Durant tout le mois de juin 2017, dans le cadre du Challenge AZ, je vous raconte la vie des ancêtres de mon arrière-grand-père Jean Joseph Billard.
Le mardi 20 décembre 1859 est un jour important pour Michel Firmin Billard, l’aboutissement de nombreuses années d’études. Il soutient ce jour là sa thèse de licence de droit, dans une des salles de la faculté de droit de Toulouse, devant le professeur Adolphe Chauveau.
Par un hasard extraordinaire, cette thèse a été numérisée et publiée dans Gallica. Imaginez ma surprise quand j’ai découvert en ligne ce document il y a quelques années.
Retour sur les études et les professeurs
Les études de droit, telles qu’elles sont organisées en 1859, ont été mises en place par la loi du 22 ventôse an XII de la République – par Napoleon Bonaparte, Premier Consul. Il y est stipulé que les étudiants doivent être âgés d’au moins 16 ans, qu’on enseigne le droit civil français, les éléments du droit naturel et du droit des gens, le droit romain dans ses rapports avec le droit français, le droit public français, la législation criminelle et la procédure civile et criminelle. Bref, un programme qu’une faculté de droit actuelle ne renierait pas. La durée ordinaire des études pour la licence est de trois ans, pour le grade de docteur, elle est de quatre ans. Les examens sont faits par les professeurs de l’école. Des examens sanctionnent chaque année d’étude. En troisième année, il est prévu deux examens et la soutenance d’un acte public sur tous les objets des trois ans d’étude. La licence de droit devient obligatoire pour exercer tous les métiers du droit : avocat, juge, commissaire.
Michel Firmin a pour président de thèse Adolphe Chauveau, titulaire de la chaire de droit administratif à Toulouse de 1838 à 1868, et créateur du Journal du droit administatif. Un article qui lui est consacré relate qu’Adolphe Chauveau aurait souhaité enseigner une autre branche du droit, mais qu’on l’a maintenu pendant toute sa carrière à ce poste qu’il remplissait parfaitement. Bref, un spécialiste du droit administratif à son corps défendant.
Le droit dans la vie de Michel Firmin Billard
Michel Firmin est né à Lauraguel, dans l’Aude, le 9 mai 1837. Il est donc dans sa 23e année quand il obtient sa licence de droit. Il a donc dû commencer ses études de droit en janvier 1856, quelques mois avant ses 19 ans. J’ignore quel est son cursus scolaire avant d’entrer à l’université. Il est probable qu’il a été pensionnaire dans des écoles et lycées de villes importantes, car sa famille habitait de petits villages : Lauraguel et Routier, dans lesquels les écoles ne devaient pas remplir les critères que les notables recherchaient pour l’éducation de leur progéniture.
Je ne trouve la présence déclarée de Michel dans le même domicile que ses parents que deux fois.
En 1846, il est mentionné avec ses parents Jean Pierre Billard et Marie Raymonde Bayle, à Routier, il a alors presque 9 ans. On notera que son frère ainé Jean François Billard est absent.
En 1856, il est à nouveau mentionné, avec ses parents et son frère ainé, toujours à Routier. A cette période, il est pourtant probablement étudiant à Toulouse.
En 1851, alors qu’il doit être dans sa 15è année, il n’est pas mentionné dans le recensement de Routier. La lecture attentive des consignes pour le recensement donne une explication à cette abence.
Les élèves en pension dans une autre commune ne doivent pas être inscrits dans le recensement de la commune de résidence de leur famille. La consigne est claire et indique que Michel Firmin est en pension quelque part. Oui, mais où ? Limoux ? Carcassonne ? Toulouse ? Dans quel collège, quel lycée ?
J’ai contacté les archives de l’université de Toulouse, pour savoir si elles détenaient le dossier universitaire de Michel Firmin, en espérant qu’il contiendrait des éléments sur sa scolarité avant la faculté de droit, et peut être sur ses notes aux examens intermédiaires. Malheureusement, le dossier n’est pas chez eux. Les archives ne conservent que les dossiers qui n’ont pas été récupérés par les étudiants. Michel Firmin a donc récupéré son dossier universitaire, dont certains éléments sont peut être dans une autre branche de la famille. Un cousin, descendant d’une des filles de Michel Firmin, malheureusement décédé prématurément en 2016, que j’avais eu le bonheur de retrouver grâce à Geneanet, m’avait dit qu’il y avait dans les archives familiales que sa maman conservait le diplôme de droit de notre arrière-arrière-grand-père commun. J’espère toujours, malgré sa disparition, obtenir une copie numérique du document, et des photos de famille probablement stockées avec. Savoir à quoi ressemblait le premier diplômé universitaire de ma famille me ravirait.
Quelques éclairages familiaux
Michel Firmin dédie sa thèse à sa famille, mais pas à toute sa famille. Qui se cache donc derrière cette dédicace ?
Pour ses soeurs, il éprouve des regrets, pour son père et sa mère de l’amour, pour son oncle et sa tante de l’affection. Soit.
Qu’en est il donc de son frère, et de ses tantes et de son autre oncle ? Disons que je suis surprise que son frère, toujours vivant au contraire de ses soeurs décédées depuis leur plus tendre enfance, ne soit pas mentionné, de même que la mention d’un oncle et d’un seul m’a longtemps intrigué.
Voici à quoi ressemble l’arbre généalogique de Michel Firmin.
Michel Firmin est le dernier des enfants de Jean Pierre Billard et Marie Bayle, qui sont également tous les deux les derniers enfants de leur fratrie. Michel a eu deux soeurs – du moins dans l’état de mes connaissances. Jeanne est née et morte bien avant sa naissance, mais peut être lui en a-t’on beaucoup parlé. Catherine, la seconde soeur, avait 3 ans quand son petit frère est né, et il avait 10 ans quand elle est morte. Cette grande soeur, il l’a connue, et les regrets qu’il exprime se conçoivent. Mais je suis plus perplexe concernant Jeanne. Une lointaine cousine a évoqué le fait que Michel avait une soeur religieuse. Je n’ai à ce jour rien trouvé qui vienne confirmer cette théorie, ni acte de naissance, ni présence à un recensement, ni acte de décès, rien … sauf ce « A la mémoire de MES soeurs » qui m’interpelle ….
Passons à l’oncle et à la tante, à qui il réserve son affection. L’arbre ci dessus montre qu’il a plusieurs oncles et tantes, dont un couple qui est à la fois oncle-tante en ligne directe et par alliance, puisque Michel Bayle, frère ainé de Marie Raymonde, a épousé Germaine Billard, soeur de Michel Firmin. Comment savoir à qui notre étudiant en droit fait allusion dans sa dédicace ?
Ma théorie est qu’il s’agit de Jean Billard, frère ainé de Jean Pierre, et de son épouse Catherine Mouline. Tout d’abord, Jean est le fils ainé dans la famille Billard, c’est donc à lui qu’est revenue la plus grande partie du patrimoine de leur père, François Billard. Jean et Catherine n’ont pas eu d’enfant. Ils sont tous les deux présents lors de la signature des contrats de mariage des frères Jean François et Michel Firmin.
Jean François s’est marié le 18 janvier 1859, donc au tout début de l’année qui s’achève avec la soutenance de diplôme de Michel. Lors de son contrat de mariage avec sa future épouse Julie Guilhem, son oncle Jean Billard lui fait une donation de 20 000 francs en espèces – et la donation future, lors de son décès ou de celui de son épouse, de leur belle maison à Cournanel, et de tous ses meubles. A titre de comparaison, selon les données des tables des acquéreurs du bureau d’enregistrement de Béziers, une maison à Béziers se négocie entre 4 000 francs et 10 000 francs, 4 vignes à Cazouls valent 18 000 francs – et un petit domaine aux alentours de 50 000 francs. Bref, 20 000 francs, c’est une très belle somme. Quand Michel Firmin épouse Marie Thérézine Moustelon, en octobre 1865, l’oncle Jean va également faire une donation à nouveau de 20 000 francs au futur marié.
Ces donations sont à mon sens le signe d’une grande proximité familiale entre Jean Billard et les fils de son frère Jean Pierre, et c’est pourquoi je pense que c’est à eux, l’oncle Jean et son épouse Catherine, qu’est dédiée la soutenance de licence.
Une licence pour quoi faire ?
Dans un premier temps, le diplôme de droit est utile à Michel Firmin, qui est notaire à Routier de 1862 à 1865. En 1865, il se marie, et la profession qu’il indique est « avocat-notaire ». Après son mariage, il vit à Tourouzelle, dans le moulin qu’exploite son beau-père Paul Moustelon. A partir de 1896, Michel et sa famille sont recensés à Béziers, où Michel exerce la profession de comptable, ou d’employé selon les années. De quelques articles de journaux que j’ai trouvés, j’ai cru comprendre qu’après la mort de son beau-père en 1894, Michel a fait de mauvais investissements et a dû reprendre une activité. Mais il semble que cette belle licence, dont sa famille et lui devaient être si fiers, ne lui a pas vraiment servi à grand chose.
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Sources, liens et remerciements
- Gallica – Titre : De novationibus et de legationibus. – Des servitudes ou services fonciers. – De l’interrogatoire sur faits et articles. -Caractères distinctifs du vol, de l’escroquerie et de l’abus de confiance
Auteur : Billard, Firmin. Auteur du texte
Éditeur : Tip. Troyes ouvriers réunis (toulouse)
Date d’édition : 1859 - Orion en aéroplane – Voir Toulouse à travers les yeux des hommes du XIXè siècle
- Toulouse et la brique – Université et collèges
- Loi du 22 ventôse an XII de la République relative aux Ecoles de Droit
- Journal du droit administratif – Adolphe Chauveau
- AD34 – Table des acquéreurs Béziers 1859-1860
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