Je continue mon dépouillement des recensements militaires du canton de Vouillé.
La classe 1890 correspondant aux jeunes gens nés en 1870 est en ligne sur le site ici.
La liste de tirage au sort du canton compte 123 noms d’après les numéros attribués sur les fiches matricules. Je n’ai pu retrouver que 118 noms, et j’imagine que les 5 noms manquants correspondent à des jeunes gens exemptés. Encore une vérification à faire si je vais un jour prochain aux archives à Poitiers.
Aucun des 118 jeunes hommes recensés en janvier 1891 n’est mort au combat pendant la Première guerre Mondiale. Il est malgré tout intéressant d’analyser le parcours de cette classe, qui avait 43 ans au moment de la mobilisation, et aurait dû être libérée de ses obligations militaires le 1er octobre 1917.
- D’où sont originaires les 118 jeunes gens recensés à Vouillé en janvier 1891 ?
L’article 13 de la loi du 15 juillet 1889 sur le recensement militaire précise les conditions de rattachement à une commune donnée :
Dans la plupart des cas, c’est dans la commune de résidence des parents que le recensement va avoir lieu.
Tous nos jeunes soldats en devenir sont bien recensés conformément à l’article 13, dans la commune où résident leur parents.
Le tableau ci dessus a de plus un intérêt « sociologique ».
31 familles ont migré entre 1871 et 1890, puisqu’un de leur enfant est né dans une commune différente de celle où les parents résident en 1890. Cela représente un quart des familles concernées, un pourcentage supérieur à celui auquel je m’attendais. Néanmoins, une grosse partie de ces migrations se fait dans l’aire géographique élargie du canton – y compris les communes limitrophes comme Vasles, ou peu éloignées comme Curzay ou Neuville.
21 jeunes gens âgés d’à peine 20 ans n’habitent plus dans le même canton – donc a fortiori dans la même commune que leurs parents. Rappelons qu’en 1891 dans le Poitou, ils ne partent que rarement faire leurs études à l’université, c’est donc pour des raisons professionnelles qu’ils s’en vont, et parfois fort loin.
- Quelles sont les professions des jeunes recensés ?
Dans le tableau ci dessous, j’ai rassemblé les professions, classées plus ou moins par nature d’activité, et le niveau scolaire déterminé au moment du conseil de révision.
Trois instituteurs débutants, deux étudiants et même un étudiant en médecine, Jules Guillon, qui sera maire d’Ayron plus tard, cette classe 1890 est un bon cru au niveau de l’instruction.
Rappelons nous le niveau d’instruciton de la classe 1889 :
Si on compare avec la classe 1890, le niveau est globalement identique, malgré une différence apparente concernant les niveaux 2 et 3. Entre 85 et 90% des deux classes d’âge savent à peu près lire, écrire et compter, même si les disparités à l’intérieur de ces niveaux sont probablement très importantes.
- Quelle est la condition physique des jeunes appelés ?
La taille moyenne des 111 recrues effectivement mesurées lors du conseil de révision est de 1,64153153 m.
En janvier 1891, à l’issu du conseil de révision à Vouillé, ils sont 9 à être exemptés ou réformés. Ils n’auront donc aucune instruction militaire. Pourtant ils seront 4 à être appelés ensuite pour une durée de 3 mois à 2 ans pendant la guerre. Je doute que leur état général se soit amélioré, j’imagine qu’en 1915, date où la classe 1890 a été rappelée, le besoin en effectif avait rendu les critères de réforme plus rigoureux qu’en 1891, quand il n’y avait pas de rumeur de guerre.
Enfin, ils sont 19 à être affectés aux services auxiliaires, car ne présentant pas les critères physiques jugés nécessaires pour servir dans l’armée d’active – taille, faiblesse – tout en n’étant pas affligé d’une infirmité justifiant l’exemption.
Sur 118 conscrits, 28 n’effectueront donc pas leur service militaire dans un régiment d’active pour des raisons physiques, chiffre considérable.
La plupart des conscrits, 72 d’entre eux sur les 90 qui vont partir, quittent leur ville de résidence courant novembre 1891.
Mais depuis 1888, ils sont 13 à avoir devancé l’appel, soit plus de 14% des conscrits de l’année. A priori, le nombre des engagés en France fin 1890 est suffisamment important pour que le Journal de la Vienne en parle dans son numéro du 5 décembre 1890.
Si on résume la situation, 90 jeunes hommes nés en 1870 ont eu une expérience et une instruction militaire, entre un et trois ans.
Ceux qui ne partent qu’un an pour raison de dispense sont semble t’il affectés au 125ème régiment d’infanterie, à Poitiers, pas trop loin de la maison. Pour ceux qui font un service militaire complet, les destinations varient et ne sont pas identiques d’un an sur l’autre. Bien sûr, un régiment, comme le 114ème régiment d’infanterie, qui aurait « fait le plein » pour trois ans d’hommes de troupe en 1890 ne pourrait pas en recevoir un contingent complet l’année suivante.
En Aout 1914, nos conscrits de la classe 1890 survivants ont 43 ans révolus, la plupart sont mariés et pères de famille. Depuis octobre 1910 ils sont passés dans la réserve de l’armée territoriale et la fin théorique de leurs obligations militaires est prévue pour octobre 1917.
Sur leur fiche matricule, on trouve la mention suivante
Voici ce que dit l’article 33 :
Quand la mobilisation est décrétée, ils sont encore 108 à être vivants. 19 d’entre eux vont voir leur situation de réformé ou d’exempté confirmée lors des conseils de révision de début de guerre, et n’effectueront aucun service. Ce sont donc 90 hommes entre 43 et 45 ans qui vont répondre à l’appel du ministre de la guerre et laisser leurs familles derrière eux.
Il y a parmi eux deux militaires de carrière et un médecin – l’étudiant en médecine qu’on avait vu au moment du conseil de révision, et qui va faire toute la guerre en tant que médecin militaire.
Tous vont survivre à cette guerre, quelque soit la période plus ou moins longue qu’ils auront passée sous les drapeaux.
Pour finir, faisons un point rapide sur quelques particularités des affectations de cette classe 1890 de Vouillé.
Ils sont 3 à participer aux opérations de mobilisations, entre le 4 et le 9 août 1914. Je n’ai rien vu de spécial sur leur fiche matricule expliquant cette affectation, j’imagine qu’elle a plus à voir avec leur implication dans la vie de leur commune – conseiller municipal par exemple – que par rapport à leurs compétences militaires, mais je n’ai pas pu vérifier cette hypothèse pour l’instant.
Ils sont 49 à être mobilisés pour une période allant d’une semaine à plusieurs mois dans les Gardes des Voies de Communication. Contrairement à la classe 1889 de Vouillé, pour laquelle le service dans les GVC avait débuté en 1915, pour la classe 1890 c’est dès avant la mobilisation, dès le 1er août 1914 pour certains, qu’ils sont appelés. C’est Alexis Brin, né à Ayron le 11 septembre 1870, qui va avoir l’affectation la plus longue dans les GVC : du 11 janvier 1915 au 3 décembre 1916, soit 23 mois.
C’est le 68ème régiment d’infanterie territoriale de Poitiers qui voit passer le plus de militaires de cette classe : ils sont 50 à y passer au moins une semaine pour certains, au dépôt avant une nouvelle affectation. En fait, ils sont peut être même plus, mais je n’ai de mention du passage au 68ème RIT sur les fiches matricules – que je soupçonne de ne pas être exemptes de petites erreurs ou omissions – que pour 50 d’entre eux, sur mes 81 rappelés.
Entre mai et novembre 1917, principalement en juillet 1917, ils sont 45 à retourner chez eux pour être affectés aux travaux agricoles. Pour mémoire, la classe 1889 avait pu bénéficier de cette affectation Travaux agricoles à partir de février 1917, soit en gros un trimestre avant la classe 1890.
Ils sont tous démobilisés entre le 30 novembre 1918 et le 20 décembre 1918.
Le dépouillement de la classe 1891 est en cours, j’espère en avoir fait l’analyse sur ce blog d’ici la fin mars – si vous n’avez pas tous fui d’ici là …
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