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Durant tout le mois de juin 2017, dans le cadre du Challenge AZ, je vous raconte la vie des ancêtres de mon arrière-grand-père Jean Joseph Billard.
Si vous avez l’habitude de me lire, vous savez l’importance que j’accorde au souvenir porté aux soldats morts en raison de la Première Guerre Mondiale. Un des mots clefs utilisés sur les réseaux sociaux pour mentionner le souvenir de cette guerre est le hashtag #WW1, abréviation de l’anglais World War 1 – Première Guerre Mondiale.
Du coté de la famille proche de Jean-Joseph Billard, fils, neveux, cousins germains, je n’ai trouvé aucun décès imputable à la guerre. Les générations ont été telles que les hommes de la famille étaient trop âgés et sont restés à l’arrière, ou bien trop jeunes et n’ont été appelés qu’à partir de 1920. En revanche, certains cousins éloignés ont durement été touchés.
Aujourd’hui, je vais vous raconter l’histoire des deux fils d’Antoine Boissezon, cousin issu de cousin issu de germain de Paul Moustelon.
Antoine Alexandre Boissezon, agriculteur au hameau de Boissezon, sur la commune de Vieussan, a 34 ans quand il épouse, à Murat-sur-Vèbre, Catherine Jean, qui a 22 ans. En avril 1880, Catherine met au monde une petite fille mort née. Deux ans et demi plus tard, le petit François Antoine Abel Boissezon vient au monde, dans la maison de ses parents à Boissezon, le 10 octobre 1882. Il va être le seul enfant du couple.
Catherine Jean meurt jeune, à 32 ans, le 9 avril 1888. Son fils n’a que 6 ans.
Deux ans et demi plus tard, Antoine Boissezon se remarie, à nouveau à Murat-sur-Vèbre, avec Marie Metge, une jeune fille de 27 ans, qui vient de Canac, le même hameau que Catherine Jean. Le 26 octobre 1891, elle met au monde un garçon, Alix Jean Boissezon. Son père a 48 ans, sa mère 28, et son demi-frère François 9 ans.
Au début de l’année 1903, la classe 1902 passe le conseil de révision. François Boissezon se rend à Olargues. Sa fiche matricule indique qu’il est viticulteur, j’en déduis qu’on cultive la vigne sur les terres des Boissezon à Vieussan.
Deux ans de suite, au recrutement de 1903, puis de 1904, François est ajourné pour faiblesse. Cet ajournement répond à un calcul mathématique, appelé indice, qui est le rapport entre la taille, le poids et le périmètre thoracique du conscrit. Le conscrit est jugé trop faible, et donc ajourné pour faiblesse, lorsque l’indice de rapport calculé est supérieur à 30.
François est plutôt grand pour l’époque, 1,68m , mais il est probablement mince, et peu épais. Cela ne l’empêche pas d’être apte au travail de la vigne et de la culture, dans les champs escarpés de moyenne montagne du Haut Languedoc, par tous les temps. Mais statistiquement, pour l’armée, sans même un vrai examen médical, juste sur un calcul à partir de trois mesures corporelles, il n’est pas considéré bon pour le service, et en 1905 il est classé dans les services auxiliaires et n’accomplit donc pas son service militaire.
Le 31 aout 1906, François, qui a maintenant 23 ans, épouse Marie Villebrun, fille d’un agriculteur-viticulteur de Mons. Il s’installe ensuite avec ses beaux-parents et travaille comme ouvrier agricole pour son beau-père, c’est lui qui reprendra ensuite l’exploitation.
Le 10 novembre 1908, Marie Villebrun accouche à la Coste, dans la maison familiale, d’un fils à qui on donne les prénoms de François Joseph Marie Antoine Martin. Le 21 août 1910, un second fils, Marius Joseph Jules, vient au monde.
Pendant ce temps là, à Vieussan, Antoine Boissezon, son fils Alix et sa femme Marie Metge exploitent leurs terres à Boissezon. Le 10 octobre 1911, à 68 ans, Antoine Boissezon décède. Marie a 48 ans, et son fils Alix va avoir 20 ans deux semaines plus tard. Qu’importe qu’il n’y ait plus personne pour s’occuper de la terre, qu’importe que sa mère soit maintenant seule, il faut au début de l’année suivante, en 1912, aller à Olargues passer le conseil de révision à son tour.
Alix quitte Vieussan pour rejoindre le 11 octobre 1912 son unité du 3e régiment d’infanterie, stationné à Hyères. Néanmoins, il n’effectue pas la totalité de son service militaire. Le 3 mars 1913, il obtient le classement Soutien de famille, qui lui permettrait de ne servir que 2 années sous les drapeaux. Le 7 novembre 1913, la commission de réforme de Toulon le réforme temporairement, il est rayé des contrôles et retourne dans ses foyers, à Vieussan.
Quand la guerre éclate, le 2 août 1914, les deux frères Boissezon, François et Alix, sont tous les deux réformés. Ils restent donc au pays, mais doivent se soumettre à un nouveau passage devant une commission de réforme.
Le 4 novembre 1914, la commission de réforme de Béziers déclare Alix apte à servir et il rejoint le 3e régiment d’infanterie, probablement au dépôt à Hyères.
Le 12 novembre 1914, François, pourtant père de 2 enfants, classé service auxiliaire en 1905, est classé service armé et arrive le même jour au 55e régiment d’infanterie à Pont-Saint-Esprit. Il ne sait probablement pas que son épouse Marie est enceinte d’un troisième enfant, un fils qui va naitre le 19 juin 1915.
Le 26 novembre 1914, François passe au 149e régiment d’infanterie, tout d’abord à la 30e compagnie, puis à la 32e compagnie à partir du 24 juin 1915. Malheureusement, le Journal de Marches et Opérations du 149e RI est lacunaire, et pour comprendre le parcours de François pendant les 10 mois qu’il va passer dans le régiment, j’ai utilisé les ressources du blog du 149e régiment d’infanterie, l’historique du régiment et l’ouvrage Les armées françaises dans la Grande Guerre sur Gallica.
Le 149e RI appartient à la 85e brigade d’infanterie, 43e Division d’infanterie, et on peut retracer une partie de son engagement à travers les JMO de la brigade et de la division.
Quand François est affecté au 149e RI, fin novembre 1914, le régiment vient de se battre à Ypres. A partir de mi décembre 1914, il est envoyé en Artois, où il va combattre pendant 13 mois consécutifs autour de Notre-Dame-de-Lorette.
On peut donc avancer, sans se tromper, que François va participer probablement à l’offensive du 9 mai 1915, qui se poursuit jusqu’aux derniers jours de juin. A-t’il ensuite une permission pour aller voir son 3ème fils qui vient de naitre, je l’ignore. Mais il est là, avec ses camarades, au matin du 25 septembre 1915, en Artois, pour l’attaque massive menée conjointement par les armées anglaise et française fixée à la fois en Artois et en Champagne.
La 43e division intervient au nord d’Arras, avec comme objectifs le bois en Hache, le bois 11 et la halte de Souchez, puis Angres et le bois de Givenchy. La journée du 25 septembre est un demi-succès, qui fait au moins 46 morts dans les rangs du 143e RI selon l’indexation de MemorialGenweb.
Le 26 septembre, second jour de l’offensive, la 43e division reprend la partie ouest du bois en Hache; sa gauche est arretée à proximité d’Angres. A la fin de la journée, François Boissezon est porté disparu . Ce jour là, selon la base MemorialGenweb, au moins 166 soldats du 149e régiment sont morts ou portés disparus.
Ce n’est que le 4 novembre 1920 que le tribunal de Saint-Pons déclare le décès de François Boissezon, alors que ses trois enfants sont devenus pupilles de la Nation par jugement du tribunal civil de Saint Pons du 12 novembre 1919.
Il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze, selon la mention du Journal Officiel du 16 mai 1922.
Son nom figure sur le monument aux morts de Mons, et sur le livre d’or de Vieussan.
Pendant ce temps, Alix est passé le 14 mai 1915 au 112e régiment d’infanterie, puis il est envoyé aux armées, et donc dans des unités combattantes, au 162e régiment d’infanterie à partir du 6 octobre 1915, peu de temps après la disparition de son frère. Les souvenirs de la famille Boissezon disent qu’en apprenant la mort de son frère ainé, il a voulu déserter, mais que sa mère l’a poussé à rester dans son unité.
Sa mère, Marie Metge, qui meurt cet hiver là, le 3 décembre 1915 à Vieussan, alors qu’elle n’a que 52 ans.
Le 162e régiment d’infanterie appartient à la 42e division d’infanterie jusqu’en décembre 1916.
Il est probable qu’Alix, peu de temps après son arrivée, se soit retrouvé engagé dans la seconde bataille de Champagne, avant de se retrouver au début 1916 au repos vers Chalons-en-Champagne. Du 10 au 31 mars, le régiment monte en première ligne à Verdun, vers le bois d’Haudromont et Douaumont, avant une semaine de repos vers Bar-le-duc. Le 6 avril 1916, la 42e division d’infanterie retourne à Verdun, entre la Hayette et la Meuse, et subit à partir du 9 avril de violentes attaques allemandes. Le JMO raconte précisément cette journée du 9 avril 1916, au cours de laquelle Alix Boissezon va être porté disparu.
Dans un premier temps, la fiche matricule indique qu’Alix est porté disparu, peut être prisonnier, mais je n’ai trouvé aucune demande le concernant sur le site du CICR. Mais qui aurait fait cette demande de recherche ? Ses parents sont morts, son frère ainé est mort, il ne lui reste qu’une belle-soeur et trois neveux orphelins.
Le 6 octobre 1920, le tribunal de Saint-Pons statue sur le décès au 9 avril 1916 d’Alix Boissezon, à Béthincourt, dans la Meuse. Il avait 24 ans.
Son nom figure dans le livre d’or de Vieussan. On lui octroie la Croix de guerre avec étoile de bronze dans le Journal Officiel du 4 janvier 1923.
Il fait partie des 16 noms portés sur le monument aux morts de Vieussan.
En 2016, la Société archéologique et historique des Hauts Cantons de l’Hérault a fait paraitre dans son bulletin n°39 une analyse intitulée « La guerre au quotidien d’après la correspondance des poilus de Vieussan (1914-1918) ».
Sources et liens
- AD81 – Mariages Murat-sur-Vèbre 1877-1878
- AD34 – NMPD Vieussan 1881-1899
- AD34 – Recensements Vieussan 1886 – 1891 – 1896 – 1901 – 1906 – 1911
- AD81 – Mariages Murat-sur-Vèbre 1889-1890
- AD34 – NPMD Mons 1903-1916
- AD34 – Registre matricule Béziers Saint Pons de Thomières 1902 – matricule 1290 – Fiche matricule de François Boissezon
- AD34 – Registre matricule Béziers Saint Pons de Thomières 1911 – matricule 1409 – Fiche matricule d’Alix Boissezon
- Gallica – JORF du 16/05/1922 – François Boissezon
- Gallica – JORF du 04/01/1923 – Alix Boissezon
- Mémoire des Hommes – Fiche de François Antoine Abel Boissezon
- Memoire des Hommes – Fiche d’Alix Jean Boissezon
- Le parcours du combattant de la guerre 1914-1918 – Le conseil de révision
- Mémorial des poilus de l’Isère – Le recrutement – Une explication claire de la façon dont est calculé l’indice qui permet ou non d’ajourner un conscrit pour faiblesse
- Gallica – Historique du 3e régiment d’infanterie
- Blog du 149e régiment d’infanterie
- Historique du 149e régiment d’infanterie
- Chtimiste – L’offense en Artois en septembre 1915
- Mission Centenaire – 25 septembre 1915, les offensives de Champagne et d’Artois
- Gallica – Les armées françaises dans la Grande guerre. Tome III. 3 / Ministère de la guerre, état-major de l’armée, service historique – Chapitre IX pages 431 et suivantes
- Mémoire des Hommes – JMO du 162e régiment d’infanterie – 1er aout 1915-31 décembre 1916
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