Difficile d’échapper aux guerres de Vendée quand vos ancêtres sont originaires de Cholet, Saint-Christophe-du-Bois, ou Parthenay.
Un peu de géographie historique
Précisons déjà ce qu’on entend par la Vendée militaire, celle qui s’est insurgée contre l’ordre républicain à partir de mars 1793. Il ne s’agit pas exactement du département actuel de Vendée, comme on le voit sur ces deux cartes.
Dans l’ouvrage « Les cinq Vendées : précis des opérations militaires sur l’échiquier vendéen de 1793 à 1832 » par Henri de Malleray, on peut lire quelques précisions géographiques.
Quadrilatère presque parfait, englobant le département de la Vendée tout entier, une partie du Maine-et-Loire, de la Loire-Inférieure et des Deux-Sèvres, la Vendée militaire s’inscrit dans un second polygone limitant le théâtre des opérations, et dont les quatre côtés vont de Nantes à Saumur – de Saumur à Saint-Maixent le long du Thouet – de Saint-Maixent à La Rochelle par la Sèvre Niortaire – de La Rochelle à Nantes en suivant le littoral. Elle se subdivise en deux régions naturelles, le Bocage et le Marais.
Parthenay n’est pas inclus dans la carte, Gourgé, situé presque sur le Thouet, ne l’est pas non plus. Pourtant, les troubles n’ont pas de frontière précise, et on s’est battu à Parthenay, et la guerre est arrivée à Gourgé, jusqu’à la Gandinière.
Parthenay, ville plutôt républicaine, tombe plusieurs fois aux mains des Vendéens à partir du 9 mai 1793. Selon Belisaire Ledain, la ville s’est vidée de ses dirigeants, et elle est prise tour à tour par Westerman, général républicain, puis par Lescure, général vendéen, jusqu’à l’automne 1793. Fin octobre, la situation devient plus calme et les autorités reprennent leurs fonctions.
Cependant, on se bat probablement dans les campagnes, aux portes de Parthenay, même épisodiquement
Belisaire Ledain mentionne un « engagement sans importance qui eut lieu,le 28 août 1793, presqu’aux portes de Parthenay, entre les paysans de M de Lescure et les forces des généraux Rey et Burat,… »
Felix Cossin, mort à 20 ans
Pourtant, les registres de Gourgé racontent une histoire un peu différente.
1 au nom du peuple français le vingt sept aoust mil sept
2 cent quatre vingt treize l’an deuxième de la Republique française
3 Pardevant nous officier public chargé de recevoir les déclarations
4 de décès en cette commune, sur la déclaration qui nous a été
5 faitte ce matin par pierre Rault cultivateur demeurant
6 en cette commune et pierre Lanoue jardinier demeurant
7 commune de Lhoumois, que le citoyen felix cossin leur voisin
8 né sur la commune de Chatillon sur saivre agé de vingt un an
9 étoit décédé hier a la gandeniere en cette commune de
10 Gourgé, lequel étoit fils legitime du feu citoyen Charles Lezin
11 Cossin et de la citoyenne Jeanne Angélique Roquet de la
12 commune de Maulévrier, nous nous sommes transportés audit
13 lieu de la gandeniere où nous nous sommes assuré
14 dudit decès dont nous donnons acte aux declarants ledit
15 lanoue s est soussigné et ledit Rault a déclaré ne le savoir
16 de ce enquis et interpellé
Mon ancêtre, Pierre Rault, qui est vraisemblablement le métayer de la Gandinière, où il habite depuis quinze à vingt ans, vient déclarer le 27 aout 1793 le décès d’un jeune homme de 21 ans, mort la veille, 26 août 1793, dans sa métairie.
Le jeune homme est le fils de Charles Lézin Cossin et de Jeanne Angélique Roquet. Cette Jeanne Roquet, veuve Cossin, qui était présente au mariage de Marie Rault, la fille de Pierre, sept ans plus tôt, le 3 octobre 1786.
Une recherche sur Gallica me permet d’en savoir plus sur l’histoire de cette famille Cossin, ou plus exactement Cossin de Belletouche, pour qui l’insurrection vendéenne a été tragique. Selon H. Beauchet-Filleau, « Felix-Adrien (qui), combattant dans les armées vendéennes, fut blessé mortellement et alla mourir aux Gaudinières, ferme commune de Gourgé (D.S); il avait 20 ans; »
Je reviendrai prochainement sur l’histoire de la famille Cossin de Belletouche, dont j’ai l’intuition qu’elle est liée à la ferme de la Gandinière.
On ne vient pas mourir par hasard à la Gandinière, quand on est blessé quelque part du côté de Parthenay, croyez moi. Pour trouver la Gandinière, il faut savoir où chercher … et savoir qu’il y aura là-bas des gens qui prendront soin de vous, et essaieront de vous soigner. Des gens loyaux, qui vous connaissent bien et vous sont redevables ou vous sont soumis …
Entre cette mort de jeune combattant vendéen en 1793 et la présence de sa mère au contrat de mariage d’une des filles en 1786, je pense que je tiens une piste sérieuse pour comprendre – enfin – pourquoi Pierre Rault, son épouse Louise Dixneuf, et leurs neuf enfants vivants et quasi adultes ont quitté Saint-Christophe-du-Bois pour Gourgé vers 1775-1780.
Qui habitait à la Gandinière le 27 août 1793 ?
La famille Rault est arrivée vers 1775-1780 à la Gandinière.
Je vous ai déjà raconté comment en 1784, puis en 1786, quatre des enfants du couple, deux garçons et deux filles, se sont mariés.
Louise Rault, l’ainée des enfants, est partie vivre avec son mari, Louis Blais, pendant que la soeur de Louis Blais, Marie Jeanne, qui avait épousé Pierre Rault, le troisième enfant et le fils ainé, est venue vivre à la Gandinière.
Jean Rault, le second fils, est parti vivre à Oroux, pour y cultiver les terres de son épouse.
Le 29 octobre 1785, une première naissance a eu lieu à la Gandinière, celle de Jeanne Perrine, la fille de Pierre et de Marie Jeanne Blais.
Un an plus tard, en 1786, Marie Rault, la seconde des enfants, quitte la ferme familiale pour aller vivre avec son nouveau mari, Antoine Beguin.
Le 12 octobre 1789, une seconde naissance a lieu, une seconde fille pour le couple de Pierre Rault et Marie Jeanne Blais, qu’on nomme Magdeleine. Mais l’enfant ne vit que neuf petits jours.
Deux mois plus tard, sa sœur ainée, Jeanne Perrine, une enfant d’un peu plus de quatre ans, meurt à son tour.
Il n’y a plus d’enfant pendant dix-huit mois à la Gandinière, jusqu’à la naissance de Baptiste Pierre Reau, le 13 juin 1791.
Si je résume, à fin août 1793, sont en théorie présents à la ferme
- Pierre Rault, le chef de famille, 62 ans
- Louise Dixneuf, son épouse, 62 ans
- Pierre Rault, le fils ainé, marié, 34 ans
- Marie Jeanne Blais, l’épouse de Pierre Rault, 30 ans environ
- Baptiste Pierre Rault, leur fils, 2 ans
- Louis Reault, troisième fils de Pierre et Louise, célibataire, 29 ans
- François Reau, quatrième fils de Pierre et Louise, célibataire, 27 ans
- Mathurin Reau, cinquième fils de Pierre et Louise, célibataire, 25 ans
- Jeanne Marie Rault, fille de Pierre et Louise, célibataire, 23 ans
- Magdeleine Rault, la dernière des enfants de Pierre et Louise, célibataire, 18 ans
Cette liste me laisse perplexe. Que de jeunes hommes célibataires, qui seraient restés dans leur ferme, tranquillement, alors qu’à quelques lieues, le pays est à feu et à sang.
Il y a quelque chose d’anormal dans cette situation.
Et s’il me manquait des éléments de la vie de mes ancêtres? Et si Louis, François et Mathurin, ou l’un ou l’autre d’entre eux, avaient été enrôlés lors de la levée des troupes de l’an II ? Pourraient ils avoir été volontaires en 1792? Si la famille est attachée à ses « maitres », et à son roi, je doute qu’ils y aient été volontaires. Ont il fait partie du contingent de la première levée de 1793, celle du 24 février 1793, qui concernait la tranche d’âge de 18 à 25 ans. Et si Jacques, le fils dont j’ai perdu la trace après sa naissance à Saint-Christophe-du-Bois en 1772, avait été enrôlé – et n’était jamais revenu ?
Et si les quatre hommes, pour éviter l’enrôlement, avaient rejoint les troupes insurgées, si c’étaient eux qui avaient ramené Félix à la ferme paternelle ?
Malheureusement, les tableaux généraux des conscrits des Deux-Sèvres ne sont disponibles – aux archives de Niort – qu’à partir de l’an XI. Et je n’ai pas encore trouvé le patronyme Reau/Rault/Reault dans les noms des soldats de Napoléon.
De toute façon, Louis, mon ancêtre, s’il est parti, n’est pas allé bien loin, puisque le 10 janvier 1797, il se marie avec Jeanne Ayrault, à Gourgé. François et Mathurin se marient le même jour, le 21 octobre 1798, à Gourgé. Clairement, aucun d’eux n’a participé aux campagnes napoléoniennes.
Et tout aussi clairement, aucun d’eux n’a compté parmi les victimes des guerres de Vendée.
Alors, sont ils restés tranquillement à conduire leurs bœufs pour labourer leurs champs, alors qu’ils étaient si près des combats? Et pourrai-je un jour trouver des éléments de réponse à cette nouvelle question ?
Sources et liens
- Vendée, Chouans et Vendées 1793 ? …
- Gallica – Titre : Les cinq Vendées : précis des opérations militaires sur l’échiquier vendéen de 1793 à 1832, d’après des documents inédits extraits des archives de la guerre avec 1° un tableau chronologique et cartographique, 2° deux cartes / lieutenant-colonel Henri de Malleray,… Auteur : Malleray, Henri de (1859-1916). Auteur du texte Éditeur : J. Siraudeau (Angers) Éditeur : Plon-Nourrit (Paris) Date d’édition : 1924
- Gallica – Titre : Histoire de la ville de Parthenay, de ses anciens seigneurs et de la Gâtine du Poitou : depuis les temps les plus reculés jusqu’à la révolution / par Bélisaire Ledain,… Auteur : Ledain, Bélisaire (1832-1897). Auteur du texte Éditeur : A. Durand (Paris) Éditeur : tous les libraires (Poitiers) Date d’édition : 1858
- Gallica – Titre : Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou. Tome deuxième, Brisson-Cyr (Seconde éd. entièrement refondue, considérablement augmentée et publiée par H. Beauchet-Filleau et Paul Beauchet-Filleau avec le concours des RR. PP. H. et G. Beauchet-Filleau,… et la collaboration pour la partie héraldique de M. Maurice de Gouttepagnon) / par M. H. Beauchet-Filleau… Auteur : Beauchet-Filleau, Henri (1818-1895). Auteur du texte Éditeur : Imprimerie Oudin et Cie (Poitiers) Date d’édition : 1895
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