Il arrive qu’en parcourant les registres paroissiaux à la recherche d’un acte, on tombe sur bien plus qu’on espérait ….
Hier, je déchiffrais comme je pouvais le registre paroissial de Cherves, petite commune de la Vienne, sur la période 1700-1707. J’étais à la recherche d’informations sur les parents de Renée Guillon ou sur sa naissance. Monsieur le curé n’avait pas une écriture des plus simples, et au fil des pages la motivation baissait.
Et puis en page 10, je suis tombée sur l’acte d’inhumation de Jean Guillon, le père de Renée. Un acte de plus, me direz vous. Que nenni, pour une raison qui m’échappe, monsieur le curé a choisi de raconter les circonstances du décès de Jean.
Seran
Ce vingt deux aout a été enterré Jean
Guillon homme de Marie fouche demeurant en le village
de Seran, en la paroisse de St eutrope [..] et par
accident la pointe de l’aguille de sa charette le serra
si fort contre une muraille et si fort
pressé qu’il en mourut [..]
[..] s’étant pourtant confessé
avec beaucoup de connaissance et de
confiance en dieu et ayant reçu
l’extrême onction en présence de mathurin guillon
son frère et de plusieurs paroissiens de St Eutrope
et le dit guillon fut enterré par ledit curé qui se nomme
blanchet en l’année mil sept cent un, tout cela est
pour la mémoire de ceux qui en auront besoin.
A la première lecture, j’ai vu le récit d’un accident de charrette, et j’ai été amusée par la dernière phrase « tout cela est pour la mémoire de ceux qui en auront besoin ». Ca sonnait un peu comme le « pour valoir ce que de droit » de nos documents administratifs.
Et puis j’ai relu avec un peu plus d’attention, et j’ai commencé à me poser des questions : pourquoi indiquait on le nom du curé ? Pourquoi tant de détails alors que les autres actes de décès du registre sont plutôt conformes aux habitudes. Mon curé n’est pas un grand bavard habituellement.
Alors j’ai regardé plus près où était Seran, le village où demeure Jean avant son décès. Il est tout au sud de la commune, plus près de Chalandray que de Cherves en fait, mais sur la carte de Cassini je n’y vois pas d’église. Pas non plus de paroisse St Eutrope dans le coin. Or si dans l’acte on précise que l’enterrement a eu lieu à la paroisse de St Eutrope, c’est que le détail a son importance.
Une petite recherche sur Google, et voici une basilique St Eutrope à Saintes qui apparaît Mais Saintes – Cherves, ca fait quand même en gros 120 kilomètres, soit plusieurs jours de voyage en 1701. Qu’à cela ne tienne, jetons un coup d’oeil aux archives de Charente Maritime qui sont en ligne.
Et là bonne surprise, les registres paroissiaux ont été indexés dans des tables, quel bonheur.
Dans la table des sépultures de Saintes 1623-1715 toutes paroisses confondues, à la page 161, voilà mon Jean Guillon, inhumé en la paroisse de St eutrope à Saintes le 22 Aout 1701 ….
Du coup, l’acte repris dans le registre de Cherves prend toute sa signification. Il s’agit d’informer la communauté de la mort loin de chez lui d’un des paroissiens, marié et père de famille. Le fait que le frère de Jean, Mathurin Guillon, ait été avec lui lors du décès explique comment l’acte a pu parvenir dans le village d’origine.
Malheureusement, il ne semble pas y avoir en ligne les registres paroissiaux de St Eutrope à Saintes pour l’année 1701. En fait il n’y a pas un seul registre paroissial concernant St Eutrope en ligne, rien non plus sur le site de Saintes. J’aurais voulu lire l’acte original de sépulture, celui dressé par le curé Blanchet. Pour l’instant, c’est partie remise. Il faut d’abord que je comprenne où sont ces registres manquants.
A la lumière de cet acte, j’avoue que je suis maintenant perplexe. Que faisaient donc Jean et Mathurin guillon, avec leur charette, à 120 kilomètres de chez eux en ce mois d’Aout 1701 ? St eutrope est une des étapes du pélerinage vers Compostelle, mais j’imagine mal mes paysans partir en pélerinage au moment des moissons. La charrette ferait plutot penser à du commerce, mais si loin de leur village ?
Je sais que je ne saurai jamais le fin mot de l’histoire, mais d’un coup, avec une dizaine de lignes dans un registre paroissial, Jean Guillon demeurant à Cherves et mort en Août 1701 à Saintes vient de prendre une autre dimension dans mon imaginaire .
[Jean Guillon – Sosa 3706]
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