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G comme Grosse

Ecrit par

Brigitte Billard

Publié le

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Dernièrement, en cherchant une fois de plus si Google pouvait trouver Gratien Landes, le chirurgien parisien après lequel je cours depuis des années, j’ai trouvé un vendeur sur Delcampe qui proposait la grosse d’un acte notarié impliquant Gratien Landes et son épouse. Je n’ai pas hésité longtemps avant d’acquérir ce document. Quelles sont en effet les chances que je trouve un jour d’autres souvenirs de ces ancêtres de mes enfants à la génération 10 ?

Quand le document est arrivé, je l’ai montré à mon mari, c’était pour lui une surprise, et son étonnement et son plaisir de toucher ce document ancien, qu’avaient touché et signé ses ancêtres directs en 1739 valaient les quelques dizaines d’euros que j’avais dépensés.

L’acte lui-même n’a pas un intérêt fondamental dans l’histoire familiale. Il s’agit du bail pris par le couple le 18 juin 1739, à compter de la Saint Rémy suivante, soit le 1er octobre 1739, d’une maison située à l’angle de la rue Saint Honoré et de la rue du Four.

Gallica - Plan des paroisses de Paris
Gallica – Plan des paroisses de Paris

Le couple y habite dejà, donc on ne s’étend pas sur la description de la maison. On apprend juste qu’il y a au rez de chaussée deux boutiques, celles de la veuve Legrand, dont le commerce n’est pas mentionné, et qui conserve également la location de deux petites chambres dans la maison, et du sieur Brunet, chapelier, à qui congé a été donné. Le propriétaire se réserve aussi l’accès à sa convenance à deux fenêtres du 1er étage au dessus de la rue Saint Honoré, pour pouvoir venir y assister aux fêtes et processions qui pourraient avoir lieu dans la rue. La maison est grande, l’adresse est chic, et le prix du loyer est conséquent : 2500 livres de loyer par an, une somme énorme, qui doit correspondre environ au revenu que tire Gratien Landes de son activité de chirurgien.

En 1750, le couple prend une autre maison en location, rue des deux Ecus, une maison plus petite, plus modeste, pour un loyer de 600 livres par an, probablement plus en rapport avec leurs revenus.

Des actes que j’ai trouvés pour l’instant concernant le couple, j’ai le sentiment que Gratien Landes avait une propension à vivre au dessus de ses moyens, largement au dessus. Quels sont mes indices ? Il doit passer un accord devant notaire pour solder sa part des arrérages de la rente versée par testament de Geneviève Crelot à une de ses femmes de chambre. Quand il décède, sa femme renonce à sa succession, pour elle et pour leurs enfants mineurs. L’année suivante, elle passe devant notaire un accord avec son beau frère Henri Devienne pour le remboursement des sommes qu’il a prêtées au couple. Si on y ajoute le bail pour une maison visiblement très au dessus de ses moyens, le faisceau de preuves est difficile à ignorer.

Quant à Pierre Landes, un des enfants du couple, il a écrit un roman dont une partie me semble autobiographique, et voici ce qu’il raconte concernant sa famille et son enfance.

Mon père mourut dans un âge encore fort éloigné de la vieillesse, et laissa ma mère chargée de dix enfants dont j’étais le neuvième.
Bien que par des malheurs, et peut-être par légèreté de conduite, il eut dissipé la plus grande partie de sa fortune, il réussit à marier sa fille aînée assez avantageusement dans une petite ville de Bourgogne. Angélique (c’était son nom), quoique âgée de vingt et un ans, en avait quatorze de plus que moi, et vivait heureuse au sein d’une honnête aisance. Déjà elle avait donné le jour à deux enfants, dont l’un était à peu près de mon âge; elle voulut que je devinsse le troisième, et prit ainsi sa part du fardeau pesant dont ma mère était accablée.

Que disent les élements concrets que j’ai rassemblés pour l’instant ?
Gratien Landes est mort à l’été 1757. Il laisse sa veuve Catherine, et cinq enfants mineurs, cités dans cet ordre dans l’acte de renonciation à la succession : Catherine Madeleine, Marie Angélique, Jean Gratien, Pierre et Nicolas. Marie Angélique  a accouché à Tonnerre, dans l’Yonne, d’un garçon, Pierre Hugues, le 28 juin 1757. Le père de l’enfant, tel qu’indiqué dans l’acte de naissance, est Hugues Pelletier de Chambure, héritier d’une famille notable de Saulieu, petite ville de Bourgogne. Marie Angélique et Hugues Pelletier de Chambure se marient à Saulieu le 24 août 1758. D’après mes calculs, Marie Angélique est née vers 1738, et Pierre vers 1753, ils ont donc environ 14 ou 15 ans d’écart.

C’est en comparant les faits tels que je les connais avec le roman de Pierre Landes que j’ai conclu qu’il y avait des éléments autobiographiques dans son livre. Alors pourquoi ne pas aller plus loin et se dire que ce qu’il dit de son père, qui par « légèreté de conduite aurait dissipé la plus grande partie de sa fortune », est également vrai ?

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C’est juste un parchemin, quatre pages couvertes d’une fine écriture serrée, qui viennent de créer un lien matériel entre Gratien Landes et mon mari. Un trésor de plus, à garder précieusement avec le bonnet de mariage de mon arrière grand mère, le sextant de marine du grand père capitaine du Vladimir, et les vieilles photos de famille sur lesquelles on ne reconnait pas les visages. Juste une vieillerie de plus, que mes enfants vendront un jour sur internet 5.0 si je ne sais pas leur en transmettre la valeur symbolique.

Coiffe de mariage de Clémentine Pelletier - 1903 - Poitou - Collection privée
Coiffe de mariage de Clémentine Pelletier – 1903 – Poitou – Collection privée

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Sources et liens
  • Charles Marville – Vue du Vieux Paris – Rue du Four Saint Honoré
  • Gallica –Plan des paroisses de Paris avec la distinction des parties éparses qui en dépendent / dressé… par J. Junié, Ingén. Géogr. de Monseigneur l’Archeveque et géomètre des Eaux et forêts de France… 1786
    Auteur : Junié, Jean (1756-18.. ; ingénieur-géographe). Cartographe
  • Gallica – Le fugitif, ou Les malheurs de la proscription. Tome 1 / , ouvrage posthume de M. Landes,…
    Auteur : Landes, Pierre (1754-1806)

4 réponses à “G comme Grosse”

  1. Moi aussi, je me suis laissée surprendre par le titre… et j’ai ainsi appris que tu avais découvert de fort belles pépites !

  2. Quand j’ai vu le titre de l’article, j’ai eu peur du contenu ! J’imagine l’émotion de toucher ces papiers anciens…

    1. Brigitte

      Le titre est un peu provocateur, mais j’avais déjà des L en pagaille, alors ca m’a semblé un chouette G 🙂

    2. Brigitte

      Quant aux papiers anciens, je fréquente assiduement le CARAN, donc j’ai « souvent » maintenant touché d’anciens documents, l’émotion est toujours là, le doigt qu’on pose à l’endroit de la signature, mais première expérience pour mon mari d’un document aussi ancien signé par quelqu’un dont il descend 😉

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