Reconstituer le parcours de certains ancêtres peut être plus douloureux qu’on l’envisageait.
Je vous ai parlé dans les premières semaines de mise en ligne de ce blog de mon aieule Rose Marie Elisabeth Pons.
Rose Marie Elisabeth Pons nait le 28 septembre 1837 à Bône, en Algérie, de parents venus semble t’il d’Espagne, mais dont je ne retrouve aucune trace ensuite en Algérie. Malheureusement les registres dont nous disposons sont très parcellaires …..
A 18 ans, elle épouse Séverin Vialar, sous officier dans l’armée française, dans la colonie militaire d’El Arrouch.
Ensemble, ils ont quatre enfants, dont Marie Philippine Antoinette Vialar, mon arrière grand mère.
Quand Marie Philippine se marie, le 10 novembre 1888, à Mustapha, maintenant un des quartiers d’Alger, avec François Risse, Rose est absente, et ne peut pas donner par écrit son consentement au mariage de sa fille.
Après un certain nombre de recherches, j’ai découvert que Rose avait été hospitalisée à l’hopital psychiatrique Montperrin à Aix en Provence, dans le service du docteur Meilhon.
Le service des archives de l’hopital, interrogé par mail, m’a communiqué les dates de l’internement de Rose, du 5 juin 1871 au 31 octobre 1894, date de son décès. Il m’a aussi fourni la cote à demander aux archives départementales des Bouches du Rhone pour consulter le registre des placements d’office.
J’ai reçu à la fin de l’été 2013 une copie numérique de ce registre.
Voici la page concernant l’état civil de la patiente.
On y apprend que Rose a été placée le 5 juin 1874 à la demande du préfet de Constantine. Deux feuilles de « suivi médical » sont jointes à cette fiche, qui ne reprennent comme une litanie tous les mois depuis 1880 que les mots suivants : » manie chronique, incohérence, hallucinations, parle beaucoup ». Certains mois, on note qu’elle travaille, d’autres mois elle est agitée, ou prostrée, mais pendant les 14 ans où j’ai une ligne par trimestre sur son état, je ne vois aucun traitement, aucun suivi, mais aussi aucune évocation d’une mise en danger d’elle même ou d’autrui.
Rose est internée à Montperrin, qui jouit depuis 1868-1870 de batiments neufs pour les internés et les médecins et soignants qui les surveillent. Elle est suivie dans le service du docteur Meilhon, médecin adjoint de l’asile. De trimestre en trimestre, son placement d’office, demandé par le préfet de Constantine, est renouvelé, jusqu’à sa mort en 1894.
Les « aliénés » du département de Constantine étaient internés principalement à l’hopital d’Aix. Le transport et la pension du malade étaient à la charge du département, qui était en l’occurence considéré comme le demandeur de l’internement. C’est la raison pour laquelle on peut trouver des renseignements chiffrés et budgétaires sur ces aliénés originaires du département de Constantine, internés à Aix en Provence ou ailleurs, sur Gallica dans les comptes rendus des Conseils Généraux.
En 1866 par exemple, ils sont 26 à être internés à Aix, 10 hommes et 16 femmes, avec une majorité d’Européens.
La question de l’hébergement est importante, on le voit à travers la lecture des comptes rendus du Conseil Général. Chaque interné est conduit individuellement en métropole par un accompagnateur qui a un budget de nourriture de 5 francs par jour. En 1871, le coût de la pension facturée par Aix en Provence est de 460 francs par an par aliéné. En 1879, l’hôpital d’Aix est plein et ne peut plus recevoir les malades originaires de Constantine. Le Conseil Général cherche alors un hôpital pas trop éloigné des ports de débarquement pour accueillir ses nouveaux malades éventuels. On hésite entre St Alban en Lozère et St Pons à Nice .
Une fois encore je suis surprise par le niveau de l’administration française à toutes les époques. Clairement, au moins au niveau comptable et administratif, la question de l’internement en hôpital psychiatrique n’est pas mise de côté en cette fin du 19ème siècle. Les traitements sont quasi inexistants, mais le suivi administratif existe. Je croyais qu’on avait « oublié » Rose dans son asile, loin de sa famille. A la lecture des documents que j’ai retrouvés, on ne l’a pas oublié, on a prévenu l’hopital du décès de son mari en 1889, puisque son acte de décès précise qu’elle est veuve. Non, on ne la juge pas guérie …. et donc on ne la laisse pas rentrer chez elle.
Je continue à ne pas savoir pourquoi Rose a été internée. Dans un département de France métropolitaine, j’irais fouiller dans les archives judiciaires. Pour Constantine, malheureusement, je n’y ai pas accès. L’histoire s’arrête là …. peut être ….
[Rose Marie Elisabeth Pons – Sosa 55]
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