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Pour cette nouvelle participation du blog au Challenge AZ initié par Sophie Boudarel, de la Gazette des ancêtres, je vous emmène sur les terres ancestrales de ma mère, dans le village de Latillé en Poitou.
En juillet 1789, partout en France, l’heure est grave. L’année 1788 a été très médiocre au niveau agricole, les récoltes ont été un peu partout, à commencer par le Poitou, inférieures au seuil qui permet de nourrir à sa faim la population. L’hiver 1788-1789 a été très rigoureux, et la situation dans les campagnes est préoccupante pour les plus fragiles. Louis XVI s’est résigné à convoquer les Etats généraux, et dans toutes les paroisses de France, en mars ou en avril 1789, les habitants doivent s’exprimer sur leurs difficultés et leurs souhaits. En pratique, dans les paroisses du Poitou, seule une poignée de notables et laboureurs aisés aident effectivement à rédiger ces cahiers de doléance que des « députés » porteront à Paris.
A Latillé, tout cela ne semble pas perturber monsieur le curé, qui ne consigne pas un mot dans ses registres sur les problèmes météorologiques ou sur la réunion d’une assemblée spéciale des habitants. Il n’est pas non plus amené à célébrer plus de sépultures que les années précédentes, toutes proportions gardées. La lecture des registres de ces années 1788-1789 ne reflète rien d’autre que la vie habituelle d’une bourgade poitevine de cette époque.
Pourtant, la situation est plus tendue dans les grandes villes, et surtout à Paris. Le prix du pain augmente, les parisiens craignent la famine, ils craignent les troupes étrangères massées autour de la capitale. Quand ils apprennent le 12 juillet 1789 que Necker, ministre des finances de Louis XVI, apprécié des parisiens, a été renvoyé, les émeutiers se répandent dans les rues. Le 14 juillet au matin, ils s’emparent des fusils entreposés aux Invalides, puis se rendent à la Bastille pour y récupérer les stocks de poudre nécessaires qui dit on s’y trouvent. Mais le gouverneur de la Bastille ne leur ouvre pas les portes, et après une journée difficile, en fin de journée la Bastille, symbole de l’arbitraire royal, tombe aux mains des émeutiers parisiens. Cette journée, cet événement, sont considérés comme un tournant radical dans la tourmente que va traverser la France.
Par Photograph by Rama, Wikimedia Commons, Cc-by-sa-2.0-fr, CC BY-SA 2.0 fr, Lien
De nos jours, une telle suite d’événements occuperait les réseaux sociaux. Les comptes Instagram des émeutiers mettraient en avant leurs selfies devant le stock de poudre récupéré, et plus gore devant la tête décapitée du gouverneur de Launay ou du prevôt des marchands Jacques de Flesselles. Sur Twitter, le mot clef #Bastille serait probablement numéro 1 des tendances du jour …. et BFM TV expliquerait en boucle ce qui est en train de se passer, témoins « pertinents » à l’appui …. Epoque moderne d’une information immédiate et sans filtre, sans recul, dont on ne sait si elle est plus dommageable que l’ignorance des siècles précédents.
Ce 14 juillet 1789, en l’église de Latillé, monsieur le curé célèbre donc comme prévu le mariage de Jean Martineau et de Marie Marguerite Lussault, ses paroissiens.
trois differentes publications de bans faittes successivement aux prôsnes de notre
messe paroissiale tant par fete que dimanches consecutifs du futur mariage
de jean Martineau marchand et de radegonde clanchard lequel proparlé
demeure chez ses pere et mere au haut bourg de cette paroisse d’une part et
de Marie Margueritte lusseau fille mineure de Charles lusseau huissier de
la terre de Montreuil et de Marie Margueritte Laillaud ses pere et mere
aussy du haut bourg de cette paroisse de l autre part sans qu il se soit
trouvé aucun empechement tant canonique que civils ny opposition
fourni ou venus à notre connaissance apres avoir reçu le mutuel consentement
des susdittes parties respectivement nos paroissiens pour n’avoir de present nous prestre curé
soussigné leurs avons donné la benediction nuptiale en notre eglise les
ceremonies d icelle etant prealablement et duement observées en presence
et du consentement de jean martineau pere, et de radegonde, Marie
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anne Martineau pere et soeurs et de pierre Martineau oncle pater
nelle et de rose gautier epouse de pierre Martineau sa tante et
de Marie anne Lafond a cause de joseph Martineau tante aussy pater
nelle et de Charles lusseau pere huissier et de jean lusseau oncle
paternel et de jeanne Laillaud tante maternel et d’aimé? chandor
cousin germain maternel et de plusieurs autres presents et amis
communs tant du coté de l epoux que de l epouse qui ont declarés ne
scavoir signer excepté les soussignés
Avant de parler du futur jeune couple, notons que monsieur le curé omet un élément important dans la rédaction de l’acte : le nom du futur marié …… Seuls les parents sont indiqués. A sa décharge, le père et le fils portent exactement le même nom ….
Les jeunes mariés sont bien jeunes tous deux, elle a 21 ans, il en a 19. Ils sont tous deux nés à Latillé, mais la famille de l’épouse n’y vit que depuis peu. L’époux en revanche appartient à une longue lignée d’habitants du bourg de Latillé. Une lignée tellement ancienne qu’il descend, comme moi, du couple Anthoine Demon – Benoite Liege, dont je ne sais pas grand chose, hormis qu’ils ont vécu au tournant du 17è siècle, entre 1550-1650, dans le bourg qu’on appelait encore fréquemment La Tille, un couple à qui je connais 7 enfants, dont au moins 3 ont une descendance que j’essaie de reconstituer.
Pierre Jean Martineau vit à la même époque que mon ancêtre Louise Pouzet, et pourtant alors qu’Anthoine Demon est l’arrière grand père de Louise, il est l’aïeul à la 8ème génération de Pierre Jean. Jacques Demon est probablement l’ainé des enfants d’Anthoine, alors que mon ancêtre Thomas semble être plus éloigné dans la fratrie. Quant aux cousines germaines, Catherine Demond et Perrine Martin, elles ont 40 ans d’écart. Et pourtant les actes que j’ai retrouvés et transcrits ne permettent pas de douter de ce cousinage et de ces générations décalées.
Pierre Jean Martineau et Marie Marguerite Lussault vont passer leur vie à Latillé. Ils vont avoir au moins 6 enfants, parmi lesquelles seules deux filles vont avoir une descendance.
Pierre Jean Martineau décède à 63 ans, dans sa maison à la Croix Carrée, dans le haut bourg de Latillé, le 20 avril 1833, sous le règne de Louis-Philippe. Né à la fin du règne de Louis XV, il a grandi sous le règne de Louis XVI, a connu la Révolution française, l’épopée napoléonnienne, la Restauration et la monarchie de juillet. Qu’en a t’il su vraiment, ce journalier d’une petite bourgade poitevine ?
Son décès est déclaré à la mairie par Louis Péroche, son voisin, un autre de mes Sosas de Latillé, mon arriere arrière arrière grand père.
Quand je vous dis qu’à Latillé, presque tout le monde est de ma famille ….. presque …..
Sources et liens
- Histoire de la Révolution française en Poitou-Charentes – 1789-1799 – Jacques Peret – ISBN-13: 978-2905282286 – disponible en format Kindle
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