Un des plaisirs de la généalogie réside dans la sérendipité, ce mot barbare qui signifie « trouver par hasard ce qu’on ne cherchait pas ».
Ce dimanche matin, j’avais laissé de côté pour la matinée mes poilus du canton de Vouillé, et choisi de continuer à travailler sur la généalogie descendante de mon cher Jean Jung, ce cordonnier révolutionnaire strasbourgeois guillotiné dans les derniers jours de la Terreur (1) (2). Cet homme fait partie de mes chouchous généalogiques, et régulièrement je travaille par petites touches sur son arbre, en amont ou en aval selon mon humeur.
Jean Jung a eu deux fils qui ont survécu et eu une descendance. Tous deux parcoururent l’Europe dans l’armée de Napoléon (3).
Chrétien Daniel, le cadet, est l’ancêtre direct de mes enfants. Sa branche descendante est simple, mon mari et mes enfants sont ses seuls descendants, aux 5ème et 6ème générations.
Pour l’ainé, Jean, la donne est différente.
Marié en 1819 à Strasbourg avec Elisabeth FOURNIER (4), il va avoir 7 enfants et une nombreuse descendance à ce jour. C’est à la descendance d’une de ses filles, Louise Elisabeth, que j’avais choisi ce dimanche de m’intéresser.
Louise et Xavier se marient en 1851 à Offendorf, près de Strasbourg (5). Lors de leur mariage, leurs deux ainés, Sophie et Joseph, nés à Offendorf, sont légitimés. Xavier est alors voltigeur au 3ème régiment de ligne. Après le mariage, il reste avec sa famille à Offendorf, où il gagne leur vie comme journalier. Deux autres enfants, Emile et Marie Madeleine, naissent à Offendorf. Xavier part alors travailler, comme beaucoup d’hommes de sa génération, dans les chemins de fer. La famille s’installe à Avignon, où nait Gustave François le 19 juin 1856 (6). Après Avignon, on retrouve la famille à Miribel, dans l’Ain. C’est là que nait Ernest, le dernier de la famille. En 1871, le couple vit à Lyon, où Xavier est rentier. Quand partent ils en Algérie ? Je n’ai pas encore pu le découvrir. Mais c’est en Algérie que le couple va finir sa vie.
Et c’est en Algérie que sont partis s’installer les enfants, a priori bien avant leurs parents.
Le site des ANOM a indexé l’état civil des européens en Algérie jusqu’en 1904, ce qui rend les recherches plus efficaces et permet de belles découvertes. D’acte en acte, de surprise en découverte, voici ce que j’ai reconstitué de la vie de Gustave François Noé.
Le 20 juillet 1877, Gustave commence une carrière militaire. Il a tout juste 21 ans, il a probablement tiré le mauvais numéro et est parti à l’armée. En 1884, il est sergent au 1er régiment de zouaves, stationné à Alger, à la caserne d’Orléans. Sa retraite lui est accordée le 27 juillet 1894, après 17 ans et 7 jours de campagne, ce qui correspond à 34 ans de services, une belle retraite annuelle (7). Parti avec le grade de caporal, il va désormais travailler comme professeur d’escrime ou maitre d’armes selon les actes.
Pendant qu’il est stationné à Alger, le 12 septembre 1885, il déclare la naissance d’un enfant (8), qu’il prénomme Gustave, et dont la mère est une lingère de 35 ans, vivant rue de la Casbah, à Alger, Alice Lefebvre. En février 1888, des jumeaux, Gaston et Emile, arrivent dans la famille (9). Les parents ne sont pas mariés. Pour quelle raison le couple n’a t’il pas régularisé la situation, je n’ai aucun élément pour répondre à cette question.
Le 15 septembre 1888, Gustave déclare à la mairie le décès d’Alice Albertine Lefebvre, 38 ans, couturière, née à Cosne-sur-Loire dans la Nièvre (10)(11). Il se dit « voisin » de la décédée. Pourquoi pas …. J’ai vérifié dans les registres de la commune si les parents de ladite Alice Albertine avait une autre fille d’un ou deux ans de plus ou moins, portant l’un des deux prénoms. Mais non, je n’ai pas trouvé d’autre fille du même couple dans cette tranche d’âge. J’ai donc tendance à penser qu’Alice, la mère des petits Gustave, Gaston et Emile, la compagne de Gustave le professeur d’escrime, est bien celle qui décède ce 15 septembre 1888 à Alger.
En octobre 1889, le petit Emile meurt (12). Des voisins vont déclarer le décès en mairie. Et là sur l’acte de décès, deux détails troublants : Alice n’est pas indiquée comme décédée, et elle est qualifiée d’épouse de Gustave François, ce qui laisse penser que dans l’entourage de la famille, le couple passait pour être marié.
Si on s’en tient aux actes, Gustave, le professeur d’escrime, est donc maintenant seul avec ses deux fils. Sa mère, qui vivait à Alger, est également décédée le 6 septembre 1889 .
On retrouve Gustave le 28 juillet 1894 à Constantine. Il a 38 ans, il est toujours professeur d’escrime, et il épouse Sophie Neff, veuve de 42 ans, venue d’Alsace, comme la famille de Gustave (13). Pourquoi cette fois ci se marie t’il ? La mort de ses parents, qui auraient pu refuser de donner leur accord, en est elle la raison ? Et que penser du fait qu’une nouvelle fois, Gustave convole avec une femme plus vieille que lui ? Mais Gustave ne tient pas en place, et le couple – avec les petits garçons, peut être, mais sans recensement, difficile d’en savoir plus, repart vers Alger. On les retrouve à Mustapha, commune de la très proche banlieue d’Alger, intégrée à la ville en 1902. Ils habitent avenue Maillot, dans le quartier de l’hôpital civil.
A cette époque, la famille Risse, les parents de ma grand mère paternelle, vivent aussi à Mustapha, pas très loin de cette avenue Maillot. Bien sûr la ville est grande, mais c’est actuellement la seule possibilité spatio-temporelle de rencontre entre la branche de mon mari et la mienne – avant bien sûr que nous nous rencontrions … Ce détail fait partie des éléments qui me font toujours sourire en généalogie.
Gustave n’a que 42 ans quand il décède le 5 décembre 1898 à l’hôpital militaire de Sétif. Que fait il à Sétif ? Qu’est il alors advenu des deux petits garçons ? Le jeune frère de Gustave, Ernest, est marié et vit à Mascara. A t’il élevé les deux garçons avec les siens ? Il m’est impossible de le savoir. Je n’ai pas non plus retrouvé la trace de Gaston, le jumeau survivant. Quant à Gustave, le fils ainé, il va se marier en 1912 à Tenes, et mourra en 1947, à l’age de 61 ans.
Certains jours, la généalogie a un goût de roman d’aventures ….
Laisser un commentaire