Le contrat de mariage en 1734 à Paris de Gratien Landes et Catherine Lebois Duclos m’a permis de savoir que le futur mari, celui dont je cherchais les origines depuis plus de dix ans, venait de la petite localité de Soual, diocèse de Lavaur, dans le Tarn.
Mais j’ai rapidement buté sur son arbre généalogique. Les registres très lacunaires de la paroisse de Soual ne me permettaient pas dans un premier temps d’aller au-delà des parents de Gratien, un certain François Landes qui avait épousé une Marie de Latger. Je n’ai pas pu rapidement faire le lien avec le chirurgien de Sucy-en-Brie qui ne nommait aussi Gratien Landes, celui dont la découverte en 2019 m’avait conduite à Escoussens, à quelques lieues de Soual.
Je ne pensais pas remettre si vite Gratien Landes et sa famille à l’honneur de mon blog. C’était oublier l’alliée de la généalogie, notre amie la sérendipité.
J’avais demandé fin août trois contrats de mariage auprès de l’association EGMT, dont j’avais trouvé les références dans la base Rigal :
- Notaire Antoine Herail – Résidence Puylaurens – Cote 3E5/227 folio F756 – Contrat de mariage François Landes & Marie de Latger le 10/10/1688 – les parents de Gratien Landes, Sosa de mes enfants
- Notaire Jean Planes – Résidence Soual – Cote 3 E 107/3 Folio 865 – Contrat de mariage Antoine BORN & Catherine LANDES le 17/12/1729 –
- Notaire Jean Planes – Résidence Soual – Cote 3 107/5 Folio 1087 – Contrat de mariage Jean Baptiste FONS et Louise LANDES le 19/07/1744 – fille de Germain Landes, chirurgien à Soual
J’ai reçu le premier week-end de septembre le dernier des trois contrats, et j’ai eu la chance d’en trouver un quatrième numérisé sur le site des archives du Tarn. Grâce à ces contrats, j’ai pu reconstituer une grande partie de la famille tarnaise de mon Gratien Landes – et également déterminer le lien de parenté entre le chirurgien de Paris, Sosa de mes enfants, et le chirurgien homonyme de Sucy-en-Brie.
Ma généalogie avant ces contrats de mariage
Voici à quoi ressemblait la famille de Germain Landes dans mon logiciel, avant que je mette la main sur tous ces contrats de mariage.
En 2019, je n’ai pas pris le temps de démêler les fils de cette histoire. Il est temps d’essayer d’y voir clair.
Le Gratien Landes dont je vous avais parlé était le fils de Germain Landes et Marie Catherine Denois, selon son acte de mariage en février 1758 à Villeneuve-Saint-Georges, près de Paris.
L’an mil sept cent cinquante huit et le septieme jour du mois de fevrier apres la publication des bans faite dans cette eglise par trois jours de dimanche scavoir le huit le quinze et le vingt deux du mois precedent et dans l eglise paroissiale de St martin de Sucy les memes jours comme il nous a apparu par le certificat de mr Queruel curé de la ditte eglise en datte du vingt six du mois dernier signé queruel et apres les fiancailles celebrées ce même jour ont été par nous mariés après que nous avons eu pris leur consentement mutuel et ont recu de nous la benediction nuptiale gratien landes agé de trente quatre ans maitre chirurgien fils de Germain Landes aussi maitre chirurgien demeurant à Laval? diocèse de Lavaur et de marie catherine denois ses pere et mere l epoux de la paroisse de St Martin de Sucy et Claude Cuignet agée de vingt trois ans fille de michel cuignet vigneron et d’Elisabeth Emery ses pere et mere de cette paroisse assistés de guillaume fournier de Louis Cuignet amis de l’épouse de Michel Cuignet d’Elisabeth Emery pere et mere de l’épouse et de pascal cuignet
En relisant l’acte et ma transcription, il est clair que j’ai bien trop vite jeté l’éponge. L’acte daté de 1758 précise clairement que ce Gratien Landes est le fils de Germain Landes et de Marie Catherine Denois, qui habitent Soual, que j’avais lu à tort Laval, que le père est maitre chirurgien et que les parents sont vivants au moment du mariage.
Là j’ai un problème : soit le père, Germain Landes, est bigame, marié à la même période et dans deux bourgs distants de quelques lieues avec deux femmes différentes – j’en doute – soit il y a deux Germain Landes que j’ai malencontreusement fusionnés, en imaginant bien trop vite que les deux épouses se succédaient suite au décès de la première. Ce n’est clairement pas le cas.
Germain Landes, deux homonymes fusionnés à tort
Le 24 juillet 1723, à Soual, dans la maison de François Penavaire et Paule Caraguel, père et mère de la mariée Marie Penavaire, est signé le contrat de mariage entre Marie et donc un certain Germain Landes. Selon le contrat, ce Germain Landes est le fils de Jacques Landes, maitre chirurgien, et d’Anne Pega, décédée, et il est « marchand facturier » dans la localité d’Escoussens. Sont présents Germain Landes, son oncle et parrain – donc un frère de Jacques Landes -, et Jean Landes, maitre chirurgien à Soual, son cousin.
Ce couple a plusieurs enfants, dont je trouve les actes de baptêmes à partir de 1725 jusqu’à 1733 à Escoussens. Je trouve aussi à Escoussens, toujours, l’acte de sépulture de Marie Penavaire, le 7 novembre 1736. La ligne de vie du couple Germain Landes – Marie Penavaire, entre 1723 et 1733, semble prendre place à Escoussens – pas à Soual -, ce Germain est dit marchand facturier – pas maitre chirurgien – et les dates se recoupent bien trop avec la ligne de vie de Germain Landes maitre chirurgien marié avec Marie Catherine Denois , vivant à Soual, et qui a au moins deux enfants : Gratien vers 1721 et Louise, d’un âge suffisant pour se marier en 1744.
Le Germain Landes qui épouse Marie Penavaire habite Escoussens, et non Soual, il est marchand facturier, et pas chirurgien. Et il ne peut pas être veuf de Marie Catherine Denois, puisqu’elle est cité comme vivante dans l’acte de mariage de son fils en 1758.
En 2019, je n’avais pas mis la main sur le mariage de Louise, je ne savais donc pas que sa mère était vivante, et j’avais – un peu rapidement, sans lire attentivement l’acte de mariage de Gratien en région parisienne – fait l’hypothèse que Marie Catherine Denois était la première épouse de Germain Landes, et Marie Penavayre la seconde épouse. Maintenant, j’ai la preuve par les actes – et les décès – qu’il s’agit de deux hommes différents.
J’ai donc deux Germain Landes, qui ont à peu près le même âge, qui sont probablement de la même famille, peut-être cousins germains, mais pour l’instant je ne peux pas en savoir plus. Laissons de côté celui qui habite Escoussens.
L’autre est maitre chirurgien à Soual, père de Gratien Landes, maitre chirurgien à Sucy-en-Brie, et de Louise Landes, épouse de Jean-Baptiste Fons.
Mais qui est ce Germain Landes, chirurgien à Soual, par rapport à mon Gratien Landes, chirurgien à Paris ?
Le mariage de Louise Landes et Jean Baptiste Fons
Le hasard a fait que c’est le contrat de mariage entre Louise Landes et Jean-Baptiste Fons, en 1744, que j’ai reçu en premier. Clairement, ce n’est pas celui que j’espérais. Mais il n’était pas long – deux pages bien écrites – et je l’ai immédiatement transcrit.
Au nom de Dieu soit fait sachent touts presant et a venir que l an de grace mil sept cent quarante quatre et le dix neuf juillet après midy dans Soual dioceze de Lavaur et senechaussée de Toulouse pardevant moi notaire royal et presants les temoins basnommés, ont été presant le sieur Jean Batiste Fons maitre chirurgien, natif du lieu de Bouisse dioceze de Narbonne residant au lieu de Cailhau meme dioceze, fils a feu sieur Paul et de demoiselle Anne Maury d’une part, et demoiselle Louise Landes, fille du sieur Germain Landes maitre chirurgien et de demoiselle Marie Catherine Desnoy habitant audit Soual assistée et conseillée dudit sieur Landes et demoiselle Desnoy ses pere et mere, de messieurs mr augustin Glories pretre et curé de Saint Germain, du sieur Jean Landes et du sieur Pierre Caminade ses cousins d’autre, lesquelles parties de leur bon gré ont réciproquement promis se prendre et epouser en loyal et legitime mariage et de solemniser iceluy en face de notre sainte mere eglise catolique apostolique et romaine a la premiere requisition que l’une partie en faira a l’autre a peine de tous dépans,
Pour l’anecdote, précisons que Jean-Baptiste Fons est chirurgien à Cailhau, village de l’Aude dans lequel mes ancêtres paternels, la famille Pages, ont vécu à la fin du XVIIe siècle, une cinquantaine d’années avant ce mariage et qu’il est né à Bouisse, autre village de l’Aude, juste à côté d’Arques, berceau de la famille Billard. Quant à sa mère, Anne Maury, elle appartient à la famille Maury de Bouisse, à laquelle ma famille Billard est alliée, peut-être même apparentée, mais le lien serait antérieur aux premiers registres conservés. En résumé, une jeune fille apparentée à la famille paternelle de mes enfants a épousé en 1744 dans le Tarn un jeune homme allié à leur famille maternelle.
Les branches paternelle et maternelle de mes enfants sont originaires de régions tellement différentes géographiquement que c’est un fait exceptionnel dans ma généalogie. Mais pour l’instant, pas d’implexe à l’horizon.
Revenons sur la famille de la mariée.
Elle est fille de Germain Landes et Catherine Desnoy ( ou Denoir, ou Desvoy … ).
Les parents de Gratien Landes de Sucy-en-Brie sont les mêmes que les parents de Louise Landes qui se marie en 1744 à Soual …. Gratien et Louise sont donc frère et sœur. Et leur mère est bien vivante lors du mariage de sa fille en 1744, puis de son fils en 1752.
Etudions les témoins du contrat de mariage de Louise.
La première partie du contrat n’apporte pas d’élément très révélateur.
demoiselle Louise Landes, fille du sieur Germain Landes maitre chirurgien et de demoiselle Marie Catherine Desnoy habitant audit Soual assistée et conseillée dudit sieur Landes et demoiselle Desnoy ses pere et mere, de messieurs mr augustin Glories pretre et curé de Saint
Germain, du sieur Jean Landes et du sieur Pierre Caminade ses cousins d’autre
Il y a bien un Jean Landes et un Augustin Glories, cousins, mais je ne sais pas exactement les raccrocher aux parents de mon Gratien Landes parisien.
En revanche les témoins signataires, en fin d’acte, sont plus significatifs :
en presance des sieurs gracien et ciprien landes freres de la future epouse, dudit sieur antoine born ancien capitaine oncle de la future epouse de mr Louis Deboult de la Coste prete et curé de Cailhau, et des sieurs Marc et Jean riols freres bourgeois dudit Soual
Notons d’abord que Gratien Landes, celui qui sera ensuite chirurgien à Sucy-en-Brie, semble encore habiter à Soual en 1744. C’est à partir du 7 février 1758, pour son mariage avec Claude Cuignet, qu’on le trouve pour la première fois dans les archives de la localité.
Louise a un autre frère, présent aussi, un certain Cyprien, que je rencontre ici pour la première fois dans un acte.
Mais c’est le témoin suivant qui est le plus important pour résoudre le mystère.
Antoine Born, ancien capitaine, oncle de la future épouse.
Cet Antoine Born, je vous en ai déjà parlé un peu plus haut, j’ai trouvé un contrat de mariage qu’il a passé avec une certaine Catherine Landes.
Notaire Jean Planes – Résidence Soual – Cote 3 E 107/3 Folio 865 – Contrat de mariage Antoine BORN & Catherine LANDES le 17/12/1729
Antoine, je l’ai également rencontré dans la procuration que Marie de Latger établit en 1732 pour autoriser son fils Gratien à se marier à Paris
en presence du sieur antoine Born ancien capitaine d infantairie au regiment de Rayne
Antoine Born est le mari de Catherine Landes.
Il est suffisamment proche de Marie de Latger pour l’assister quand elle fait une procuration en 1732.
Qui est cette Catherine Landes qu’il épouse ? S’agit-il bien de l’enfant baptisée le 8 décembre 1692 à Soual, fille de François Landes et Marie de Latger, et donc sœur de Gratien? C’est d’ailleurs à ce jour le seul acte de baptême que j’ai trouvé concernant les enfants nés de leur mariage.
Si la Catherine Landes qu’Antoine Born a épousé est bien la fille de Marie de Latger, on comprend sa présence pour assister sa belle-mère chez le notaire. Et s’il est l’oncle – par alliance – de la future épouse Louise Landes, c’est qu’il est le beau-frère de Germain Landes le père de la mariée …. Germain Landes, père de Louise et du Gratien Landes qui se marie à Villeneuve-la-Garenne, est donc le frère de Catherine … ce qui veut dire que Germain Landes, maitre chirurgien à Soual, époux de Marie Catherine Denois, est le frère de Gratien Landes, chirurgien à Paris, époux de Catherine Lebois Duclos, ancêtre de mes enfants.
Le mariage de Catherine Landes et Antoine Born, une confirmation des relations de parenté dans la famille Landes
Je n’ai reçu ce contrat de mariage qu’après celui de Louise. Allait-il confirmer ce qui n’était encore qu’une hypothèse – très probable malgré tout.
Le contrat, passé le 31 décembre 1729 à Soual, ne laisse pas de doute.
ont esté presans antoine Born sieur de la garrigue ancien capitaine d infanterie fils de feus antoine et de demoiselle marie Darquier habitant dudit Soual d une part, et demoiselle Caterine Landes fille de feu sieur françois Landes bourgeois et de demoiselle marie de Lacger habitante dudit Soual assistée et conseilhée de ladite demoiselle de lacger sa mere et du sieur germain landes son frere d autre part,
Pour moi le doute est levé, Germain Landes, chirurgien à Soual, est le frère de Catherine Landes et de Gratien Landes, ancêtre de mes enfants.
Si vous doutez encore, voici une donation faite le même jour, le 31 décembre 1729, que Marie de Latger fait à son fils Germain, suite au mariage de sa fille, qui une fois sa dot versée renonce au reste de son héritage, tant paternel que maternel.
fut presante demoiselle marie De lacger veuve du sieur françois Landes habitante dudit Soual laquelle de son bon gred a fait donnation entre vifs pure simple et a jamais irrevocable audit Germain Landes son fils et acceptant et tres humblement remerciant sadite mere de tous les biens et droits qui luy ont este cedés par demoiselle Caterine Landes sa fille dans son contrat de mariage rettenu ce jourd huy par moi notaire pour desdits biens et droits, en jouir faire et disposer par sondit fils a tous ses plaisirs et volontés tant en la vie qu’en la mort a comancer ladite jouissance au jour de son deceds, s estant par expres reserve l usufruit sa vie durant,
Cette donation, tout comme le montant de la dot, m’interpelle un peu. En 1734, Gratien Landes dit apporter le quart de l’héritage de son père, qu’il évalue à deux mille livres. Je n’ai pas l’impression à lire les contrats de mariage que j’ai reçus qu’on soit sur une telle somme. Il faudra que je continue mes recherches.
Citons enfin, avant que je vous présente la famille Landes telle que j’ai pu la reconstituer, un contrat de mariage que passe à Albi le 18 septembre 1732 un certain Cyprien Landes, qui épouse Françoise Carré. Ce contrat fait partie d’un registre de notaire numérisé et mis en ligne par les archives du Tarn. J’y lis que les parents de Cyprien sont bien François Landes et Marie de Latger, et que Marie a donné son accord au mariage par acte notarié. Personne de la famille de Cyprien n’est présent à Albi – Soual n’est pourtant pas à plus d’une demi-journée d’Albi … Mais l’acte notarié ne laisse aucun doute, Cyprien Landes, qui s’établit à Albi, est le quatrième de la fratrie Landes, évoquée dans le contrat de mariage à Paris en 1734 de Gratien.
Le Gratien Landes qui s’établit à partir de 1750-1752 à Sucy-en-Brie est le neveu du Gratien Landes, ancêtre de mes enfants.
Je n’en ai pas fini avec la famille Landes, mais c’est une autre histoire.
Une histoire pour une prochaine fois.
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