Durant tout le mois de juin 2017, dans le cadre du Challenge AZ, je vous raconte la vie des ancêtres de mon arrière-grand-père Jean Joseph Billard.
Les quelques fois où papa évoquait sa famille paternelle, il disait qu’avant Béziers, il y avait eu Tourouzelle. Pour moi tout cela était très vague, je n’y avais pas vraiment prêté attention, je ne savais d’ailleurs pas où était Tourouzelle. Quelque part dans le Languedoc, du côté de Béziers ….
Quand j’ai commencé à travailler vraiment sur ma généalogie, papa n’était plus là pour que je lui pose des questions. Les archives de l’Aude n’avaient encore rien mis en ligne, et ce n’est que petit à petit que j’ai retrouvé quelques informations. Un jour sur Geneanet, j’ai découvert dans l’arbre d’un allié une carte postale du moulin de Tourouzelle. Le moulin de Tourouzelle, celui que papa avait parfois évoqué.
Quand les archives de l’Aude ont enfin mis en ligne quelques registres, j’ai découvert que Marie Thérézine Moustelon, la mère de Jean Joseph Billard, mon arrière-arrière-grand-mère, était née dans cette maison et qu’elle y avait mis tous ses enfants au monde.
Mais tant de questions restaient sans réponse, auxquelles la pauvreté des archives en ligne de l’Aude ne me permettaient pas de trouver de réponse. Qui avait acheté le moulin ? Quand était il entré dans la famille ? Quand en était il sorti ? Pourquoi en était il sorti ?
A l’occasion de ce challenge 2017, j’ai décidé de passer par un généalogiste professionnel, Stéphane Cosson, pour trouver quelques réponses à toutes ces questions. Voici donc les débuts de l’histoire du moulin de Tourouzelle.
Le 30 septembre 1825, Pierre André Moustelon, meunier propriétaire du moulin de Grais à Vieussan, achète devant maitre Rozier, notaire à Bize-Minervois, le moulin de Tourouzelle pour la somme de 35 000 francs.
1° d’un moulin à blé à deux meules situé sur la rivière d’Aude avec un palfeu douze pier, un ciseau un tour et un charriot
2° un bâtiment dit la Métairie du Moulin avec écuries, remise, cave, bûcher, patis
3° un fol et un ferrajal
4° un bâteau; ensemble la Maison pour le bâtelier
5° un petit jardin contigu à cette dernière maison et
6° une pièce, champ, vigne et rivage le tout situé dans la commune de Tourouzelle canton de Lezignan, moyennant la somme de Trente cinq mille francs dont 6000 de payés et le reste à terme
En septembre 1825, Pierre André Moustelon est déjà père de deux fils. Il ne sait pas encore que prochainement sa femme va être enceinte d’un troisième enfant, une petite fille. Achète t’il ce moulin supplémentaire pour avoir de quoi « doter » son fils cadet, ou simplement parce qu’il veut continuer à investir ?
Le 7 février 1842, Paul Moustelon, le fils cadet de Pierre André et de Claire Boissezon, passe un contrat de mariage avec Marie Elisa Frances. A cette occasion, Pierre André Moustelon fait donation pure et simple, en avancement d’hoirie, de tous les biens qu’il possède à Tourouzelle, c’est à dire le moulin et les dépendances acquises en 1825.
de Lésignan, consistant en un moulin à moudre le grain, à deux meules établi sur la rivière d’aude, avec ses appartenances, en champs, vignes, bois, terrains incultes, sans en rien excepter ni retenir; desquels biens, déclarés d’un revenu de neuf cents francs, le donataire pourra de suite jouir et disposer, à la charge par lui d’en payer l’impôt futur. Cette donation est consentie par monsieur Moustelon père : 1° sous la réserve à son profit du droit de retour des biens qu’il aliène, pour l’exercer dès que son fils et sa postérité viendraient à le prédéceder 2° à la charge par le donataire de servir à son père la rente annuelle et viagère de deux cents francs, terme échu à compter de ce jour, réversible sans diminution sur la tête de la dame claire Boisseson sa mère, pendant la vie de celle-ci à partir de son veuvage; cette dernière déclarant au besoin accepter par exprès cette libéralité.
Le mariage est célébré le même jour, et à compter de ce jour, jusqu’au milieu des années 1890, c’est là que vont vivre Paul Moustelon, son épouse, ses filles puis ses petits enfants.
Le 24 octobre 1865, Marie Thérézine Harline Moustelon, la seule fille survivante de Paul Moustelon, épouse à Tourouzelle Firmin Michel Billard. Les époux se marient sous le régime de la communauté légale de biens.
Le 20 avril 1879, Paul Moustelon a 62 ans quand il fait une donation entre vifs à sa fille Marie Thérézine de la totalité de ses biens, contre une rente annuelle de deux mille cinq cent francs et la jouissance jusqu’à sa mort d’une partie de la maison.
Le moulin appartient désormais à Michel Firmin Billard et Marie Thérézine Moustelon, ce qui équivaut à dire à l’époque qu’il appartient à Michel Firmin en plein propriété.
Ma connaissance de la période qui suit reste encore trouble.
Que se passe t’il dans les affaires de Michel Firmin ? Fait il des investissements risqués ? Est il plus juriste que minotier ? Ne sait il pas anticiper les changements qui arrivent ? A t’il vu trop grand, et acheté des terres qu’il n’arrive plus à financer ? J’ai par exemple trouvé une coupure de presse concernant une vente sur saisie à l’encontre du couple Billard-Moustelon d’un domaine dit de la Valsèque, affermé pour 6500 francs annuel, saisi sur demande d’un créancier en octobre 1894.
Est ce à cause des mauvaises affaires qui s’accumulent que les deux fils du couple, Paul et Jean Joseph, quittent le domicile familial dès leur 18e anniversaire pour s’engager dans l’armée ?
Le 21 août 1893, les époux Billard vendent à Pierre Seguin la totalité de leurs biens à Tourouzelle, y compris les meubles de la maison, inventoriés et évalués à 1000 francs. Le contrat de vente prévoit que la rente de Paul Moustelon sera désormais versée par Pierre Seguin, et que Paul Moustelon restera dans la partie de la maison qu’il s’était réservée jusqu’à son décès, comme l’acte de donation qu’il avait fait à sa fille le prévoyait. Dans la description des bâtiments du moulin, il est indiqué que la minoterie et l’usine de trituration du soufre sont actuellement en chômage.
Firmin Michel Billard, sa femme et ses filles vont vivre à Béziers, où je les retrouve dans le recensement de 1896 au 18 rue Michelet.
Quant à Paul Moustelon, il meurt le 1er juillet 1894 au moulin de Tourouzelle, à l’âge de 75 ans.
Les seuls biens que la famille Billard possède désormais à Tourouzelle, c’est un caveau de famille où les corps de Michel Firmin Billard et Marie Thérézine Moustelon ont été transférés depuis Lyon.
[Paul_Moustelon_Sosa_98][Michel_Firmin_Billard_Sosa_48]
Sources et liens
- Archives de l’Aude – Table de l’enregistrement – Tables des acheteurs Cote 3 Q 13/8
- Archives de l’Hérault – Actes notariés – Etude de Jean-Pierre Bonnes – Olonzac – Contrat de mariage du 7 février 1842 entre Paul Moustelon et Marie Eliza Frances – Cote 2 E 67/54
- Archives de l’Aude – Actes notariés – Etude de Léon Casal – Narbonne – Contrat de mariage du 2 octobre 1865 entre Michel Firmin Billard et Marie Thérézine Moustelon – Cote 3 E 11858
- Archives de l’Aude – Hypothèques – Enregistrement de la vente des époux Billard-Moustelon à Pierre Seguin – Cote 4 Q 4
- Archives de l’Hérault – Recensement de Béziers 1896 – vue 1132/1518
- Archives municipales de Tourouzelle – Acte de décès de Paul Moustelon
- Archives municipales de Lyon – Convois funéraires
- Le courrier de l’Aude du 20 octobre 1894
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