vais moi aussi être tolérante.
Là où je le suis moins, et même pas du tout, c’est sur certains aspects du personnage : la généalogiste qu’on nous présente est fouineuse, elle se promène et fouine seule dans une maison où elle n’a pas été invitée, elle entre dans une chambre, consulte des documents …. seule, toujours seule … Cette attitude me choque au plus haut point, et je suis vraiment attérée que les conseillers techniques professionnels de la généalogie aient laissé passer ça. Un généalogiste est curieux, mais toujours avec respect. Il ne s’approprie rien, obtient ses renseignements avec respect, le respect du document, le respect des personnes sur lesquelles il fait des recherches, le respect des personnes toujours vivantes qu’il va croiser lors de sa quête. Ce respect est primordial pour moi, et voir la miss Génélogie.com entrer et fouiner sans retenue m’a horripilé.
Et quand dans le second épisode – au scénario mieux contruit et beaucoup plus intéressant, à l’intrigue moins évidente, notre – enfin leur – généalogiste remet ça dans l’absence d’éthique, en balançant à une pauvre dame qui n’avait rien demandé des renseignements tragiques sur ses origines – que ladite dame ignorait totalement – , et en se fichant totalement des répercussions possibles, alors là j’ai cru que j’allais exploser. Un comportement pareil est indigne, pas seulement pour un généalogiste professionnel, mais déjà simplement pour un être humain ….. La vérité n’est pas une excuse à tout, et surtout pas quand elle détruit la sérénité durement acquise d’un individu. Et que ce comportement soit celui d’un professionnel de la généalogie, qui se targue de psychologie, ca me laisse sans voix …
Passons sur certains poncifs, du genre le coup de l’enfant trouvée ou de l’adoption cachée – une fois ca va, deux fois ca commence à faire beaucoup là non ? Passons sur la généalogiste qui a commencé à s’interroger sur ses origines au décès de ses parents …. petit regard en coin vers mes amis jeunes généalogistes qui ne sont pas tous orphelins, Dieu merci ….
Abordons maintenant le problème du lieu de tournage de cette série : la Charente ……
Oui, la Charente, ce très joli département, bien pourvu en très jolies vieilles maisons, avec un relief plutôt plat, propice aux cyclotouristes en talons hauts … , et qui est un des seuls départements français à faire payer l’accès aux archives en ligne de l’état civil qu’il détient. Quel beau bras d’honneur aux généalogistes que le choix de ce département …. Si on voulait tourner en Poitou Charentes, trois autres départements, dont les archives départementales sont gratuites et plutôt bien fournies, étaient disponibles. C’est avec cet a priori que j’ai regardé la série, et mon agacement a encore monté d’un cran quand j’ai réalisé pendant tout le second épisode qu’on faisait comme si on était ailleurs en France, dans le nord du département de la Vienne, en fait, du genre le proviseur du lycée de Poitiers – dans la Vienne, département 86 – qui conduit une voiture avec une plaque d’immatriculation 16, département de la Charente – toutes mes félicitations à l’accessoiriste, moi qui en plus ne regardais que d’un oeil, parce que je m’epanchais sur Twitter – la mention des souterrains du Poitou, de la route de Chatellerault … bref, d’une intrigue plutôt située dans la Vienne, dans le Nord de la Vienne, puisque d’un coup de voiture, on se retrouve à Amboise, en Indre et Loire. J’image que pour les producteurs, c’est une façon de ne pas trop ancrer leur série dans un terroir particulier … peut être, mais alors pourquoi choisir de tourner juste dans LE département qui pourrit la vie aux généalogistes ? si au moins la production ne s’était pas adjoint les services – payants, je suppose – d’un ponte français de la généalogie, je mettrais ce détail sur le compte de l’ignorance. Mais vu les circonstances, je prends ça comme un camouflet personnel, puisque oui, j’ai des ancêtres en Charente, et ca me complique bien la vie pour mes recherches, les archives payantes et parcimonieuses, merci …. D’autant que ces dites archives ne sont même pas sur le partenaire de la série …. Un peu raté le placement de produit, sur ce coup là …
Si on regarde cette série sans les lunettes grossisantes du généalogiste amateur, elle se laisse voir. Le rythme est calme, peu violent, sans image agressive, gage d’une soirée tranquille et conviviale en famille, avec grands parents et petits enfants, l’image de France 3 en fait. L’absence de prise de tête, les quelques mentions historiques rares, mais bienvenues, les jolies images dans un joli paysage, oui ca se laisse regarder. Ce n’est pas de la grande télévision, mais pourquoi pas, à l’occasion, ou en fonds sonore. Je ne pense pas que des vocations vont éclore, ou alors des vocations pour les bonnes soeurs qui avec leur super matériel de geek gèrent des archives du fond de leur couvent ? Ah, être dégagée des soucis de la vie quotidienne et pouvoir vivre dans le monde virtuel des archives toute la journée, quel rêve …
Une série télévisée a ses poncifs, ses codes. Si Origines s’installe dans la durée, peut être les défauts de jeunesse, ceux que le généalogiste ne voit pas, vont ils s’estomper. Pour la partie généalogie, une petite remise à niveau me semble indispensable pour accrocher le public des généalogistes.
Quant à la généalogie à la télévision, la vraie, je vais continuer à regarder sur Youtube les diffusions de Who do You Think You are, version anglaise de préférence, qui sont souvent de passionnantes et instructives enquêtes de généalogie. A quand l’arrivée de cette franchise en France ?
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