A l’occasion du Salon de l’Agriculture, Geneatech propose en ce mois de février de parler des agriculteurs de nos arbres. Parce que je n’ai pas souvent parlé d’eux, j’ai choisi de mettre à l’honneur le dernier couple des ancêtres de mes enfants ayant vécu de la terre, mes arrières-grands parents François Reau (1874-1952) et Clémentine Pelletier (1879-1968).
Et au milieu coule une rivière …
Cela pourrait être le sous-titre de cet article, ou la dédicace qu’on pourrait écrire au sujet de la vie de mes arrières grands-parents.
Cette rivière c’est la Vendelogne, un cours d’eau paisible, qui prend sa source à Saint-Martin-du-Fouilloux, et glisse à travers les prairies jusqu’à se jeter dans l’Auxance, l’autre rivière de mes ancêtres poitevins, à Chiré-en-Montreuil. Loin, plus loin, c’est le Clain, la Vienne, la Loire. Mais quand la Vendelogne traverse les communes d’Ayron et Chalandray, ce n’est qu’une petite rivière que bien souvent on traverse à gué, comme à Cramard.
J’ai la chance d’avoir connu grand-mère Clémentine, assez longtemps pour me souvenir d’elle. Elle avait de nombreux arrières petits-enfants, je n’étais que l’une d’elle, j’allais lui rendre visite quelques heures pendant les vacances d’été et nos liens affectifs n’ont jamais été aussi forts qu’avec mon autre arrière grand-mère, Marie Quintard. Mais j’ai connu grand-mère Clémentine, et mes recherches m’ont permis, pas à pas, de mieux comprendre ce qu’elle a vécu, elle qui toute sa vie a habité à quelques encablures de la Vendelogne.
L’histoire de mes arrières-grands parents se déroule presque totalement le long des rives de la Vendelogne, et pourtant François Reau n’est pas né à Ayron ou Chalandray, mais à Jazeneuil, un peu plus loin près de Lusignan, au lieu-dit les Amillières, un domaine qui appartenait à la famille Boisseau et sur lequel ses parents, Hilaire Reau et Sophie David, sont allés travailler vers 1873, peu de temps après leur mariage. Hilaire et Sophie étaient originaires de Chalandray, et c’est le travail qui les avait conduit hors de leur village.
Le 13 mai 1885, François a presque 11 ans quand son père meurt. Rapidement, Sophie David, sa mère, revient à Chalandray avec toute sa famille, trois fils et trois filles, dont l’ainée a 13 ans et la plus jeune vient de naitre, enfant posthume. Les ainés sont tout de suite placés comme domestiques. En 1886, François est ainsi domestique chez Joseph Veillon, au Chateau, à Chalandray (1).
En 1891, il est domestique chez Désiré Moreau, au moulin de Rouillé (2).
Le moulin de Rouillé – ou Rouilly selon l’appellation actuelle – n’est pas clairement visible sur les cartes Geoportail actuelles, ni sur les cartes anciennes. Je l’ai localisé précisément grâce au cadastre désormais en ligne sur le site des archives du Poitou.
Entre le 12 septembre 1895 et le 22 septembre 1896, François fait son service militaire, un an seulement comme fils ainé de veuve, au 113eme régiment d’infanterie, stationné à Blois.
Il retourne à Rouillé après son service militaire, et c’est là qu’il habite et travaille quand il épouse le 9 novembre 1903, à Chalandray, Clémentine Pelletier.
Clémentine est née à La Vauceau ( Lavausseau sur les cartes anciennes) un des villages de Chalandray, le 25 mai 1879, sixième enfant de Jean-Pierre Pelletier et Edvige Colnay (3). Lors du recensement de 1881 la famille habite à la Jounelière, sur la commune d’Ayron (4); le découpage entre Chalandray et Ayron suit la Vendelogne entre le moulin du Plessis et Ragouillé, mais tous ces villages ou lieux-dits sont à quelques centaines de mètres les uns des autres.
Lors des recensements de 1886 et 1891, la famille de Clémentine habite un peu plus au nord, toujours sur la commune de Chalandray, cette fois-ci au village des Courtinières, à un peu plus de 3 kilomètres de Cramard – et de la Vendelogne. En décembre 1892, la famille est revenue vivre à La Vauceau et c’est là que Jean-Pierre Pelletier, le père de Clémentine, meurt, en laissant sa femme seule avec 8 enfants, dont l’ainé, Eugène, a 23 ans, mais le plus jeune, Clément, n’en a que 2. Orpheline de père à 13 ans, appartenant à une nombreuse fratrie avec de jeunes enfants à nourrir et élever, comme François, Clémentine est très vite placée comme domestique dans une métairie.
Le parcours de François et Clémentine est similaire, et ils vont tous les deux contribuer à élever leurs plus jeunes frères et sœurs, en aidant leur mère. C’est probablement la raison de la solidarité familiale et de l’attachement entre Clémentine et ses jeunes frères, entre François et ses frères et sœurs, une solidarité et un attachement que mon grand-père Achille ressentait lui aussi, si j’en crois les photos nombreuses de sa famille et de ses oncles et tantes.
En 1896, Clémentine est domestique de ferme à Rouillé, dans la métairie de Firmin Bigot (5). C’est à cette époque que François revient du service militaire. C’est probablement à cette époque que François et Clémentine se rencontrent, tous deux domestiques sur deux exploitations agricoles à quelques centaines de mètres l’une de l’autre.
Lors du recensement de 1901, Clémentine est toujours domestique chez Firmin Bigot, à Rouillé, mais François est maintenant domestique chez Jean Joseph Dubois, métayer à la Brissonnerie (6). Il y est pour ainsi dire en famille, puisque Louise Armance Bandonneau, la jeune épouse de Jean Joseph Dubois, est la cousine germaine de sa mère, Sophie David. Mes racines Bondonneau/Bandonneau sont très présentes à Cramard et tout autour.
Le 9 novembre 1903, François Reau épouse Clémentine Pelletier à Chalandray. Les deux jeunes gens sont dits dans l’acte habiter à Rouillé. Clémentine a probablement travaillé jusqu’à son mariage chez Firmin Bigot, et elle restera amie toute sa vie avec l’épouse de Firmin, Marie-Louise Dubois. D’ailleurs la fille ainée du couple, Emma Bigot, née en 1892 et que Clémentine a vue grandir, est la marraine du fils ainé de François et Clémentine, mon grand-père Achille.
Pour vous montrer à quel point dans cette partie du Poitou, toutes les familles sont apparentées, à quel point tout le monde est cousin avec tout le monde à cette période, il est amusant de noter que Marie-Louise Dubois, pour qui travaille Clémentine, est la jeune sœur de Jean-Joseph Dubois, pour qui travaille François Reau à la Brissonnerie. Ajoutons que Louise Pagot, la grand mère paternelle de Jean-Joseph et Marie-Louise, est la sœur de Jeanne Alexandrine Pagot, la grand-mère paternelle de Clémentine, et donc que Clémentine est la cousine issue de germain de Jean-Joseph et Marie-Louise Dubois, pendant que François est le cousin de Louise Armance Bandonneau, l’épouse de Jean-Joseph Dubois, et j’espère que je vous aurai convaincus de la multiplicité des liens familiaux dans cette partie de ma généalogie.
Après leur mariage, François Reau et Clémentine Pelletier s’installent à Cramard (7), où naissent leurs deux premiers fils, Achille – mon grand-père – le 21 mai 1904 – et non, j’ignore s’il était prématuré, même si j’en doute fort – puis Arsène, le 06 août 1906. François est domestique agricole, sans doute travaille t’il à la Brissonnerie, mais étant marié, il n’est plus domestique logé sur place.
En 1911, la famille habite toujours Cramard, mais cette fois-ci François est cantonnier, et plus domestique agricole.
Quand la guerre éclate, François est provisoirement rappelé à l’activité, mais ne reste que quelques semaines au dépôt du 125e régiment d’infanterie à Poitiers. Il est réformé le 26 septembre 1914 pour arthrite tuberculeuse du genou, et sera maintenu réformé en mai 1915.
Autour de la famille, les frères et beau-frères de François et Clémentine, les cousins, les voisins, les employeurs, tout le monde est touché par la guerre, et tout le monde ne revient pas.
Peut-être cela a-t’il permis à François et Clémentine de passer du statut d’ouvrier agricole à celui de fermier, celui qui gère une exploitation, même si la terre ne lui appartient pas.
En 1921, c’est ainsi que je retrouve François et Clémentine fermiers à Cramard, exploitant les terres du Prieuré (7), qui appartiennent à Henri Boisseau, le descendant de la famille Chénier, qui est aussi propriétaire entre autres de la Brissonnerie – et maire d’Ayron. Il est possible que Clodomir, le troisième fils de François et Clémentine, né le 10 novembre 1917 à Cramard, soit né au Prieuré, mais la ferme est intégrée au village, les bâtiments jouxtent l’église de Cramard, et le lieu de naissance est simplement indiqué Cramard.
Je n’ai pas encore pu localiser par quel notaire la famille Chénier-Boisseau passait pour établir les baux de ses métairies autour d’Ayron – a priori ni à Latillé, ni à Vouillé – et je n’ai pas encore pu trouver les dates des différents baux concernant leurs terres mises en fermage. Pourtant ces baux me donneraient des précisions sur la chronologie des faits.
En 1926, François et sa famille – sans Achille qui s’est engagé dans l’armée – habitent toujours au Prieuré de Cramard. C’est là qu’est prise la photo de mariage de mes grands-parents, le 15 novembre 1926, dans la cour devant le bâtiment. Henri Boisseau, le propriétaire, est d’ailleurs présent au mariage, et sur la photo.
Entre 1927 et 1929, François Reau et Clémentine Pelletier changent d’exploitation. Ils deviennent les fermiers de la Brissonnerie (6), prenant la suite de Jean-Joseph Dubois. C’est à la Brissonnerie qu’est prise la photo de mariage de mon grand-oncle Arsène Reau avec Sophie Métivier, le 14 septembre 1929.
Mes grands-parents venaient en vacances tous les étés à Latillé, et tous les étés, ils venaient voir la famille à la Brissonnerie, où ont été prises de nombreuses photos.
Lors du recensement de 1946, François, Clémentine et leur fils Clodomir exploitent encore la Brissonnerie. Arsène est installé à Chanteloup (8), à quelques centaines de mètres, pendant que Régine est partie vivre dans la ferme de son mari, à la Bocquetière.
Après la mort de Clodomir, à 31 ans seulement en 1948, François et Clémentine se retirent à Cramard, où François meurt en 1952.
Clémentine finira sa vie à Chanteloup, chez son fils Arsène, le 12 novembre 1968, à 89 ans. François et Clémentine reposent tous les deux au cimetière de Chalandray, juste à côté de la Vendelogne (9).
Sources et liens
- Le Moulin de Rouillé – Rouilly – AD86 – Chalandray Cadastre section C – 1832 – Parcelles 310 à 314
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