Lycéenne, j’étais pensionnaire au lycée François Couperin, à Fontainebleau.
Je ne suis pas musicienne, mais le nom a forcément pour moi une résonnance. Alors quand j’ai trouvé dans la liste des témoins d’une tutelle le nom de François Gervais Couperin, ma curiosité a été éveillée.
Vers la fin de l’année 1786, Jacques Bérard (1), époux de Marie Thérèse Devienne (2), et père d’au moins deux enfants, Charles et Alexandrine Marie, décède. Sa fille est encore mineure, et les proches se réunissent devant notaire pour décider d’attribuer la tutelle de la mineure à son frère ainé. L’acte est ensuite inscrit au Chatelet . (3)
notaires au chatelet de Paris soussignés
furent présents les parens et amis de demoiselle alexandrine
marie francoise berard, agée de vingt ans environ
fille mineure de feu messire jacques berard maitre es arts
1° et en chirurgie, et demoiselle marie therese devienne actuellement
sa veuve tous comparans par ladite demoiselle veuve berard
demeurant a paris rue du puit au marais paroisse st paul
2° maitre charles jacques berard son frere
avocat en parlement, demeurant a paris rue des vieux
augustins paroisse st eustache
3° sieur jean baptiste léon de chateauneuf chirurgien
a paris y demeurant rue ste croix de la bretonnerie paroisse
st paul; cousin de la mineure du côté paternel
4° maitre gabriel louis clos greffier au chatelet de
paris y demeurant vieille rue du temple meme paroisse,
allié a cause de demoiselle mothereau son epouse cousine
issue de germain du côté paternel
5° messire pierre nicolas mahieu chanoine de le eglise collegiale
de crepy en valois demeurant a paris rue du puit au marais
paroisse st paul ami
6° maitre jean baptiste lemercier de ? ?
général de la marée demeurant a paris rue ?
st sauveur cour des miracles, allié
7° et messire françois gervais couperin organiste en survivance
de la ste chapelle du palais a paris y demeurant rue
de monceau et paroisse st gervais, ami de la ditte
mineure
lesquels ont fait et constitué pour leur procureur
===
général et spécial Maitre etienne joseph guerin
procureur audit chatelet
auquel ils donnent pouvoir de pour eux et en leurs
noms comparoitre en l’hotel et pardevant monsieur
le lieutenant civil au chatelet de paris, y réitérer
le serment fait a l instant par les comparans en présence
des notaires soussignés, es mains de maitre grubert l’un d’eux
et dire et declarer qu ils sont unanimement d avis que
ledit maitre Berard qui a son egard ??
? justice que la nomination cy apres soit nommé et
elu tuteur de ladite demoiselle berard mineure
a l effet de regir et gouverner ses personne et biens,
et qu’en cette qualité il soit autorisé a proceder a l inventaire
des meubles et effets mobiliers, titres papiers et
renseignemens dependant de la succession dudit feu
sieur Berard leur Pere, ensemble a la vente dedits
meubles et effets mobiliers et a accepter pour ladite
mineure ladite succession ou y renoner pour elle si elle
lui est plus onéreuse que profitable le tout après avoir
pris une parfaitte connoissance des ? et charges
de ladite succession. ? aussy les comparans donnent
pouvoir audit maitre guerin procureur constitué de
requerir l homologation du présent avis, et generallement
promettant obligeant
fait et passé a paris en l etude de maitre crubert
notaire, l’an mil sept cent quatre vingt
six, le dix neuf decembre, et ont signé
ces présentes ou sept mots sont rayés ou nuls
Que vient donc faire cet organiste, petit fils ou petit neveu du grand François Couperin, celui qui a donné son nom à mon ancien lycée, dans cet acte ? L’acte n’indique aucune parenté proche … Qui est donc ce François Gervais Couperin qui s’immisce dans l’histoire familiale des ancêtres de mon mari ?
Grâce à Geneanet, j’ai retrouvé la trace de la famille Couperin dans un dictionnaire biographique édité en 1867 (5) (6). La famille Couperin a donné de nombreux organistes à la musique, qui souvent se prénomment François … « Ces Couperin furent, de père en fils, d’oncle en neveu, de très habiles joueurs de clavecin et d’orgue. Ils seraient originaires, dit on, de Chaumes, en Brie » . Le grand François couperin, celui qui a donné son nom à mon ancien lycée, est – selon l’ouvrage cité – né le 10 novembre 1668 à Paris, rue Monceau Saint Gervais. Il serait le fils de Charles Couperin et Marie Guérin. Il épouse une Marie Anne Ansault. En 1693, il participe à un concours pour recruter le nouvel organiste royal et il est choisi pour remplacer Jacques Thomelin, précédemment décédé. Il se retire en 1730 et sa fille reprend a priori le flambeau. Ce sont ensuite ses neveux qui auraient perpétué le nom.
Sur Geneanet, j’ai trouvé une généalogie des Couperin (5), que je n’ai pas pu vérifier totalement, mais dont certaines dates correspondent à ce que j’ai trouvé dans le dictionnaire biographique précédemment cité.
Gervais François, ou François Gervais, a priori la même personne – serait donc le petit neveu de François Couperin le Grand.
Son père, Armand Louis, né en 1725, était organiste du roi, de St Gervais, de la Ste Chapelle et de Notre Dame …. excusez du peu … Il fut inhumé le 4 février 1789 dans l’église de St Gervais. Rappelez vous que je tire ces renseignements d’un dictionnaire paru en 1867, avant que les archives de Paris disparaissent dans les flammes de la Commune, ce qui explique que je leur accorde une confiance assez forte. Lors de l’inhumation étaient présents ses deux fils, Pierre Louis Couperin, dit Couperin l’ainé, organiste du Roi, et François Gervais Couperin, dit Couperin le jeune, organiste de la Sainte Chapelle.
Les charges d’organiste se transmettaient par « héritage », – par survivance, comme nous dit l’acte que je vous ai transcrit ci dessus – , et François Gervais serait donc organiste de la Sainte Chapelle parce que successeur de son père.
En 1786, François Gervais a environ 27 ans, il a déjà repris la charge d’organiste de la Sainte Chapelle, même si son père est encore vivant, et vit rue Monceau, dans la demeure familiale attestée depuis le début du 18ème siècle comme résidence de la famille Couperin dans l’ouvrage que j’ai consulté. Je n’ai pas réussi à localiser cette rue Monceau – qui ne peut en aucun cas être l’actuelle rue de Monceau, dont le percement est postérieur. Mais puisqu’on parle rues de Paris, je ne trouve pas non plus la rue du Puits, paroisse St Paul, où habitaient les Bérard …..
En revanche, je connais la Sainte Chapelle (7), que je vous engage à visiter si vous n’y êtes jamais allés. Il n’y a plus d’orgues à la Sainte Chapelle, elles ont été rachetées par St Germain l’Auxerrois, mais j’aime aller admirer les sublimes vitraux.
Ceci étant, sur le plan généalogique, l’énigme reste intacte. Pourquoi avoir demandé à François Gervais Couperin de signer cet acte de tutelle ? N’était ce qu’un ami des Bérard ? La jeune Alexandrine Françoise – qui est peut être la Françoise Bérard ancêtre de mon mari, mais là encore, sans acte de naissance ou de mariage, je rame …. – était elle une musicienne de talent ? claveciniste qui aurait pris des leçons avec l’organiste de la Ste Chapelle ? Ou y a t’il un lien familial ténu et lointain que je n’ai pas encore retrouvé ?
Peut être vais retrouver une trace, une explication, un jour dans un acte notarié, puisque je n’ai pour remonter cette partie de la branche maternelle pourtant passionnante de mon mari que la piste ardue des actes notariés parisiens. Il est plus vraisemblable que cette question demeure dans ma généalogie un mystère non résolu, joli mystère qui me fait rêver à la vie des Devienne et des Bérard dans le Paris des Lumières.
[Jacques Bérard – Sosa 346]
[Thérèse Devienne – Sosa 347]
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